DISCOURS DE MME CLARA GAYMARD
REPRÉSENTANT LE MINISTRE DÉLÉGUÉ
AU COMMERCE EXTÉRIEUR

C'est pour Mme Gaymard un grand honneur et un grand plaisir d'être présente à ce colloque où elle représente M. François Loos, ministre délégué au Commerce Extérieur qui s'excuse de ne pas pouvoir être là. Cela donne l'occasion à Mme Gaymard de dire à quel point le réseau de la DREE qui comprend 2 000 agents à l'étranger, 300 personnes à Paris et 150 personnes dans toute la France est attaché aux métiers de l'artisanat, politique qu'elle développe depuis quelques années.

Les artisans d'art incarnent les métiers de l'excellence, de la perfection ; leur savoir-faire est unique puisqu'ils le matérialisent dans des exemplaires qui ne se font qu'à quelques unités.

Son métier lui permettant d'aller un peu partout dans le monde, Mme Gaymard à l'occasion de se rendre compte à quel point l'artisanat d'art français est connu dans le monde entier ; même les grandes entreprises françaises « s'en plaignent » car la haute puissance industrielle et technologique est moins spontanément reconnue que les métiers d'art. Rentrée du Japon depuis quelques jours, elle a été tout à fait frappée de cette image de la France dans l'esprit des Japonais, et c'est pour ça qu'il faut tout à fait insister sur l'imbrication extrêmement étroite entre le tourisme et l'artisanat d'art.

La question, ce n'est ni une question d'image ni de réputation, la qualité française existe, elle est reconnue, elle est acceptée, elle est sans doute encore mieux reconnue à l'étranger qu'elle ne l'est en France, et le rôle des pouvoirs publics qui s'occupent à l'étranger d'aider les entreprises français à exporter et à s'internationaliser, c'est d'en prendre compte et d'aider chacun à la hauteur des besoins qu'il rencontre.

Ce que la DREE essaie d'agir à plusieurs niveaux :

- D'abord à Paris avec une mission, la MAT, qui est basée au CFCE et qui travaille étroitement avec les Chambres de métiers pour donner aux artisans l'information dont ils ont besoin sur les marchés extérieurs.

Il est clair que le problème de l'artisan est qu'il est un chef d'orchestre ; il doit non seulement être orfèvre dans son métier, mais il doit aussi être chef d'entreprise, discuter avec les différentes administrations, et s'il doit en plus aller à l'export et avoir une connaissance exhaustive des marchés, il ne s'en sortira pas. Le rôle de la DREE est d'essayer de lui faire gagner du temps afin qu'il puise d'abord choisir les pays cibles sur lesquels il peut travailler et, parce qu'il y a toujours besoin d'un décodage des marchés et des possibilités de vendre sur ces marchés, quels sont les distributeurs, les agents avec qui on peut travailler, etc.

- Il est très important de pouvoir participer aux foires et aux salons spécifiques. La DREE a pris l'initiative d'organiser à Djedda un salon intitulé « Design et métiers d'art, printemps de France » et qui se tiendra la semaine du 21 mars 2003. La même initiative est lancée pour le Japon en juillet 2003. Ce sera une exposition uniquement consacrée au design dans le sens large du terme, c'est-à-dire la créativité dans l'objet dans tous les domaines, ce qui fait cette spécificité française qui attire tant les japonais où seront présents les artisans, mais également des grandes entreprises qui seront le sponsor de cette opération. L'exposition aura lieu lors de l'inauguration de la tour Mori ; Mori étant l'un des grands bâtisseurs de la nouvelle Tokyo qui est en pleine transformation car les Japonais n'ont réussi à solutionner la question des tremblements de terre et des tours que depuis une quinzaine d'années.

- Il y a également des opérations plus classiques comme le salon du tourisme à Alger, mais avant d'aller sur les foires et les expositions, il faut bien sûr pouvoir aider les artisans sur le terrain.

- Dans le cadre des contrats de plan Etat-Région, la DREE dispose d'une ligne spécifique qui permet de subventionner les artisans qui souhaitent aller à l'export. Il s'agit d'une somme qui peut aller jusqu'à 200 000 F (env. 30 489 €) et qui permet de financer les premières dépenses de prospection ou de recrutement d'un cadre export ou de première démarche, quelle que soit sa nature à l'international. Sur ces contrats de plan Etat-Région, 25 % des entreprises sont des artisans qui utilisent cette procédure avec un très grand profit.

