B. UNE RÉPERCUSSION FAIBLE ET INÉGALEMENT RÉPARTIE DES ALLÈGEMENTS DE TAXE D'HABITATION SUR LES COLLECTIVITÉS LOCALES
On oppose traditionnellement la compensation des exonérations à la technique des dégrèvements législatifs. Dans le premier cas, l'Etat ne verserait aux collectivités locales qu'une compensation forfaitaire au mieux indexée sur un indice national de croissance, tel celui de la DGF ou celui des prix. Dans le second cas, au contraire, l'Etat se substituerait en totalité au contribuable dégrevé, « hors la vue » des collectivités locales pour lesquelles la perte de recettes serait ainsi nulle. En fait, ces deux techniques se rapprochent lorsque l'Etat accepte de financer le coût généré par une augmentation des bases exonérées ou dégrevées, même s'il se refuse à supporter le poids des hausses de taux. Les effets modérateurs attendus de ce gel des taux ne doivent pas être surévalués ; ils peuvent de plus être mis en échec par un détournement des politiques locales d'abattements facultatifs.
1. Les effets modérateurs du gel des taux sont limités
Les contributions de l'Etat ne dépendent plus des taux futurs de taxe d'habitation même si elles suivent l'évolution des bases exonérées ou dégrevées...
S'agissant des exonérations , l'Etat verse aux collectivités locales une compensation assise sur le montant des bases nettes dégrevées l'année précédente sur la base d'un taux gelé à son niveau de 1991 , s'il est inférieur au taux de l'année précédente. La collectivité locale supporte donc un ticket modérateur proportionnel à l'augmentation de son taux de taxe d'habitation depuis 1991, mais bénéficie de l'accroissement éventuel des bases exonérées (et en tout cas de leur révision forfaitaire annuelle). Ce mécanisme de compensation des exonérations est donc différent de celui mis en place pour compenser la suppression de la part régionale de la taxe d'habitation dont les bases sont définitivement figées.
S'agissant des dégrèvements partiels , un ticket modérateur au bénéfice de l'Etat a également été mis en place en 2000 ; mais son coût est supporté non pas par les collectivités locales mais par le contribuable dégrevé : le montant du dégrèvement partiel est en effet réduit d'un montant égal au produit de la base nette imposable par l'augmentation du taux global de taxe d'habitation constatée depuis 2000 (en vertu des dispositions du III de l'article 1414 A du code général des impôts). C'est donc la somme des taux des diverses collectivités qui est prise en compte pour déterminer s'il y a eu augmentation de la pression fiscale dans une commune.
• Enfin, aucun ticket modérateur n'existe pour les dégrèvements totaux.
Quels sont les effets de ce double système ? :
D'abord, le gel des taux n'est pas un mécanisme suffisant pour enrayer de façon significative le risque d'irresponsabilisation des élus locaux généré par le système des dégrèvements. En effet, les contribuables dégrevés ne percevront pas les effets des augmentations de pression fiscale postérieures à 2000 par rapport aux taux réels votés en 2000, mais par rapport aux taux, parfois très inférieurs, déclenchant l'octroi du dégrèvement partiel 22 ( * ) . Tout se passe en fait comme si on mettait entre parenthèses le différentiel de pression fiscale entre le taux de taxe d'habitation de 2000 et le taux déclenchant l'octroi du dégrèvement partiel. Les collectivités locales ayant voté des taux élevés de taxe d'habitation avant 2001 ne seront donc nullement incitées à adopter une politique fiscale plus stricte que celles ayant adopté antérieurement une politique de taux modérés. De plus, le gel des taux pour le calcul des dégrèvements s'applique au taux global de 2000, toutes collectivités confondues. Si, par exemple, le département baisse son taux, la commune pourra en profiter pour augmenter le sien, sans conséquence pour le contribuable dégrevé.
Ensuite, une inégalité de traitement significative persiste entre dégrèvements et exonérations pour les collectivités locales dont la population de condition modeste vieillit. Lorsqu'un contribuable antérieurement dégrevé passe dans le champ de l'exonération parce qu'il a dépassé l'âge des 60 ans, la collectivité locale subit une perte de recettes au moins proportionnelle 23 ( * ) à la différence entre son taux actuel de taxe d'habitation et son taux de 1991. Et cette perte de recettes peut se produire à retardement : une hausse des taux entre 1991 et 1995 par exemple a pu être sans conséquence sur le montant des dégrèvements au cours de cette période et induire en revanche une perte de recettes ultérieure lors de la transformation de dégrèvements en exonérations.
* 22 Le taux déclenchant le dégrèvement partiel est celui pour lequel le contribuable paie une cotisation de taxe d'habitation juste égale à 4,3 % de son revenu de référence après abattement.
* 23 La perte peut être plus que proportionnelle à la variation du taux de taxe d'habitation parce que l'exonération totale est accordée pour un revenu de référence limite supérieur à celui d'un dégrèvement total en fonction du revenu.