II. LE CONCOURS ET LE CATALOGUE OBJ'ART, CHAMBRE DE MÉTIERS DE LOIRE-ATLANTIQUE

M. Jacques LE GAL, graveur, Membre du Bureau de la Chambre de métiers et Délégué SEMA Pays de la Loire.

Le constat de départ

Les actions conduites en faveur des métiers d'art par la Chambre de métiers de Nantes ont fait prendre conscience du potentiel en termes de savoir-faire et de créativité de ce secteur. Cependant, les acteurs politiques locaux restent assez à l'écart de l'artisanat d'art. Afin qu'une prise de conscience ait lieu, ils doivent eux-mêmes être impliqués dans une opération.

L'idée

Organiser un concours artisanal où les personnalités politiques seraient elles-mêmes associées, d'une part comme membres de jury, d'autre part comme acheteurs d'objets cadeaux artisanaux locaux afin de les offrir lors de réceptions.

La présentation de l'idée

En septembre 1999, rencontre entre le porteur de projet et le premier adjoint de la mairie de Nantes. L'argumentaire déployé montrait la volonté des politiques locaux de promouvoir les produits locaux, offrir un cadeau unique porteur d'une identité forte, communiquer sur le « made in Nantes ». L'idée séduit et est proposée au Conseil général où elle trouve le même écho.

La construction de l'opération

Des rencontres avec les services communication de la ville et du département conduisent à l'élaboration d'un règlement et d'un cahier des charges. Des contacts pris avec d'autres structures locales comme le Comité départemental du Tourisme, l'Office du tourisme de Nantes, la CCI, la Cité des Congrès, permettent d'élargir le partenariat.

Lancement de l'opération fin septembre 2000

Une circulaire est envoyée à 250 artisans d'art du département ; en retour, une cinquantaine de demandes de renseignements. Il est envoyé aux artisans un dossier et il leur est imposé un délai très court (six semaines pour la conception et la réalisation) afin de témoigner de la réactivité et de la créativité propre de l'artisanat.

Le concours

Extraits du règlement : « Cette création doit être évocatrice de son temps et devra symboliser soit la fin du XX e siècle, soit être l'expression de l'identité artisanale de demain. Les dimensions de l'objet, entier ou démonté, doivent permettre son transport dans un bagage à main ; un emballage spécifique devra être prévu pour assurer son transport. Sa présentation devra être celle d'un objet cadeau. »

27 objets sont présentés. Une réunion de présentation avec six membres associés (CDT, Cité des Congrès) permet de retenir dans un premier temps 17 oeuvres correspondant au cahier des charges. Dans un deuxième temps, intervient le vote du jury constitué de deux représentants de la Chambre de métiers (le président et le représentant de la SEMA), deux conseillers généraux et deux élus de la ville de Nantes.

Chaque objet est présenté et noté à bulletin secret suivant les critères retenus (créativité, esthétique, symbolisme de son temps, l'évocation de Nantes ou de la Loire-Atlantique). Le total des points accordés à chaque oeuvre permet un classement.

La promotion de l'opération

Une conférence de presse réunissant les créateurs avec leurs oeuvres permet de communiquer sur l'événement. La participation financière de la mission régionale Métiers d'art permet de publier un petit catalogue assez prestigieux, tiré à 1 000 exemplaires.

La diffusion de ce catalogue est faite auprès de tous les politiques de Loire-Atlantique, ainsi qu'auprès des chefs d'entreprise de plus de 500 salariés comme idée cadeau d'entreprise.

Le constat final

- Du côté des partenaires :

L'idée a tout de suite plu et soulevé l'adhésion. Le travail de sensibilisation s'est fait auprès des hommes politiques, les administratifs des différentes structures se sont sentis beaucoup moins impliqués.

L'opération s'est montée six mois avant des échéances électorales, les deux conseillers généraux et les premier et deuxième adjoints de la ville de Nantes, partenaires de l'opération, n'ont pas été réélus.

Le laps de temps entre le concours et la réalisation du catalogue a été trop long du fait de la recherche de financements.

Les chefs des grandes entreprises n'ayant pas été sensibilisés précédemment, n'ont pas été très consommateurs d'objets cadeaux artisanaux.

- Du côté des artisans :

Les artisans ont trouvé l'opération intéressante et originale, ils auraient toutefois préféré une dotation pour les trois premiers. Ils ont bien joué le jeu sur toute la phase conception et création, cependant, très peu d'entre eux se disaient prêts à pouvoir reproduire l'objet créé en plusieurs exemplaires à l'identique.

Deux des objets, dont le premier sélectionné, étaient muni d'un système d'éclairage électrique, or du fait des normes européennes actuelles, la Chambre de métiers ou l'artisan devait faire homologuer l'objet avant de pouvoir recevoir une quelconque commande. Le coût des tests effectués en laboratoire d'essai ne pouvait être supporté ni par l'un ni par l'autre.