La DREE essaie aussi d'organiser un peu mieux ce financement dans le cadre de plans d'actions régionaux de développements internationaux ; il est important de pouvoir aider les artisans dans le cadre d'actions collectives.

Savoir qui peut assister l'artisan pour se développer à l'international est un sujet important. Il a été mis en place des « volontaires à l'international » (VIE) qui se substituent aux anciens coopérants avec des procédures beaucoup plus souples permettant de recruter quelqu'un pour s'occuper du développement international dans un pays donné et qui peut être porté dans le cadre d'une association « Partenariat France » qui regroupe une quarantaine de grands groupes et qui s'engage gratuitement ou moyennant un prix minimal à héberger ou aider ou porter dans un salon les petites entreprises qui souhaitent aller à l'international.

Tout cela, c'est le dispositif existant, mais François Loos a une priorité, c'est le développement des petites et moyennes entreprises à l'international, sachant qu'aujourd'hui elles constituent 25 % des échanges et que, dans un pays où un français sur quatre travaille pour l'international, et quand on sait que le commerce extérieur est sans doute le seul secteur qui croît de 10 % depuis 10 ans, on peut penser qu'en mettant nos efforts là, on favorisera la croissance et l'emploi qui sont indispensables.

L'une des pistes engagées par François Loos, c'est de créer un vivier d'opérateurs privés pouvant aider les petites entreprises à s'internationaliser. Il a annoncé tout à fait récemment devant l'Assemblée la fusion de deux organismes : le CFCE et Ubifrance qui organise des foires et des salons à l'étranger. Cette fusion va se faire au cours de l'année qui vient avec un changement majeur qui est d'abord une priorité donnée à l'information aux petites entreprises, mais surtout la création d'un fonds qui permettra, sur la base de priorités sectorielles et géographiques qui seront définies, de financer des opérations de promotion quelle que soit leur nature (participation à des foires, expositions, séminaires, colloques ; des invitations de décideurs, de journalistes ; des revues de presse, etc.), qui sont déjà dans l'activité d'Ubifrance et qui seront ouvertes sur la base d'appels d'offres à des opérateurs privés.

Les consortiums export des Italiens constituent une idée à retenir. Cinq ou six entreprises se regroupent, elles ont chacune une activité différente, mais complémentaires, ainsi ces entreprises sont capables de proposer une offre complète avec la nouveauté et la créativité qui caractérisent ce secteur.

La DREE voudrait que des entreprises formant une sorte de consortium export viennent voir les pouvoirs publics en leur disant qu'elles ont envie de faire une exposition dans un hôtel aux Etats-Unis, par exemple, ou une manifestation au Japon ou en Allemagne, et que l'on puisse apporter une subvention à ces entreprises qui ont déjà accompli une première démarche export. Cela peut aussi se faire avec un opérateur privé qui servira de relais pour organiser l'opération, mais très sincèrement, Mme Gaymard pense que les artisans métiers d'art doivent pouvoir se réunir pour proposer une offre globale.

La grosse difficulté des métiers d'artisanat, c'est de pouvoir s'insérer dans une offre globale qui fait que des acheteurs potentiels ne vont pas simplement acheter un objet, mais un ensemble d'offres françaises qui leur permet ensuite d'aller voir des clients potentiels. L'atomisation qui est à la fois une force (la créativité est toujours personnelle) est aussi un inconvénient lorsqu'on est à l'international, et la DREE est ouverte à toutes les suggestions qui peuvent lui être faites dans le cadre de ce fonds qui mettra à disposition des montants assez importants ; pour la promotion, cela représente, en plus de ce qui existe déjà, 7 millions d'euros par an.

Mme Gaymard reste à la disposition des artisans pour entendre leurs suggestions pour que l'artisanat, secteur par secteur ou dans son ensemble, puisse être acteur de cette nouvelle politique où il y a une volonté pour que l'Etat puisse être un facilitateur sans vouloir toujours être l'opérateur et l'acteur, mais au contraire se désengager et laisser les acteurs du privé devenir maîtres de leur destin. Pour prendre comparaison, pour 1 € du contribuable français mis sur l'assurance prospection, ce sont 50 € d'exportation qui sont générés ; il semble que c'est une bonne manière d'utiliser l'argent public.

La DREE attache une importante toute particulière au secteur de l'artisanat. Lorsqu'elle organise une grande exposition française, elle a toujours à coeur d'exposer dans une vitrine qui fait un peu l'image de la France des produits d'artisanat d'art ou des produits de luxe qui attirent l'oeil et qui sont une manière de faire accéder les visiteurs étrangers à nos produits.

