III. ... MAIS LA RÉPUDIATION DE L'INSTRUMENT BUDGÉTAIRE SERAIT UNE ERREUR

Les arguments théoriques sur lesquels sont fondées les politiques budgétaires actives sont bien connus.

Les approches keynésiennes renouvelées partent toujours de la contribution de la politique budgétaire à la correction des situations de défaut d'équilibre entre la demande et l'offre. Les modèles macroéconomiques traduisent généralement cette contribution.

L'adoption de l'euro est, en outre, susceptible d'en renforcer l'efficacité.

A. LES RÉSULTATS DES TRAVAUX EMPIRIQUES METTENT L'ACCENT SUR LA CONTRIBUTION DES POLITIQUES BUDGÉTAIRES À LA STABILISATION ÉCONOMIQUE À COURT TERME.

1. Les résultats des simulations réalisées à partir de différents modèles.

a) L'inégale efficacité des stabilisateurs automatiques nationaux

Des travaux de simulation réalisés à partir des modèles NiGEM du National Institute of Economic and Social Research et Interlink de l'OCDE ont été conduits afin de mesurer l'impact des stabilisateurs automatiques sur la croissance.

Le jeu des stabilisateurs automatiques est l'une des deux modalités que peut prendre une politique budgétaire de stabilisation. Il se distingue des politiques budgétaires discrétionnaires en ce que l'action budgétaire n'est pas délibérée. Avec les stabilisateurs automatiques, elle correspond aux enchaînements mécaniques suivants : la variation de l'activité exerce un impact donné sur le solde budgétaire qui à son tour, exerce des effets sur l'activité. Par conséquent, pour apprécier l'efficacité des stabilisateurs automatiques , il convient, d'une part, de mesurer l'effet de l'activité sur les comptes publics et, d'autre part, d'évaluer l'impact de l'évolution de ceux-ci sur l'activité.

Le tableau ci-dessous présente, en pourcentage du PIB, l'impact compensateur des stabilisateurs automatiques dans l'hypothèse d'une réduction de la croissance d'un point de PIB, tel qu'il est estimé par les deux modèles précités.

Le degré de stabilisation procuré par les stabilisateurs automatiques selon les modèles Interlink et NiGEM
(en point de PIB)

INTERLINK

NiGEM

Belgique

0,22

0,05

Allemagne

0,31

0,18

Grèce

0,14

-

Espagne

0,17

0,13

France

0,14

0,07

Italie

0,10

0,07

Pays-Bas

0,36

0,06

Autriche

0,07

0,12

Portugal

-

0,10

Finlande

0,58

0,07

Zone euro

-

0,11

Source : Commission européenne

Les résultats des deux modèles apparaissent d'abord hétéroclites . Dans le modèle NiGEM, l'efficacité des stabilisateurs automatiques est beaucoup plus faible. De plus, les résultats, par pays, ne sont pas congruents.

Autrement dit, l'estimation par les modèles du degré de stabilisation apportée par les stabilisateurs automatiques débouche sur des classements par pays qui ne se recoupent pas.

Un deuxième enseignement peut être mis en évidence : l'efficacité économique des stabilisateurs automatiques varie, selon les pays, dans la zone euro.

Trois conclusions peuvent découler de ces résultats.

Il existe, dans la zone euro, une tentation permanente de recourir à des politiques budgétaires discrétionnaires pour dépasser les limites du jeu des stabilisateurs automatiques.

La tendance à envisager le recours à des politiques budgétaires discrétionnaires varie, en sens inverse de l'efficacité des stabilisateurs automatiques, dans les différents pays de la zone.

Le renoncement à une politique budgétaire de stabilisation automatique, toujours coûteux en termes de croissance, l'est plus ou moins pour chacun des Etats.

Les règles de discipline budgétaire du pacte de stabilité et de croissance, qui sont uniformes, étant plus ou moins contraignantes pour les Etats de la zone euro, ont des effets asymétriques.

b) Une illustration à partir des simulations réalisées avec le modèle de la Commission européenne

Cette conclusion importante est étayée par les résultats des simulations réalisées à l'aide du modèle Quest de la Commission européenne déjà cités mais qu'il convient de rappeler ici.

L'impact sur les finances publiques des pays de la zone euro de chocs d'origines différentes correspondant à un ralentissement de 1 point de PIB y apparaît très inégal.