Quelques conseils

- Ne jamais lancer une opération impliquant des politiques avant des échéances électorales ;

- Construire l'opération toujours en lien étroit avec les administratifs des collectivités, en leur donnant l'impression que l'idée vient aussi d'eux ;

- Impliquer toujours le chargé des achats cadeaux car il a davantage à coeur de se libérer de ses stocks plutôt que d'acquérir des imprévus ;

- Prévoir une dotation financière afin d'avoir des lauréats. Dans l'esprit des participants, un concours implique une dotation ;

- Dans le cahier des charges, exclure toute création impliquant des branchements électriques.

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Après avoir remercié M. Le Gal pour sa très belle présentation des aléas qui peuvent se présenter dans ce style d'opération, M. Philippe Chain donne la parole à la salle pour le débat. M. Le Gal nous a ouvert les yeux sur les erreurs à ne pas commettre, toutefois il faut regarder l'aspect positif : le dynamisme apporté par les créateurs.

DÉBAT AVEC LA SALLE

M. Lauralu - Directeur d'une école de 1 200 étudiants en formation Bac + 5 - regrette que le domaine de la formation n'ait été abordé dans les discours généraux que de manière très succincte, comme s'il s'agissait seulement des CAP ; les métiers d'art ont évolué, certains requièrent des Bac + 5.

Par ailleurs, les informations qui ont été données ne semblent pas actualisées. Il faut faire en sorte que le public soit informé de la modernité des métiers d'art. Les métiers d'art sont à l'origine de beaucoup de multinationales, de beaucoup d'entreprises qui se développent, alors il faut cesser de traiter les métiers d'art comme des « Indiens dans leur réserve ».

Cette question s'adressant davantage aux responsables de la SEMA qu'aux deux intervenants précédents, Philippe Chain cède la parole à M. Pierre Chevalier.

M. Pierre Chevalier n'a pas le sentiment d'être un « Indien dans sa réserve », il se sent même plutôt moderne. D'ailleurs, les interviews récentes du secrétaire d'Etat, pour l'annonce des Journées des Métiers d'Art, mettent bien en valeur la modernité et la créativité des métiers d'art.

M. Chevalier reconnaît toutefois qu'il y avait un déficit énorme d'information et d'image sur les métiers d'art il y a quelques années. Depuis, beaucoup d'actions ont été menées pour démontrer que les métiers d'art sont des métiers de création et des métiers d'innovation.

Le Sénateur Joly pensait avoir démontré dans son propos que la beauté des métiers d'art provenait justement du mélange de la tradition et de la modernité. Le premier colloque n'a pas bénéficié de la présence de ministres, aujourd'hui, deux ministres sont présents à ce deuxième colloque, toutefois, comme le tourisme, les métiers d'art intéressent beaucoup de ministères et il serait bien venu que plusieurs ministres assistent à ces débats, notamment le ministre du Tourisme et le ministre de l'Education. Ce colloque va se renouveler, et M. Bernard Joly s'engage à consacrer une session plus particulièrement à la formation.

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M. Olivier Dozon - Juriste international - aimerait savoir s'il existe une action régionale ou nationale en vue de promouvoir les métiers d'art à l'étranger.

Bien que le débat d'aujourd'hui porte sur le tourisme, M. Chevalier précise qu'il y a effectivement des projets et des réalisations. Il cite notamment l'action des Ateliers d'Art de France , syndicat professionnel.

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M. le Président du Parc naturel régional de Corse approuve M. le Sénateur Joly qui a parlé de tradition et de modernité ; la tradition, c'est le passé, ce sont les racines, le creuset de la mémoire. Malheureusement, le passé a été un peu oublié et il est indispensable de faire appel à la formation. L'ouverture des établissements de formation au public, notamment dans le cadre des Journées des Métiers d'art, est quelque chose de très important car, pour que des métiers menacés de disparition reprennent vie, il faut former des artisans.

Au niveau du Parc naturel régional de Corse, il y a longtemps que la valorisation du patrimoine naturel culturel et paysager fait partie intégrante du développement. Les visiteurs ne viennent plus aujourd'hui en Corse uniquement pour les plages et le soleil, ils veulent également aller au contact des autochtones, connaître un pays et sa culture.

M. Alloncle a parlé de guichet unique ; il est évident qu'il faut aider les artisans en leur simplifiant les démarches administratives, mais il faut également les aider à s'installer en milieu rural car actuellement ils mènent une vie difficile. Plutôt que du statut de chef d'exploitation, sans doute faudrait-il parler du statut du rural et des gens qui sont installés dans le rural, qui vivent la ruralité et qui continuent à apporter leur contribution dans le développement d'une microrégion.

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M. Philippe Chain demande à Mme Landais, chargée des métiers d'art à la Direction des Entreprises commerciales, artisanales et de services, d'intervenir afin de préciser les actions conduites au plan international.

Avant d'aborder le sujet de l'international, Mme Landais souhaite revenir sur les remarques précédentes pour souligner que la formation pourrait effectivement donner lieu à une journée entière de réflexion.

A propos de la modernité, Mme Landais indique que l'intérêt que l'Administration porte au secteur est bien symbolisé par les locaux modernes et fonctionnels mis désormais à la disposition de la SEMA et du public qui s'y rend. Par ailleurs, la SEMA vient de relooker son magazine Métiers d'art qui donne une tout autre image du secteur.