Mme Gaymard souhaiterait qu'aujourd'hui ne soit pas pris simplement l'engagement que les artisans métiers d'art sont une porte d'entrée, mais que cette image leur serve et que les outils qui sont mis en place soient les plus faciles d'accès pour qu'ils puissent les utiliser.

Regroupement est un maître mot à l'international. Visiter les sites Internet de la DREE représente le meilleur moyen de connaître les outils à disposition et aussi le meilleur moyen de correspondre avec les missions économiques. Il est possible d'y accéder par le site du ministère des Finances, sinon c'est très simple qu'il faut mettre le nom de la ville et ensuite « //dree.org ».

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L'Etat représenté d'abord par M. Renaud Dutreil et ensuite par Mme Gaymard, montre qu'il est de plus en plus un partenaire. Par rapport à un sentiment assez répandu chez les artisans où l'Etat est vécu comme un prédateur, Philippe Chain pense que depuis plusieurs années il y a une évolution et avec un Etat qui va au-devant des attentes et des besoins des différentes professions.

DEBAT AVEC LA SALLE

Avant de conclure la première partie de ce colloque, Philippe Chain propose à la salle de poser d'abord quelques questions spécifiques sur le commerce extérieur puis sur les thèmes développés par MM. Beltrando et Dulin.

M. Didier Couteau - Artisan d'art, organisateur d'expositions - aimerait savoir ce que sont devenues les centaines d'ateliers qui exposaient aux « Ateliers d'art » à la Porte de Versailles en 1980 et avant. N'ont-ils pas été remplacés par des centaines d'importateurs de créations extérieures à la CEE à « Maison & Objet » ? N'y a-t-il pas un problème d'harmonisation des taxes frappant les métiers d'art ? Ne faut-il pas en créer ?

Bien qu'elle ne puisse pas répondre précisément à la question, Mme Gaymard reconnaît qu'il y a une vraie question sur l'organisation des salons en France. Si l'on veut s'internationaliser, il faut qu'il y ait des grands salons en France, tel que « maison & Objet », pour faire venir une clientèle étrangère susceptible de s'intéresser à ce que font les artisans français ; en même temps, Mme Gaymard exprime le sentiment qu'il n'y a pas de vraie politique coordonnée en matière de salons.

M. Ponsin , directeur des Ateliers d'Art de France , précise que la centaine d'ateliers d'art qui était à la Porte de Versailles est aujourd'hui à Villepinte dans le cadre du salon « Maison & Objet ». Ces ateliers d'art profitent du salon « Maison & Objet » par le phénomène expliqué par Mme Gaymard. La réputation mondiale de « Maison & Objet » offre aux ateliers d'art une possibilité d'appel d'air et il ne faut pas s'en plaindre.

D'autre part, M. Ponsin souligne que les Ateliers d'Art de France sont propriétaires à 50 % du salon « Maison & Objet » avec un groupe anglais. Par les recettes dégagées par ce salon, la chambre syndicale peut affecter à la promotion commerciale des artisans d'art français des budgets largement supérieurs à ceux qu'elle aurait si elle devait se contenter des seules cotisations de ses adhérents. L'un ne concurrence pas l'autre, les deux peuvent très bien s'entraîner et le bénéfice en sera pour tout le monde.

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Madame la représentante du ministre du Commerce Extérieur a fait un exposé très intéressant sur les actions de ce ministère en matière d'export, toutefois le colloque concernant les métiers d'art et le tourisme, M. Christian Dumege - Ex-directeur de la Fédération nationale des Comités départementaux de Tourisme et membre du Conseil économique et social - pense que l'on pourrait peut-être faire jouer davantage l'interministérialité. Par ailleurs, en matière de promotion, la France dispose au niveau touristique d'un outil fort apprécié qui a fait ses preuves, « Maison de la France », et qui participe à de nombreux salons.

M. Dumege imagine très bien que sur certains salons où la France est présente pour le tourisme, notamment au Japon, l'identité de la France et la promotion de la France se fassent aussi au travers des métiers d'art qui pourraient être présents physiquement sur ces salons.