SENSIBILITÉS DES BUDGETS NATIONAUX À DIFFÉRENTS CHOCS

Choc de consommation

Choc d'investissement

Choc sur les exportations

Choc de productivité

BELGIQUE

0,57

0,17

0,27

0,07

ALLEMAGNE

0,65

0,19

0,27

0,16

GRÈCE

0,87

0,20

2,27

0,1

ESPAGNE

0,77

0,18

0,25

0,09

FRANCE

0,80

0,21

0,30

0,12

IRLANDE

0,50

0,10

0,17

0,03

ITALIE

0,68

0,22

0,30

0,23

PAYS-BAS

0,59

0,15

0,23

0,08

AUTRICHE

0,61

0,17

0,26

0,09

PORTUGAL

0,82

0,17

0,26

0,13

FINLANDE

0,77

0,16

0,25

0,03

ZONE EURO

0,70

0,19

0,28

0,14

En moyenne, la sensibilité des budgets à un choc ralentissant le PIB dépend de l'origine du ralentissement . Maximale pour les chocs de consommation puisque le ralentissement dégrade alors les équilibres financiers de 0,70 point de PIB, elle est nettement plus réduite pour les chocs sur les exportations (0,28 point de PIB),et très faible pour les chocs d'investissement (0,19 point de PIB) ou de productivité (0,14 point de PIB).

Surtout, on observe que l'impact de ces différents épisodes varie considérablement d'un pays à l'autre .

On peut y voir la confirmation que la sensibilité des équilibres publics étant très inégale, la capacité des Etats à respecter des normes quantitatives uniformes de solde public, comme les y oblige le pacte de stabilité et de croissance, l'est aussi, et que le pacte comporte des disciplines plus ou moins contraignantes pour les Etats auxquels il s'applique.

La mise en perspective de ces résultats avec l'effet de stabilisation économique résultant du creusement des déficits publics évalué dans le cadre particulier du modèle Quest , montre que l'efficacité des stabilisateurs automatiques varie beaucoup dans la zone euro. On peut en tirer d'autres conclusions.

LE DEGRÉ DE STABILISATION PROCURÉ PAR LES STABILISATEURS AUTOMATIQUES DANS DIFFÉRENTES CONFIGURATIONS DE RALENTISSEMENT SELON LE MODÈLE QUEST

Belgique Danemark Allemagne Grèce Espagne

Consommation

Investissement

Exportations

Productivité

France Irlande Italie Pays-Bas Autriche

Consommation

Investissement

Exportations

Productivité

Consommation

Investissement

Exportations

Productivité

Portugal Finlande Suède Royaume-Uni

Source : Commission européenne. Fiscal policy in Europe : How effective are automatic stabilisers ? n° 117 - Septembre 2002

Les différences observées dans le degré de stabilisation apporté par le jeu des stabilisateurs automatiques résultent largement de la sensibilité des budgets par rapport au ralentissement économique qui, elle-même, entretient un lien direct avec la part occupée par les budgets dans le PIB et les caractéristiques particulières des systèmes de prélèvements obligatoires. Mais, d'autres éléments doivent être pris en compte, en particulier le degré d'ouverture extérieure des économies européennes qui, à mesure qu'il est élevé, réduit l'efficacité de la pratique budgétaire, victime alors d'effets de fuite. Ainsi, l'efficience des stabilisateurs automatiques, approchée par le rapport entre l'effet du creusement des déficits sur la croissance et l'ampleur de ce creusement, est elle-même très variable. Elle est plus importante pour les grands pays relativement peu ouverts que dans les petits pays dont l'ouverture extérieure est plus forte.

Plusieurs conclusions doivent être tirées de cette situation :

La capacité de l'instrument budgétaire à atteindre des objectifs de stabilisation économique varie beaucoup selon les pays, ce qui tend à confirmer que le renoncement à cet outil est plus ou moins coûteux.

Un objectif donné de stabilisation économique réclame, au-delà des stabilisateurs automatiques, une dose plus ou moins importante, selon les Etats, de politique budgétaire discrétionnaire.

Une conclusion forte, en relation avec les deux précédentes, s'impose alors : les besoins d'une politique contracyclique en termes de déficit budgétaire varient significativement selon les pays. L'inégale efficience des politiques budgétaires suppose d'admettre des variations différentes du solde public dans chacun des Etats pour atteindre un même objectif. Ainsi, poser un critère uniforme de « déficit excessif », comme c'est le cas avec le pacte de stabilité et de croissance, revient à fixer une contrainte asymétrique.

