C. LA PRÉSERVATION DE LA BIODIVERSITÉ

Dans les conditions décrites ci-dessus, l'Académie des Sciences recommande une gestion conservatoire des écosystèmes dans la mesure où une évaluation approfondie du rôle de l'abondante richesse biologique manque encore.

1. L'écosystème marin

En ce qui concerne le milieu marin , la pêche prélève sur les espèces des contingents dont le renouvellement n'est pas a priori garanti. D'où les mesures de préservation de populations qui se multiplient malgré les réactions des milieux économiques qui en tirent leurs revenus. Là encore, le changement climatique global susceptible d'intervenir peut jouer un rôle considérable et cela même si l'amplitude des modifications reste faible. Il a été ainsi noté, à partir d'études systématiques menées par les stations marines situées sur la Manche, qu' une élévation d'un demi-degré de la température moyenne annuelle de l'eau suffit à modifier les champs d'algues, donc à faire régresser les poissons d'origine boréale , faisant apparaître des espèces lusitaniennes perturbant ainsi la conduite et la production de la pêche.

L'Académie des Sciences note « à la fin de ce XX ème siècle, l'humanité commence à réaliser qu'en dépit de sa masse énorme, l'océan n'est ni une ressource infinie, ni un système immuable ».

Plusieurs grands problèmes ont été identifiés, à commencer par la température qui est un facteur essentiel de la richesse biologique. Déjà, les systèmes coralliens ont été très touchés et une évaluation générale du rôle écologique de la richesse biologique des zones littorales (lagunes, estuaires, côtes, mangroves, récifs coralliens, marais) s'impose.

L'Académie des Sciences recommande des mesures de régulation appliquées sous l'égide des pouvoirs publics, telles celles qui ont prouvé leur efficacité pour la protection du milieu naturel dans la Baie de Somme .

Elle insiste aussi sur les effets de la pêche de plus en plus fréquente à des profondeurs de 1.000 à 2.000 mètres qui prélève des tonnages considérables de poissons dans des stocks dont ni l'ampleur, ni la diversité, ni le taux de renouvellement ne sont connus avec précision.

Encore plus important, le rôle joué par le picoplancton qui serait peut-être responsable d'un bon cinquième de la fixation de carbone par l'océan , même si cela n'a été mis en valeur que depuis une dizaine d'années.

Il a été souligné dans la première partie du présent rapport le rôle climatique joué par les immenses masses d'eau en perpétuel mouvement et le rôle des courants ; les températures et les êtres vivants qui peuplent ces eaux, le recyclage du gaz carbonique et la photosynthèse en dépendent très largement.

De même, les connaissances de l'homme ont encore montré leurs limites lors de la découverte récente d'un monde biologique très divers à proximité des sources chaudes sous-marines profondes. En effet, pendant longtemps, l'absence de vie dans les grandes profondeurs était considérée comme établie.

Ce rapide survol a permis à votre Rapporteur d'insister sur l'intérêt qu'il y aurait à pouvoir évaluer les conséquences possibles d'un changement climatique global à partir d'inventaires précis de données quantitatives à la fois dans l'espace et dans le temps . A partir de cela, il serait peut-être envisageable de développer des modèles de fonctionnement de l'écosystème marin . A cet égard, il doit être indiqué que de tels inventaires permettraient d'évaluer les impacts de catastrophes. Curieusement, à cet égard, les marées noires dues au naufrage du Torrey Canyon , en 1967, et de l'Amoco Cadiz en 1978 ont vu leurs effets totalement dissipés au bout d'une dizaine d'années ; la faune et la flore marine ayant recolonisé tous les milieux où le pétrole s'était déposé.

Toutefois, il ne faudrait pas en tirer la conséquence que le vivant se reconstitue toujours. En effet, en l'occurrence, la transformation progressive des produits polluants a sans doute été permise par l'arrivée de l'extérieur d'effectifs suffisants de micro-organismes pour agir sur ces polluants. Mais les connaissances sur les divers paramètres en cause (nature des milieux pollués, nature des agents polluants, aptitude et effectif des êtres vivants concernés) sont encore très lacunaires.

Dans le domaine de l'écosystème marin comme dans celui du changement climatique, il existe un décalage entre l'urgence des réponses à apporter face à la croissance démographique et à la pression qu'elle exerce sur le milieu marin et l'impossibilité de disposer immédiatement des connaissances considérables pourtant nécessaires à l'orientation des décisions futures.

Il a été surtout souligné par l'étude déjà citée que certaines espèces ont un rôle clé dans le maintien de la richesse biologique, que la disparition d'espèces est assez rare en milieu marin grâce aux effectifs très élevés et à la large dispersion possible d'individus mais également que les organismes marins sont fragiles. Par exemple, la pollution et la pêche excessive provoquent des changements massifs et à longue distance dans les écosystèmes marins.

Comme cela a été indiqué à l'occasion de plusieurs auditions, la mer Méditerranée présente aujourd'hui des écosystèmes très dégradés et une pollution importante.

Pour sa part, la biodiversité marine du Pacifique et des régions Australes représente une richesse biologique tout à fait exceptionnelle dont l'exploitation devrait être accélérée. Dans ces zones, peuvent être analysées mieux qu'ailleurs les conséquences biologiques des transformations climatiques majeures (phénomène El Niño , dégénérescence des systèmes coralliens...).

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