Et pour répondre à M. Dulin qui disait avoir rencontré quelques difficultés à mettre en synergie son action, M. Dumege pense que s'il avait consulté le Comité départemental du Tourisme, cette structure, tout comme le Comité régional du Tourisme, l'aurait aidé en matière de promotion dans bon nombre de ses actions. Il est préférable de regrouper les synergies plutôt que de faire chacun des actions dans ses petites territorialités ; regroupons et optimisons les moyens.

Mme Gaymard approuve les propos de M. Dumege et précise que la DREE travaille étroitement avec « Maison de la France » qui est présente lors de toutes les grandes manifestations qui touchent aux métiers d'art et au tourisme. Faire qu'à tous les niveaux les acteurs travaillent ensemble et sachent ce que font les uns et les autres est quelque chose de tout à fait important. Les directions régionales essaient de travailler en synergie complète avec les chambres de commerce, les chambres de métiers, les fédérations professionnelles, les régions et les départements.

Cette synergie se retrouve autant que possible dans les PARDI 7 ( * ) , qui ne couvrent pas uniquement l'artisanat : on essaie de voir avec les différents acteurs quels sont les secteurs porteurs dans une région, quelles priorités fixer et quelles actions mener. C'est ainsi que dans les salons organisés par Ubifrance, il y a une sorte de cascade parce que la Chambre de commerce va assurer la venue d'une vingtaine d'entreprises, un grand groupe dans le cadre d'un partenariat va en porter une vingtaine d'autres, une fédération professionnelle va en accompagner un certain nombre. Par ailleurs, diverses opérations transversales se font, notamment par la présence d'organismes comme « Maison de la France », mais également d'organismes dans le domaine de la formation.

En conclusion, comme M. Dumege, Mme Gaymard souligne l'importance de travailler conjointement.

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M. Bernard Lebrun - Président de l'Office de Tourisme de Saint-Quentin (Aisne) et de l'Union départementale des Offices de Tourisme de l'Aisne - a beaucoup apprécié les interventions de M. Beltrando, qui a situé l'accueil au coeur du sujet et qui a tout à fait raison quand il dit qu'il faut transformer l'acte de vente en acte de communication, et de M. Dulin, qui a mis l'accent sur la nécessité de conserver l'authenticité du métier. Les offices de tourisme sont très sensibles à ces deux idées dans la mesure où ils essaient de faire venir des touristes dans les entreprises ou chez les artisans locaux.

M. Lebrun souhaite néanmoins souligner le problème de l'accueil, préoccupant pour les offices de tourisme qui doivent s'assurer que le professionnel qui reçoit le public a la capacité d'accueillir un certain nombre de personnes ; problème qui est directement lié à la sécurité des visiteurs dont les offices ont la responsabilité. Il subsiste un flou en la matière qui est fort dommageable pour la profession.

Exemple des limites de l'activité d'un office de tourisme :

- Il y a quelques années, l'Office de Tourisme de Saint-Quentin a voulu développer un ensemble de visites chez un célèbre fondeur - les fonderies Le Creuset. Le Comité départemental du Tourisme voulait également intégrer ce produit à la liste des produits vendus par le département. Les critères et les normes étaient tels qu'il devenait impossible de prendre la décision de faire venir des touristes au Creuset parce que le président du CDT pourrait avoir à rendre des comptes s'il se produisait un jour un accident. M. Lebrun a décidé de prendre ce risque en continuant d'organiser des visites des fonderies, mais personne ne l'a jamais informé sur les risques qu'il prenait. Le CDT voulait faire des travaux gigantesques pour protéger les visiteurs des gerbes d'étincelles provenant des coulées. C'étaient des frais que le professionnel lui-même ne voulait pas assumer.

Les visiteurs veulent découvrir les savoir-faire, mais il y a des résistances et des difficultés. M. Lebrun se demande s'il n'y aurait pas moyen de réunir des commissions de sages avec des gens qualifiés au plan administratif et au plan des métier, pour fixer des critères raisonnables.

M. Dulin connaît bien le problème qui vient d'être évoqué. Dans la Manche, il a été mis en place un système que l'on appelle « les visites du jeudi ». En tant que professionnel, il a fait d'importants efforts financiers afin d'avoir une structure dite capable d'accueillir un groupe, c'est-à-dire 50 à 60 personnes. M. Dulin estime qu'il y a les vrais professionnels du tourisme qui sont organisés et qui ont un label et il y a ceux qui, comme M. Lebrun , font du tourisme occasionnel en prenant des risques. Il n'est pas contre l'idée de faire découvrir un savoir-faire, mais pour lui, ce n'est pas du tourisme car on ne peut pas faire venir un groupe de visiteurs dans une entreprise qui n'est pas adaptée pour cela.