2. Les résultats d'une variante associée à la projection de l'économie française à l'horizon 2007

L'impact d'une réduction supplémentaire du déficit structurel chaque année, permettant de respecter les exigences européennes par rapport à la situation prévalant dans les projections centrales exposées dans le présent rapport, a été estimé à l'aide du modèle de l'OFCE.

Dans les deux projections centrales, le solde structurel est amélioré chaque année de 0,2 point de PIB, soit à un rythme moins élevé que celui requis par la Commission européenne, qui est de 0,5 point de PIB.

On simule l'impact d'une augmentation des prélèvements obligatoires qui viserait à satisfaire ce dernier critère.

Le taux de prélèvements obligatoires est accru chaque année en moyenne de 0,3 point, si bien qu'au terme de la projection, son niveau est plus élevé que dans les scénarios centraux de 1,2 point de PIB.

Baisse du déficit structurel de 0,5 point de PIB chaque année

2003

2004

2005

2006

2007

PIB total en volume

0,0

- 0,1

- 0,3

- 0,7

- 1,2

Importations

0,0

- 0,1

- 0,4

- 0,8

- 1,3

Consommations des ménages

0,0

- 0,1

- 0,4

- 0,9

- 1,4

Consommations des administrations

0,0

0,0

0,0

- 0,1

- 0,2

Investissement :

- Investissement productif

0,0

- 0,1

- 0,6

- 1,4

- 2,3

- Investissement logement

0,0

- 0,1

- 0,7

- 1,8

- 3,1

Variations de stock ( contribution )

0,0

0,0

0,0

- 0,1

- 0,1

Exportations

0,0

- 0,1

- 0,3

- 0,6

- 1,0

Effectifs totaux ( en milliers )

0,0

- 4

- 34

- 95

- 176

Effectifs totaux ( en %)

0,0

0,0

- 0,1

- 0,4

- 0,7

Taux de chômage ( en point )

0,0

0,0

0,1

0,3

0,6

Productivité du travail ( par tête )

0,0

- 0,1

- 0,2

- 0,1

- 0,1

Taux de marge

0,0

- 0,1

- 0,3

- 0,3

- 0,4

Taux d'épargne

0,0

- 0,1

- 0,3

- 0,4

- 0,4

Salaire horaire (secteur marchand)

0,0

0,1

0,3

0,6

1,1

Salaire horaire réel (secteur marchand)

0,0

- 0,1

- 0,3

- 0,6

- 1,0

Salaire horaire réel (Apu)

0,0

0,0

- 0,1

- 0,2

- 0,3

Revenu disponible brut

0,0

- 0,1

- 0,2

- 0,1

0,2

Soldes ( en point de PIB )

- Administrations publiques

0,0

0,2

0,4

0,6

0,6

- Entreprises

0,0

- 0,1

- 0,1

- 0,3

- 0,3

- Ménages

0,0

- 0,1

- 0,2

- 0,2

- 0,2

- Nation

0,0

0,0

0,0

0,1

0,1

Taux de prélèvements obligatoires

0,0

0,2

0,6

1,0

1,2

L'orientation restrictive de la politique budgétaire, si elle correspond ex ante à la cible de déficit imposée, ne débouche pas sur un résultat à due concurrence en termes de solde public.

L'impact ex post du resserrement de la politique budgétaire est limité. L'amélioration du déficit nominal est de 0,6 point de PIB en cumulé en 2007, soit deux fois moins que l'impulsion budgétaire initiale.

Les effets du resserrement de la politique budgétaire sur l'activité sont négatifs. Ils atteignent, en cumulé, 1,2 point de PIB en quatre ans. Le freinage de l'activité provoque une détérioration de la composante conjoncturelle du solde public. Elle atténue les effets du rétablissement de sa composante structurelle.

Si le déficit public est in fine amélioré de 0,6 point de PIB, l'orientation restrictive donnée à la politique budgétaire et sa contrepartie négative sur l'activité augmentent le taux de chômage de 0,6 point en 2007.

Enfin, les effets de la réduction du déficit public sur la dette publique sont plus que compensés par le ralentissement de la croissance du PIB, qui pèse sur le dénominateur du ratio dette publique/PIB, si bien que le ration dette publique/PIB est plus élevé en fin de période que dans les comptes centraux.

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