N°
343
SÉNAT
SESSION ORDINAIRE DE 2002-2003
Annexe au procès-verbal de la séance du 10 juin 2003
RAPPORT D'INFORMATION
FAIT
au nom de la commission des Finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la Nation (1) et de la délégation du Sénat pour la planification (2) sur les réformes fiscales intervenues dans les pays européens au cours des années 1990 ,
Par MM.
Philippe MARINI et Joël BOURDIN,
Sénateurs.
(1)
Cette commission est composée de :
M. Jean Arthuis,
président
; MM. Jacques Oudin, Gérard Miquel, Claude
Belot, Roland du Luart, Mme Marie-Claude Beaudeau, M. Aymeri de
Montesquiou,
vice-présidents
; MM. Yann Gaillard, Marc
Massion, Michel Sergent, François Trucy,
secrétaires
; M.
Philippe Marini,
rapporteur général
; MM. Philippe
Adnot, Bernard Angels, Bertrand Auban, Denis Badré, Jacques Baudot,
Roger Besse, Maurice Blin, Joël Bourdin, Gérard Braun, Auguste
Cazalet, Michel Charasse, Jacques Chaumont, Jean Clouet, Yvon Collin,
Jean-Pierre Demerliat, Eric Doligé, Thierry Foucaud, Yves
Fréville, Paul Girod, Adrien Gouteyron, Hubert Haenel, Claude Haut,
Roger Karoutchi, Jean-Philippe Lachenaud, Claude Lise, Paul Loridant,
François Marc, Michel Mercier, Michel Moreigne, Joseph Ostermann,
René Trégouët.
(2) Cette délégation est composée de
: M. Joël
Bourdin,
président ;
Mme Évelyne Didier,
MM. Serge Lepeltier, Marcel Lesbros, Jean-Pierre Plancade,
vice-présidents ;
MM. Pierre André, Yvon Collin,
secrétaires
; MM. Gérard Bailly, Joseph
Kerguéris, Patrick Lassourd, Michel Pelchat, Daniel Percheron, Roger
Rinchet, Gérard Roujas, Bruno Sido
.
Impôts et taxes. |
INTRODUCTION
Le
présent rapport sur les réformes fiscales intervenues en Europe
au cours de la dernière décennie du siècle
précédent est, avant tout, destiné à mettre
à la disposition du Sénat, et du public en général,
les résultats d'une étude commandée par la Commission des
Finances du Sénat et la Délégation du Sénat pour la
planification.
Même si les rapporteurs ne partagent pas la totalité de leurs
points de vue, il faut remercier les chercheurs de l'Observatoire
français des conjonctures économiques d'avoir relevé le
défi d'une présentation systématique des réformes
des prélèvements obligatoires réalisées sur notre
continent.
Des réformes ? Le mot est sans doute un peu trop fort car la
première conclusion
marquante qui ressort de l'étude
est bien que la multiplicité des mesures adoptées ne fait pas
en soi réforme
. L'analyse peine en effet à identifier un
remodelage de grande ampleur orienté vers la poursuite d'objectifs
clairement identifiés dans les pays étudiés, pour la
période sous revue. On en comprend les raisons qui, au-delà des
difficultés intrinsèques de toute réforme, semblent
fondamentalement liées à deux phénomènes
caractéristiques de la période : une croissance
économique lente dans ses débuts et, à de rares exceptions
près, des dépenses publiques en hausse, quand seule une
maîtrise de ces dépenses favoriserait une réforme
ambitieuse et durable des prélèvements. L'absence de grands
bouleversements des systèmes de prélèvements obligatoires
est évidemment un motif de déception pour tous ceux qui, comme
vos rapporteurs, s'inquiètent de l'effet nocif, sur les plans
économique mais aussi social, de prélèvements excessifs.
Cette déception vaut tout particulièrement pour notre pays.
On ne peut pour autant caractériser la période comme une
période d'immobilisme fiscal. Des réaménagements fiscaux
se sont additionnés qui, dans l'ensemble, ont partagé une
inspiration commune - mais dont la logique n'a, de loin, pas
été poussée à son terme - : supprimer les
excès des différentes catégories de
prélèvements pour une plus grande neutralité de
l'impôt et une meilleure compétitivité fiscale.
Une plus grande neutralité des prélèvements ?
Cette logique peut traduire parfois un certain renoncement à
l'utilisation de la fiscalité à des fins d'incitation, elle
semble surtout la conséquence d'une contrainte de financement
résultant des diminutions de taux nominaux d'imposition mises en oeuvre
et ne doit pas être considérée comme d'application
systématique. Au cours des années 90, les pays européens
ont aussi souhaité manier leurs prélèvements à des
fins structurelles, qu'il s'agisse des incitations adressées aux acteurs
du marché du travail pour résoudre certains des graves
problèmes posés par la situation de l'emploi en Europe, ou qu'il
s'agisse de poursuivre un objectif de compétitivité fiscale.
Celui-ci est sans doute le deuxième élément qui a pu
structurer les réaménagements fiscaux entrepris. Il invite
à s'interroger sur
l'existence en Europe d'un processus de
concurrence fiscale
dont votre commission des finances avait pu
démonter les ressorts dans un précédent rapport
1
(
*
)
. Même si elle
débouche sur des résultats nuancés, l'analyse des
réformes entreprises ne peut manquer d'en souligner la dimension
essentiellement nationale, contrepartie de l'absence de progrès dans
l'harmonisation fiscale européenne, non plus que l'inspiration
compétitive qui anime les pays européens. Celle-ci n'a pas pu
s'épanouir complètement et c'est sans doute un effet inattendu
des contraintes du Pacte de stabilité et de croissance que d'avoir
contenu les concurrences fiscales en Europe.
Cependant, certains Etats ont pris de l'avance et la compétition fiscale
en Europe, très vive pour certains prélèvements, n'a pas
fini d'être un sérieux sujet de préoccupation, d'autant que
l'Union européenne est exposée à un processus de
globalisation auquel ses composantes s'ajustent en ordre
dispersé.
* 1 Rapport du Sénat n° 483 (1998-1999), M. Philippe Marini, commission des finances : « La concurrence fiscale en Europe : une contribution au débat ».