Exerçant dans une profession moins dangereuse, M. Beltrando ne peut pas faire tout à fait la même réponse. Toutefois, sur le principe, il considère qu'à un moment donné, il faut rentrer en résistance car celui qui a fait tout ce qu'on lui a demandé ne sait pas si, dans six mois, on ne va pas lui en demander davantage ou si on ne va pas lui interdire de recevoir des visiteurs.

M. Beltrando partage le souci de M. Dulin quant au problème de sécurité dans son atelier, mais demain, ni l'un ni l'autre ne sont à l'abri d'une nouvelle loi et, du jour au lendemain, si l'on ne rentre pas en résistance, plus aucune personne ne pourra rentrer dans aucun atelier et ce ne sera plus 70 % d'objets cadeaux qui seront importés en France, mais 100 % parce que les entreprises auront fermé.

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Mme Danièle Legoff - Présidente de la Fédération nationale des Ateliers d'Art - se demande jusqu'où les métiers d'art doivent être un acteur du tourisme. Des artisans d'art sont devenus professionnels du tourisme grâce à leur métier ; c'est très bien, c'est une ressource supplémentaire pour eux, mais en général, ils apportent un service en contrepartie d'un prix d'entrée. Mais pour des visites ponctuelles, les responsables des offices de tourisme doivent-ils se servir des ateliers comme des animateurs ?

Pour Mme Legoff , c'est un grand problème car les professionnels des métiers d'art n'ont pas les moyens, dans leurs petits ateliers, d'accueillir des cars entiers et même du public en général. Ils accueillent leur clientèle, ce qui n'est pas la même chose, ils ne sont pas là pour animer la visite. S'ils sont là en tant qu'animateurs, il faut les payer comme des animateurs, ils ne peuvent pas être les animateurs de lieux qui sont désertés, qui sont dans les centres-villes où il n'y a plus de commerces ni de commerçants. Il existe des organisations spécialisées dans l'animation de visites en toute sécurité, mais un professionnel des métiers d'art doit vivre avant tout de son métier, de sa production et de la vente de ses produits.

Pour compléter les propos de Mme Legoff, Mme Sophie Toti - Déléguée SEMA Val-de-Marne - ajoute que certains petits artisans ne sont pas contre l'idée de faire des journées portes ouvertes, mais lorsqu'ils ouvrent leurs portes un samedi une fois l'an, quelle est leur responsabilité juridique ? Le fait de faire signer une décharge à l'entrée de l'atelier peut-il constituer une protection ?

M. Ponsin indique que ce n'est pas vraiment un problème car les artisans sont assurés au moins individuellement, ce qui peut suffire. Ce n'est pas la venue de quelques visiteurs une journée dans la semaine qui va changer la donne du risque de l'atelier. Il est néanmoins préférable de le signaler à la société d'assurance.

M. Etienne Dulin estime qu'à partir du moment où l'on décide d'accueillir du public, il faut prendre un minimum de précautions et prendre ses responsabilités. En ce qui le concerne, il a choisi de faire du tourisme professionnel. Les touristes qui viennent chez lui n'ont pas pour objectif d'acheter un cuivre, mais la volonté de M. Dulin est qu'ils repartent tous avec un cuivre, donc au cours de la visite, il doit les convaincre et leur faire prendre conscience que le savoir-faire français a un prix.

M. Dulin voudrait qu'il y ait des relais car, aujourd'hui, les artisans qui, comme lui, font du tourisme de découverte économique passent pour des exploiteurs, et son souhait est d'arriver à prouver que si on le fait bien, on peut quelque part en retirer un plus. Quand on accueille des visiteurs, on fait sa propre publicité. Organiser une visite avec de la sécurité et du confort a un coût, les entreprises sont jugées sur les résultats et font l'objet d'enquêtes de notoriété de la part du département ; or lorsque l'on fait du gratuit, on ne peut pas être organisé et c'est de la concurrence déloyale.

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Originaire de l'Aude et plus précisément de Montolieu, village du livre, M. Edouard Ricard estime qu'il ne faut pas faire une identité totale entre tourisme et artisanat d'art. Il existe un tourisme de grande consommation, c'est certainement celui qui attire le plus de monde, et il existe un tourisme de culture. C'est vrai que des touristes de grande consommation, après avoir fait un bon repas peuvent aller visiter un musée, mais de toute façon, la culture n'a pas de frontières. Il existe des artisans d'art partout dans le monde et il en a existé partout dans l'histoire.

