II. LES MUSÉES CONNAISSENT-ILS LEURS COLLECTIONS ?
La situation des réserves -très disparate- a naturellement conduit la mission à s'interroger sur la connaissance qu'ont les musées de la consistance de leur patrimoine et donc sur les conditions dans lesquelles sont effectuées deux opérations essentielles dans la gestion administrative des collections, à savoir l'inventaire et le récolement.
La mission a pu constater que, si les conservateurs ont conscience de l'importance de ces tâches, la réalité du fonctionnement des musées fait apparaître des lacunes préoccupantes dans leur exécution.
A. UNE ABSENCE DE DOCTRINE
1. L'inventaire et le récolement des collections : des opérations essentielles dans la gestion administrative des collections
La tenue de l'inventaire apparaît comme un acte fondamental dans la gestion administrative d'une collection muséographique dans la mesure où ce document a pour vocation de définir sa consistance. En établissant l'appartenance d'un bien à une collection, l'inventaire en détermine le statut.
On rappellera que, jusqu'à l'entrée en vigueur de la loi du 4 janvier 2002, s'appliquait aux biens constituant les collections des musées la théorie jurisprudentielle du domaine public.
En l'absence de dispositions spécifiques, dans la mesure où les collections étaient la propriété d'une personne publique et étaient affectées à l'usage du service public muséographique -ce que permettait d'établir l'inventaire-, elles étaient considérées comme appartenant au domaine public et, à ce titre, étaient inaliénables et imprescriptibles.
La loi du 4 janvier 2002 a formalisé ces règles.
Son article 11 dispose en effet que les biens constituant les collections des musées de France appartenant à une personne publique -en pratique ceux inscrits sur les inventaires- font partie de leur domaine public et sont, à ce titre inaliénables. Par ailleurs, le même article affirme leur imprescriptibilité, statut qui a été étendu dans le souci de protéger leur intégrité, aux collections de l'ensemble des musées de France, y compris ceux relevant d'une personne morale de droit privé.
L'inventaire constitue donc, on le voit, un document essentiel qui, outre le statut des biens qui y sont inscrits, détermine également l'étendue de la responsabilité des agents qui en sont dépositaires.
C'est pour cette raison qu'à l'initiative de votre commission, a été introduit dans la loi du 4 janvier 2002 un article précisant que « les collections des musées de France font l'objet d'une inscription sur un inventaire » et qu'« il est procédé à leur récolement tous les dix ans » (article 12).
Ces précisions, qui semblent aller de soi au regard du bon sens, étaient justifiées par les lacunes constatées dans la tenue des inventaires des musées, qu'il s'agisse des institutions relevant de l'État ou de celles dépendant des collectivités territoriales, et traduisaient le souci que puissent être dégagés au sein des musées de France « les effectifs et les moyens nécessaires qui faisaient jusque là défaut » 11 ( * ) .
Les travaux de la mission ont confirmé la pertinence de cette disposition, qui pour certains musées, relève encore du voeu pieux plutôt que de l'obligation législative.
* 11 Rapport n° 5 (2001-2002) de M. Philippe Richert fait au nom de la commission des affaires culturelles sur le projet de loi adopté par l'Assemblée nationale, après déclaration d'urgence, relatif aux musées de France.