2. L'affirmation progressive des services administratifs régionaux
Créés par une circulaire du 8 juillet 1996, les
services administratifs régionaux sont placés, dans chaque cour
d'appel, sous l'autorité directe des chefs de cour et dirigés par
un coordonnateur. Ils ont pour fonction de préparer, mettre en oeuvre et
contrôler les actes et décisions de nature administrative
nécessaires à la bonne administration du ressort.
Outre leurs missions traditionnelles dans les domaines de l'
administration
des moyens
et de la
gestion des personnels
, les services
administratifs régionaux sont désormais chargés de la
gestion du
parc informatique
et du
parc immobilier
.
Par ailleurs, depuis 1998, ils se sont vus confier de nouvelles missions de
contrôle des dépenses publiques, en matière de frais de
justice et de gestion des subventions aux associations intervenant dans les
activités pré-sentencielles, d'aide aux victimes et de
médiation civile. Depuis cette date en effet, les chefs de cour
arbitrent les montants des subventions allouées à chacune des
associations de leur ressort intervenant dans ces secteurs.
Les
fonctions de coordonnateur
du service administratif régional
sont partout
exercées par des greffiers en chef
, sauf à la
cour d'appel de Paris et à la cour d'appel de Rennes où elles
sont confiées à des magistrats.
En qualité de responsable du fonctionnement du SAR, le coordonnateur
fédère l'activité d'une équipe composée
principalement de greffiers en chef mais aussi de greffiers dont les fonctions
sont très spécialisées et bien définies : le
responsable de la gestion budgétaire, le responsable de la gestion des
ressources humaines, le responsable de la gestion informatique, assisté
généralement d'un adjoint, le responsable de la gestion de la
formation. Le recrutement de techniciens informatiques
spécialisés a permis la constitution au sein des cours d'appel
d'un relais des centres de prestations régionaux en matière de
maintenance de premier niveau des matériels et des applications
informatiques.
Les juridictions d'un même
arrondissement judiciaire
(ressort d'un
tribunal de grande instance) sont coordonnées au sein d'une
cellule
de gestion
qui, tout en respectant l'autonomie budgétaire de chacune
d'elles, est censée apporter la compétence et le soutien de
personnels compétents. La cellule tient une comptabilité
d'engagement pour chaque juridiction et constitue l'unique interlocuteur du SAR.
Comme le soulignait Mme Danielle Raingeard de la Blétière,
première présidente de la cour d'appel de Dijon dans une
contribution écrite aux travaux de la mission, il convient aujourd'hui
de conduire plus avant la déconcentration de la gestion des
juridictions, en direction de «
l'arrondissement judiciaire qui
est le bon niveau d'émergence des innovations et d'adaptation des
réponses de l'institution au niveau local.
»
Les chefs des tribunaux devraient disposer d'un véritable service
gestionnaire spécialisé renforçant notablement les
équipes des actuelles cellules de gestion
.
Les services administratifs régionaux sont, quant à eux, les
interlocuteurs uniques des préfets des départements, ordonnateurs
secondaires, pour les engagements comptables et mandatements des
dépenses d'intérêt régional, d'intérêt
commun et locales.
La mission observe que le choix du préfet comme ordonnateur
secondaire des dépenses des juridictions, s'il ne semble pas susciter de
difficulté dans la pratique, paraît difficilement compatible avec
le principe d'indépendance de la justice et mériterait
d'être réexaminé
.
Ainsi, la mise en place des services administratifs régionaux
a entraîné une modification de la manière de
gérer les moyens des juridictions. Comme le soulignaient MM. Michel
Vigneron, premier président de la cour d'appel de Bordeaux, et Marc
Moinard, procureur général, elle a contribué à sa
professionnalisation.
La mutualisation
, par exemple en matière de
passation des marchés publics, est
source d'économies et
d'efficacité
tant le droit est complexe.
Toutefois,
cette mutation ne va pas toujours sans difficulté ni
heurt
. La greffière en chef de la cour d'appel de Dijon a ainsi fait
part à la mission de certaines tensions dans ses relations avec le SAR
et de son regret de perdre en autonomie de gestion et en
réactivité. Il est vrai que les moyens du service administratif
régional de la cour d'appel de Dijon semblaient insuffisants pour
répondre à toutes les demandes.
La mission juge donc indispensable de poursuivre le renforcement des
effectifs des services administratifs régionaux pour leur permettre de
faire face à la poursuite de la déconcentration des
crédits.
Elle estime également que le moment est venu de doter les services
administratifs régionaux d'un véritable statut, en inscrivant
leur existence dans le code de l'organisation judiciaire et en
définissant plus précisément leur rôle et leurs
compétences par rapport aux greffes des juridictions
.
La création d'un statut d'emploi des chefs de SAR semble
également nécessaire pour valoriser cette fonction occupée
par des greffiers en chef de qualité mais également l'ouvrir
à des fonctionnaires d'autres administrations, susceptibles de les faire
bénéficier de leur expérience et de leur
compétence, à l'instar de la nomination récente d'une
sous-préfète au poste de secrétaire général
de l'Ecole nationale de la magistrature.
D'après les renseignements fournis par la Chancellerie, un projet de
décret serait en préparation tendant à créer un
poste de secrétaire général de service administratif
régional afin de permettre une ouverture et un choix plus larges de
professionnels de la gestion.
La mission propose, afin de professionnaliser la gestion des juridictions,
de créer un statut de secrétaire général de service
administratif régional auquel pourraient postuler les greffiers en chef
mais qui serait également ouvert à des fonctionnaires d'autres
administrations.
M. Guy Canivet, premier président de la Cour de Cassation est
allé plus loin en déclarant à la mission que :
«
Donner des pouvoirs de gestion aux greffiers ne me paraît
pas une bonne solution. En effet, sans aller jusqu'à parler
d'opposition, il y a de la méfiance dans les relations de pouvoir entre
les juges et les greffiers. Les juges craignent que les greffiers ne prennent
trop d'importance dans les juridictions et qu'eux ne soient privés non
pas des pouvoirs de gestion mais des pouvoirs d'administration.
Néanmoins, autant il appartient notamment au juge d'affecter les
magistrats dans les chambres, d'administrer la juridiction en réglant
les flux de contentieux, autant il ne devrait pas lui appartenir - et c'est
même un peu contre nature - de faire de la gestion budgétaire
.
«
Il faut donc dégager un corps d'administrateurs des
juridictions indépendant des greffes et des magistrats. Ses membres
devraient avoir la culture et la déontologie des gestionnaires des
juridictions d'Amérique du Nord, qui, eux, sont des magistrats, ou des
administrateurs des juridictions supranationales, c'est-à-dire savoir
gérer une juridiction, mais sur les instructions et sous les ordres d'un
magistrat
. »
Ces remarques, qui portent sur la gestion des juridictions et non sur les seuls
services administratifs régionaux, renvoient à la question
lancinante des relations entre les chefs de cour ou de juridiction et les chefs
de greffe.