III. UNE MODERNISATION RECONNUE NÉCESSAIRE PAR LA JURISPRUDENCE RÉCENTE
Au niveau national, c'est la jurisprudence de la Cour de Cassation qui, par son évolution récente 10 ( * ) , témoigne d'une certaine inadaptation des dispositions légales concernant le calcul des droits de mutation qui ne permettent plus de tenir compte des situations économiques réelles. Ainsi, selon la Chambre civile de la Cour de Cassation, il convient désormais d'évaluer les biens compris dans l'actif successoral, non pas d'après leur valeur dans le patrimoine du défunt au jour du décès, mais selon les droits propres transmis aux héritiers et légataires.
Il s'agissait en l'espèce de la valorisation d'un bien immobilier dont le légataire avait reçu une quote-part indivise en pleine propriété et une quote-part en usufruit.
Se faisant l'écho de cette jurisprudence, la Cour d'appel de Paris a récemment étendu cette nouvelle solution aux droits ou biens reçus à l'occasion d'une donation avec charge.
IV. RECOMMANDATIONS REPRISES PAR CERTAINES ORGANISATIONS PROFESSIONNELLES
Enfin, certaines organisations professionnelles françaises, se faisant l'écho des recommandations faites par la Commission européenne, ont également alerté les pouvoirs publics sur la nécessité de moderniser le régime des donations et successions en le dotant d'un régime spécifique de transmission de l'entreprise.
C'est d'abord la Chambre du Commerce et de l'Industrie de Paris qui a élaboré en juillet 2000 une série de propositions de réforme tendant notamment à créer un cadre favorable aux transmissions d'entreprises 11 ( * ) . Ces propositions fiscales couvrent aussi bien l'allégement de la fiscalité des transmissions à titre onéreux des entreprises ( e.g. , alignement du régime des plus-values sur cession de fonds de commerce sur celui des plus-values immobilières avec exonération au-delà de 22 ans de détention) que l'amélioration de l'environnement de la transmission d'entreprises par voie de succession ou de donation ou encore, la conservation, postérieurement à la transmission de l'entreprise, de l'exonération d'ISF au titre des biens professionnels. Les principales propositions étaient les suivantes :
ü " Retarder le paiement des droits de mutation à la cession des biens transmis par les héritiers et assouplir les conditions de conservation de l'entreprise ;
ü Rapprocher le régime des donations avec celui des successions ;
ü Etendre l'exonération de moitié à toutes les donations répondant aux conditions des successions d'entreprises ;
ü Retenir une valeur économique et non la valeur mathématique telle qu'elle résulte de l'application du barème de l'usufruit viager en cas de donation avec réserve d'usufruit ;
ü Instaurer un dispositif de dégrèvement des droits de succession en cas de perte de valeur substantielle d'une entreprise dans les deux années suivant le décès du chef d'entreprise ;
ü Assouplir les règles d'exonération en matière d'ISF au titre des biens professionnels en cas de transmission échelonnée ;
ü Etendre l'exonération prévue en matière d'ISF aux participations minoritaires rassemblées dans un pacte d'actionnaires représentant au moins 25% des droits financiers et des droits de vote " .
Six mois plus tard, l'Associations des Chefs d'Entreprises remet officiellement le 6 décembre 2000 au Secrétaire d'Etat aux PME, au Commerce, à l'Artisanat et à la Consommation, un Livre Blanc sur la transmission d'entreprises. Cette étude indique que « 450.000 entreprises de toutes tailles et de tous secteurs changeront de mains dans les 10 années à venir ; la moitié en raison du départ à la retraite de leur dirigeant ». En effet, plus de 700.000 chefs d'entreprise sur les 2,3 millions d'entreprises ont 50 ans et plus et sur ces 700.000 chefs d'entreprise, plus de 120.000 d'entre eux ont plus de 60 ans. Le Livre Blanc alerte alors le Gouvernement sur le fait que « sur les 43.000 entreprises reprises en France en 2000, un cinquième disparaîtra dans les cinq ans qui suivent et une sur trois dans les sept ans » , ce fort taux d'échec s'expliquant en partie par le fait que « les transmissions mal préparées sont 1,5 fois plus risquées que les autres ». Or, compte tenu de l'importance du succès de la reprise d'entreprise sur le maintien de l'emploi salarié (« plus de 100.000 en 1999 »), l'Association des Chefs d'Entreprise attire l'attention du Gouvernement sur la nécessité d'assurer un cadre fiscal favorable à la transmission d'entreprises et de mieux sensibiliser les chefs d'entreprise cédants à la nécessité de préparer la transmission de leur entreprise. A cet effet, le Livre Blanc dresse une liste de propositions envisageables pour faciliter la transmission à titre gratuit des entreprises, parmi lesquelles :
Harmoniser les méthodes d'évaluation de l'entreprise : la coexistence de plusieurs méthodes d'évaluation de l'entreprise étant susceptible d'entraîner une contestation de l'administration, le Livre Blanc propose « de finaliser, avec l'administration, un guide d'évaluation ».
ü « Harmoniser le régime des donations avec celui des transmissions par voie successorale » ;
ü « Insérer dans le C.G.I. une disposition permettant de revoir l'assiette des droits de succession lorsqu'à la suite du décès du chef d'entreprise, cette dernière perd une partie substantielle de sa valeur dans les 2 ans qui suivent » ;
ü « Assouplir la condition de conservation des biens qui composent l'entreprise individuelle ou des titres sociaux en vue de permettre une adaptation de l'activité de l'entreprise à l'évolution de son marché et, le cas échéant, une modification de la composition de ses actifs immobilisés » ;
ü « Taxer la nue-propriété en fonction de sa valeur réelle et non de la valeur théorique résultant d'un barème établi au début du siècle dans un contexte économique totalement différent du nôtre » ;
ü « Supprimer le précompte pour les dividendes prélevés sur des résultats d'exercice clos depuis plus de 5 ans » ;
ü « Exonérer le repreneur des droits de mutation en cas de faillite ».
Enfonçant le clou de l'appel à la réforme, la Chambre du Commerce et de l'Industrie de Paris, publie le 28 juin 2001 un rapport sur la transmission de l'entreprise reprenant l'ensemble des propositions de réformes faites auparavant en insistant encore sur la nécessité de cette réforme.
* 10 C our cass. 1ère c h. c iv., 9 octobre 1999, "Laurent".
* 11 C hambre du Commerce et de l'Industrie de Paris , P roposition s prioritaires pour une fiscalité moderne, juste et compétitive de juillet 2000.