IV. LES TRANSPORTS ET LES GAZ À EFFET DE SERRE
Ce secteur apparaît aujourd'hui comme le premier émetteur de gaz à effet de serre en France .
Cependant, ses diverses composantes sont très inégalement responsables de cet état de fait.
La croissance des transports semble constituer une composante essentielle des sociétés actuelles. En France, les transports de voyageurs ont augmenté de 18 % en six ans.
Dans l'ensemble des transports, les transports collectifs ne représentent encore que 16 % en 2000 malgré une progression constante - mais modeste, soit 20 % - de 1985 à 2000.
Sur cette même durée, l'évolution du trafic de voyageurs a augmenté de 44 % pour les véhicules particuliers et de 112 % pour les transports aériens intérieurs.
La part des véhicules particuliers dans l'ensemble des transports atteint 84 % du total.
Quant aux transports de marchandises , leur volume a augmenté de 25 % en dix ans. Au sein de cette activité, le transport routier représente 69 % du total -avec 35 % d'augmentation en dix ans. Sans intervention, le doublement des marchandises transportées par la route pourrait être constaté vers 2020 .
En 1999, 39 % de camions supplémentaires, par rapport à 1992-1993, ont traversé la France.
Le tonnage transporté par le rail n'atteint que le quart de celui de la route. Surtout, de 1985 à 2000, le tonnage ferroviaire n'a augmenté que de 2 %, quand le tonnage routier a progressé de 81 %.
Face à cette évolution, il conviendrait de réduire la distance du trajet domicile-travail pour des raisons évidentes de diminution de l'énergie consommée par les transports liés à ce type de déplacement, mais c'est le contraire qui est observé.
Ainsi, le lieu de travail des actifs était situé en moyenne à 15,1 km de leur domicile en 1999, contre 14,1 km en 1990 et 13,1 km en 1982. Dans la couronne périurbaine de Paris, où se situe le nombre le plus élevé d'actifs, les trajets effectués sont supérieurs à la moyenne nationale.
En réaction face à cela, M. Jean-Louis GUIGOU, Délégué à l'aménagement du territoire, DATAR , souligne les avantages de la division du travail par région.
Si la route, qui comprend les véhicules automobiles individuels et les poids lourds est reconnue comme un secteur très fortement émetteur de gaz à effet de serre, le rail n'a pas seulement recours à l'électricité. Quant au transport aérien, son fort impact reste encore mal évalué. Enfin, le transport maritime ou fluvial a probablement des atouts à jouer.
A. LA ROUTE
Le transport par la route recouvre le transport de voyageurs et celui de marchandises. Il peut être abordé sous divers aspects comme, par exemple, les performances techniques des véhicules fabriqués (consommation de carburant, émission de polluants, de gaz à effet de serre...), les caractéristiques des véhicules compte tenu de la demande (équipements, poids, vitesse...) et l'état et l'entretien du parc.
1. Les performances techniques des véhicules automobiles de transport de voyageurs
Ces performances sont directement liées aux évolutions des moteurs.
D'emblée, il doit être rappelé qu'il n'y a pas a priori de carburant propre et de carburant sale. C'est, en réalité, la performance antipollution du couple indissociable moteur-carburant qu'il faut considérer (M. André DOUAUD, I.F.P. ).
Chacune des caractéristiques principales des éléments de ce couple va donc être rappelée brièvement.
a) Moteurs thermiques à essence ou diesel
Pendant des années, un débat animé a opposé les partisans du moteur à essence à ceux du moteur diesel.
Actuellement, les perfectionnements intervenus pour chaque type de moteur ont donné un léger avantage au diesel .
En émettant moins de monoxyde de carbone que le moteur à essence, le diesel avait déjà un avantage qui fut conforté par le moteur HDI diesel (injection haute pression) qui élimine les particules et produit 20 % de moins de CO 2 que le diesel traditionnel.
Il reste à réduire les émissions d'oxyde d'azote pour les diesels et celles des particules pour les moteurs à essence - les nouveaux moteurs à essence émettant des particules. Les pollutions résultant des deux types de moteurs sont à peu près équivalentes.
Au cours des dernières années, le diesel a été amélioré pour supprimer ses émissions de fumées noires ; le filtre à particules a supprimé la plupart de celles-ci. Récemment, le cumul de l'injection directe et du filtre à particules, comme sur la 607 de P.S.A. Peugeot Citroën, est parvenu à éliminer totalement les émissions de particules.
De ce fait, à l'avenir, l'ensemble des constructeurs automobiles vont probablement présenter une offre diesel.
b) La consommation de carburant
La quête d'une diminution de la consommation de carburant aux 100 km a conduit, il y a déjà une dizaine d'années, à concevoir des véhicules ne consommant que trois ou quatre litres. Actuellement, l'objectif d'un véhicule très léger ne consommant qu' un litre aux 100 km est poursuivi par Volkswagen.