M. Ricard pense qu'aller vers la standardisation entraîne vers la grande consommation. Les artisans ont certainement un rôle très important à jouer dans la ruralité, ils travaillent énormément, ils ont beaucoup de courage, d'abnégation et d'intelligence.

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M. Max de Beauvais - Céramiste, Président du syndicat professionnel des métiers d'art - constate que les propositions qui sont faites aujourd'hui existaient déjà dans un rapport présenté dans le début des années quatre-vingt et que sur le terrain, il n'y a pas eu de grandes évolutions. Les professionnels sont de moins en moins sur les lieux touristiques, mais de plus en plus aux fins fonds des campagnes, là où ils ont encore un espace.

A l'occasion des Journées Métiers d'art, M. de Beauvais a pu constater que l'accueil posait problème pour certains professionnels ; les ateliers étant petits, il est difficile d'accueillir plus de deux ou trois personnes. Au-delà des problèmes de sécurité qui peuvent être couverts par des assurances, reste le problème de l'accès pour les professionnels à une véritable activité qui pourrait être de type touristique.

Aussi, M. de Beauvais aimerait connaître les moyens qui peuvent être mis à la disposition d'un artisan pour moderniser son atelier (le lieu et l'outil) et si les professionnels sont associés à la réflexion sur les projets qui se mettent actuellement en place car, bien souvent, les professionnels des TPA 8 ( * ) ne sont pas informés. La communication a du mal à les atteindre, eux-mêmes ont des difficultés à communiquer avec ce qui pourrait être le tourisme culturel.

Les TPE 9 ( * ) qui représentent 80 % du secteur des métiers d'art sont en voie de disparition et même avec le renfort d'un développement touristique pour les métiers d'art, M. de Beauvais craint que la réalité des professionnels métiers d'art ne change pas si les solutions ne sont pas mieux adaptées et s'ils ne sont pas davantage consultés pour l'élaboration des projets.

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En ce qui concerne les assurances, le Sénateur Joly , qui, pour avoir été président de syndicat d'initiative, connaît bien la question précise que la protection des visiteurs rentre dans le cadre de la responsabilité civile de l'artisan.

Sur la question du lien tourisme et métiers d'art, le Sénateur Joly précise que ces colloques sont organisés pour que les gens du tourisme et ceux des métiers d'art se connaissent mieux car ils ont beaucoup à s'apporter mutuellement. Les artisans d'art ont besoin de se faire connaître, mais ils n'en ont pas toujours les moyens, alors que les professionnels du tourisme ont ces moyens pour faire paraître des documents, pour organiser des salons aussi bien en France qu'à l'étranger avec tout l'arsenal de la communication.

Pour répondre au dernier intervenant, le Sénateur Joly indique que beaucoup de choses ont changé en vingt ans, et notamment le mode de vacances. Il y a vingt ans, les gens prenaient un mois ou un mois et demi de vacances, généralement entre le 15 juillet et le 15 août. Aujourd'hui, ce n'est plus ainsi. Aujourd'hui, ce sont des petites vacances, des ponts, des week-ends et, à ce moment-là, c'est la porte ouverte pour les artisans à une clientèle assez française, mais surtout étrangère, et qui est intéressante parce qu'elle a les moyens. C'est donc aux professionnels du tourisme à proposer un certain nombre de circuits découverte ou de visites, et notamment au point de vue culturel chez les artisans d'art. Il faut s'adapter à l'offre des touristes potentiels.

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En ce qui concerne le problème de l'exiguïté des tout petits ateliers, M. Beltrando signale avoir vécu très longtemps dans une très petite entreprise dont l'atelier était minuscule. C'était toujours la pire des difficultés de faire rentrer une maman avec la poussette de son bébé dans l'atelier ; pourtant il y a des choses qui sont possibles à réaliser, notamment quand une grande occasion comme les Journées des Métiers d'art se présente. Si l'on ne peut pas accueillir tout le monde dans l'atelier en même temps, on peut essayer de réfléchir sur la façon d'organiser une file d'attente, comment occuper l'espace extérieur, comment décorer la vitrine, comment décorer la façade, ce qui permet, s'il y a du monde, de pouvoir gérer le flux à l'intérieur de l'atelier.

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* 7 Programmes d'Actions Régionales pour le Développement International.

* 8 Très petits ateliers

* 9 Très petites entreprises

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