En ce qui concerne l'international, Mme Landais indique que le ministère a favorisé, grâce à une collaboration entre la Direction des entreprises commerciales, artisanales et de services et la Direction des relations économiques extérieures, la création d'une mission artisanat - très petites entreprises au sein du CFCE 5 ( * ) pour favoriser l'exportation des petites entreprises, dont les entreprises métiers d'art.

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M. Bernard Ponsin précise qu' Ateliers d'Art de France , dont il est le Directeur général, aide très concrètement les artisans et les PME souhaitant proposer leurs produits à l'étranger. Ateliers d'Art de France apporte des appuis logistiques ou financiers aux entreprises désireuses de participer à des salons étrangers. Par ailleurs, Ateliers d'Art de France a créé, en début d'année 2002, un showroom permanent à New-York. Après une tentative infructueuse avec deux salariés français, le showroom fonctionne maintenant avec deux salariés américains. Les prises de contact sont très importantes et les commandes démarrent véritablement. M. Ponsin souligne que cette opération a été réalisée avec l'aide du ministère des PME, du Commerce et de l'Artisanat.

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M. François Vermande - Vice-président du Conseil général du Cantal - témoigne qu'il essaie, à son niveau, de promouvoir les métiers d'art. Il remercie et félicite les autorités, les institutions et le Sénateur Bernard Joly pour toutes les initiatives qui sont prises, ainsi que la SEMA.

Parce qu'un petit peu isolé, le Cantal est un département insuffisamment attractif qui a grand besoin des métiers d'art.

Parmi les événements qui se déroulent dans son département, M. Vermande cite « Les Rencontres des Métiers d'art » qui ont lieu tous les seconds week-ends d'octobre à Maurs, dans le sud du Cantal. « Rencontres », cela veut dire se retrouver ; les artisans d'art et les consommateurs se rencontrent et se retrouvent. Il est important que tous les acteurs se connaissent mieux et que l'aménagement du territoire veille à ne pas isoler davantage ceux qui sont déjà isolés. Il faut décentraliser les métiers d'art et les métiers en général dans les zones rurales.

La décentralisation permettra aux régions d'avoir un rôle accru en matière de formation, or les jeunes ne sont actuellement ni poussés ni attirés vers ces métiers qui ne sont pas valorisés. M. Vermande propose au sénateur Joly et au président de la SEMA de venir en Auvergne pour ouvrir les prochaines « Rencontres » sur le thème « Monde rural et Métiers d'art » ou « Jeunesse et Métiers d'art ».

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Pour revenir à la question sur l'étranger, le Sénateur Joly rappelle avoir indiqué qu'il fera en sorte de faire participer un certain nombre de ministres aux prochains colloques (Culture, Education nationale, Tourisme, PME, Commerce extérieur), toutefois il ne sait pas s'il faut inviter le ministre de l'Europe. En effet, le Sénateur Joly perçoit actuellement à travers les métiers d'art une sorte de « vive la France ».

Par son expérience, M. Joly est d'une culture du Tourisme, aussi cite-t-il des tentatives qui ont été réalisées dans ce domaine à l'échelon européen d'après des modèles nationaux, ( Les plus beaux villages d'Europe inspirés des Plus beaux villages de France ; Les logis d'Europe inspirés des Hôtels logis de France ). Mais en ce qui concerne les métiers d'art, il pense que de telles initiatives sont encore prématurées.

Ce combat fait partie de la francophonie. C'est un problème qui sera abordé dans le budget 2003 et le Sénateur Joly a l'intention de prouver qu'il faut en faire davantage en ce qui concerne la francophonie et la défense de la langue française ; la France a une image de marque : ses métiers d'art. Et, à moins que l'assistance soit d'un avis contraire, M. Bernard Joly aimerait que l'on cultive encore ce « cocorico ».

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Un intervenant aimerait avoir des détails sur l'aspect statutaire du groupement Les Imagiers .

M. Alphonse Snoeck explique qu'après une longue réflexion et après avoir consulté juristes, avocats et comptables, il a été convenu que l'association aurait pour rôle d'être un support de promotion et de communication, et qu'elle ne s'occuperait nullement de commercialisation. Lorsque l'association se présente sur un site, toutes les disciplines ne sont pas systématiquement retenues. Celles qui le sont travaillent en direct avec les personnes concernées et la comptabilité se fait directement avec l'atelier concerné. Les ateliers sont soit inscrits au registre de la Chambre de métiers, soit libéraux.

Cette organisation est la plus limpide et la plus simple. Par contre, lorsque les membres de l'association se déplacent pour un salon, par exemple, cela engage des frais (déplacement, logement, publicité...) Dans ce cas, le budget est globalisé et divisé par le nombre d'adhérents.

Le même intervenant pense qu'il aurait été également possible d'imaginer une forme de coopérative comme cela se faisait il y a un siècle.

D'après M. Snoeck , les membres de l'association Les Imagiers ont songé à cette solution ainsi qu'au projet d'entreprise, toutefois ils ont estimé que cela était prématuré.

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* 5 Centre Français du Commerce Extérieur

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