2. Le problème aujourd'hui essentiel : une offre insuffisante
Le problème actuel des commerces en zone urbaine sensible est essentiellement celui de l'offre. Il semble en effet incontestable que le principal problème des commerces dans les zones urbaines sensibles est que la demande existante n'y est souvent pas satisfaite, alors même que leur proximité devrait leur garantir un avantage comparatif déterminant.
a) Une mauvaise qualité du bâti
La faible attractivité des nombreux centres commerciaux de quartiers sensibles provient fréquemment d'une mauvaise qualité du bâtiment abritant le centre commercial.
Tout d'abord, sa conception peut ne plus être adaptée aux attentes de la clientèle. Ainsi, le centre de la Croix Rouge, à Reims, est construit dans une passerelle de béton enjambant une route et que l'on a pu comparer à un « blockhaus ».
Ensuite, ces centres sont généralement mal entretenus, ce dont découlent des risques d'incendie et un aspect peu engageant.
b) L'insécurité
L'insécurité correspond à une réalité essentielle, trop souvent négligée.
Selon une étude réalisée par l'Insee en 1996 13 ( * ) , le risque d'agression est plus important pour les personnes vivant dans des zones d'immeubles collectifs que pour celles habitant en maisons individuelles, comme l'indique le graphique ci-après.
Personnes déclarant, en 1996, avoir été victimes d'une agression ou d'un vol
en 1994 ou en 1995
(en %)
Source : Insee
En outre, les forces de l'ordre sont souvent trop peu présentes dans les zones urbaines sensibles.
Cependant, selon l'Insee, « le fait d'habiter dans une cité ou un grand ensemble n'expose (...) pas davantage aux agressions que de vivre dans une zone d'habitat collectif moins importante ».
Contrairement à ce que l'on pourrait être tenté de croire de prime abord, les données de l'INSEE indiquent que le nombre d'agressions n'est pas plus important dans les cités que dans les autres quartiers urbains, et le nombre de vols guère supérieur.
Par ailleurs, les centres commerciaux semblent échapper à la tendance générale à l'augmentation de la violence contre les personnes, que l'on peut observer depuis quelques années, comme l'indique le graphique ci-après.
La violence dans les centres commerciaux
Source : Conseil national des centres commerciaux
L'insécurité joue pourtant un rôle important dans la désertion des zones urbaines sensibles par les commerces. En effet, la fréquence des dégradations de biens publics y est deux fois plus nombreuse qu'ailleurs. Surtout, les vols dans les centres commerciaux y sont importants, et en augmentation, comme l'indique le graphique ci-après.
Les vols dans les centres commerciaux
Source : Conseil national des centres commerciaux
Le coût direct de ces vols n'est pas négligeable. Selon l'EPARECA, le vol à l'étalage peut représenter jusqu'à 4 % des ventes, auxquels il faudrait ajouter 2 % correspondant à la consommation sur place et à la « casse ». L'EPARECA précise que le vol à l'étalage généralement admis par les supermarchés représente 1 % du chiffre d'affaires . Compte tenu des marges pratiquées, cela peut conduire l'exploitation à être déficitaire.
Le coût de la surveillance et de la vidéosurveillance est par ailleurs important. En effet, selon le Conseil national des centres commerciaux, les 550 centres commerciaux français dépenseraient en moyenne 160 000 euros par an pour leur sécurité, et de 1999 à 2001, les dépenses de sécurité auraient augmenté de 35 %. L'EPARECA cite des exemples éloquents : « A Montbéliard sur le site des Hexagones, le léger bénéfice dégagé par le supermarché U est absorbé par le coût des vigiles au contrôle d'accès. A Grigny, les dépenses engagées pour la sécurité du centre sont l'équivalent des autres charges imputables aux commerçants ».
Les quartiers sensibles peuvent poser des problèmes de gestion du personnel (problèmes de recrutement du personnel, vols internes...). Selon l'EPARECA, « l'exemple de la fermeture du LIDL à la Courneuve dans le quartier des « 4000 » est significatif, car essentiellement motivé par le social ».
Au-delà de la sécurité des personnes, c'est l'image dégradée des quartiers qui constitue le problème majeur, dissuadant les commerçants en place d'investir et les grandes enseignes de s'installer 14 ( * ) .
* 13 Emmanuelle Crenner, Insécurité et sentiment d'insécurité, Insee première, n° 501, décembre 1996.
* 14 Force est de constater que les moyens développés par les municipalités des zones urbaines sensibles -îlotiers, médiateurs, associations de prévention - n'ont pas suffi.