PRÉAMBULE
Ce rapport est consacré à la fiscalité des transmissions à titre gratuit, laquelle intervient soit du vivant du contribuable par voie de donation soit, lors de son décès, par voie de succession. Ce rapport a vocation à faire le bilan de l'état des régimes fiscaux français des donations et successions, et plus particulièrement à mettre en exergue leurs atouts et leurs faiblesses à la lumière de la législation de nos voisins et, partant de ce constat, à proposer les réformes qui paraissent nécessaires.
Aussi, après avoir rappelé dans l'introduction le contexte général de la fiscalité des mutations à titre gratuit, le premier chapitre de ce rapport portera sur l'étude des atouts et faiblesses du droit positif français des donations et successions.
Le second chapitre sera consacré à l'étude comparative des régimes applicables aux donations et successions chez certains de nos voisins européens que sont l'Allemagne, la Belgique, l'Espagne, la Grande-Bretagne, l'Italie, la Suède et la Suisse.
Le troisième et dernier chapitre, tirant partie des constats auxquels cette étude comparative aura permis d'aboutir, envisagera les différents projets de réformes qui peuvent paraître nécessaires à ce jour afin que la France soit pour l'avenir, dotée d'un ensemble législatif permettant de transmettre efficacement son patrimoine.
INTRODUCTION
DE LA NÉCESSITÉ D'UNE MODERNISATION DU DROIT FRANÇAIS DES TRANSMISSIONS À TITRE GRATUIT
I. UN DROIT POSITIF DÉJÀ ANCIEN, FRUIT D'UNE LENTE ÉVOLUTION ET JAMAIS REFONDU
L'impôt sur les transmissions à titre gratuit est l'un des régimes d'imposition les plus anciens de notre système fiscal. Ses premières esquisses, inspirées du droit romain, sont essentiellement apparues au Moyen-Age sous la forme de droits féodaux, auxquels se sont greffés au XVI e siècle des droits royaux. Il faudra alors attendre une loi des 5 et 19 décembre 1790 afin que ce régime complexe soit réformé par un assujettissement des mutations à titre gratuit à un droit d'enregistrement.
Par la suite, la loi du 22 frimaire an VII a jeté les bases du régime d'imposition actuel. Sous l'empire de cette loi, les donations et successions relevaient de régimes d'imposition distincts, qui présentaient toutefois une similitude en ce que les droits étaient calculés d'après des taux proportionnels, dépendant à la fois des liens de parenté existant entre le donateur ou le défunt et les bénéficiaires de la mutation, et de la nature mobilière ou immobilière du bien transmis. Cette différence de traitement a encore été accentuée au début du XX e siècle, par une loi du 25 février 1901.
Un acte "dit-loi" du 14 mars 1942 est alors venu unifier le régime fiscal des mutations à titre gratuit par une généralisation aussi large que possible des règles alors applicables aux successions. Jusqu'à aujourd'hui, ces règles n'ont plus alors fait l'objet de véritables réformes de fond mais ont été modifiées par ajouts successifs, telle que par exemple, l'addition de tranches supplémentaires aux barèmes applicables aux mutations en ligne directe et entre époux en 1969 puis en 1984.
Il résulte aujourd'hui de cette lente maturation, caractérisée par une sédimentation de modifications successives plus que de véritables réformes, un droit positif marqué par une absence de revalorisation des barèmes et par un manque d'uniformité entre le droit des successions et le droit des donations. Une réforme en profondeur du droit des mutations à titre gratuit peut donc paraître aujourd'hui souhaitable si l'on veut éviter une trop grande complexité dans son application, ce que de nouvelles modifications conjoncturelles ne manqueraient pas de générer. Ce besoin de réforme a, d'ailleurs, été rappelé ces dernières années par différents acteurs politiques ou économiques, nationaux ou internationaux.