De nouvelles techniques, comme l'injection directe du carburant dans le cylindre qui permet une économie de consommation de 30 % à 40 % par le diesel et de 20 % pour le moteur à essence, ont permis de tels gains.
c) L'émission de polluants
La mesure de la pollution des véhicules doit prendre en compte plusieurs paramètres, ainsi que l'a rappelé M. Jean-Pierre ROTHEVAL du CERTU à votre Rapporteur :
- les émissions unitaires par véhicule ;
- la distinction entre diesel et non diesel ;
- la connaissance de l'âge du parc de véhicules ;
- la connaissance du nombre de kilomètres parcourus.
Pour M. Bruno COSTES de PSA-Peugeot-Citroën , au-delà des améliorations importantes déjà accomplies, les émissions de polluants pourraient encore diminuer de 70 % d'ici à 2005.
Cette évolution a conduit M. André DOUAUD, de l'IFP à considérer que le problème de la pollution urbaine est résolu à terme . En effet, l'émission de polluants est passée de 100 grammes par kilomètre en 1970, à 1 g/km en 2000 ; elle devrait être d'une fraction de gramme en 2005 et d'une dizaine de milligrammes au-delà.
Quant à l'émission de CO 2 par les véhicules -même s'il ne s'agit pas d'un polluant au sens strict du terme mais d'un gaz à effet de serre- l'évolution ci-dessous rappelée a été constatée et envisagée.
Emissions de CO 2 des véhicules automobiles
1995 |
1997 |
2008 (objectif) |
|
CO 2 par km |
222 |
180 |
140 |
- essence - diesel |
197 178 |
Selon M. Jean-Pierre GIBLIN, du Conseil général des Ponts-et-chaussées , l'émission de seulement 75 g/km serait un objectif envisageable pour les petits véhicules.
d) Les divers carburants
Quels seraient les carburants les mieux à même d'optimiser les moteurs actuels ?
Un rapide rappel va récapituler les mérites et limites des principaux carburants, en particulier des nouveaux carburants, d'après des jugements parfois contrastés portés par des spécialistes dont M. Bernard TISSOT, de l'Académie des Sciences :
• Alcool pur : sans avenir.
• Aquazole : l'eau ajoutée dans le gas oil permet une économie de consommation de 2 % à 3 % pour un coût négligeable et une diminution des NOx émis ; ce procédé est adaptable sur les véhicules anciens mais convient peu aux moteurs récents d'après l'IFP.
• Biomasse : en général, sans intérêt car pour produire un litre de biocarburant, 90 cl ou même plus d'un litre de pétrole sont nécessaires (M. Jean-Marc JANCOVICI mais, en sens contraire, ont été entendus M. Jacques PIOR, APCA et M. Jean LUCAS, CNAM, ).
- Le diester de colza est jugé intéressant par PSA du point de vue énergétique.
- Le bioéthanol alcool est impossible à utiliser dans les moteurs actuels.
- L'éthanol nécessite la mise en culture de surfaces considérables. Ainsi, M. Jean-Marc JANCOVICI a estimé que, pour obtenir la même quantité d'énergie que celle actuellement fournie par le pétrole pour le carburant, il faudrait mettre en culture pour les biocarburants environ quatre fois la superficie du territoire métropolitain.
- Les esthers méthyliques d'huiles végétales (EMHV) : mélangées à hauteur de 30 % avec les gazoles pétroliers, ils permettent d'éviter 50 % d'émission de CO 2 .
- Les huiles dégommées de colza : pas de réel apport technique.
• Gaz méthane ou butane propane (GPL) : pour une pollution équivalente à celle de l'essence ou du diesel, un danger est introduit du fait des risques d'explosion du réservoir. Ce carburant, utilisé par des parcs limités en Italie et aux Pays-Bas , se développe peu du fait de la rareté des points d'approvisionnement.
• Gaz naturel méthane CH 4 : dégage moins de CO 2 que le pétrole. Ce carburant est utilisé par les camions et semble réservé aux véhicules collectifs. Il requiert un réservoir blindé compte tenu du danger qu'il représente. Il est utilisé en Argentine et en Russie .
• Hydrogène : fabriqué à partir de l'eau et stocké dans une pile à combustible, ce carburant pose des problèmes de sécurité ; coûteux à fabriquer, sa production dégage davantage de CO 2 que la combustion du pétrole. Ce carburant semble plutôt destiné aux bateaux et aux sous-marins.
e) Les nouveaux véhicules
• Mixtes ou hybrides (thermique et électrique) : l'association d'une propulsion électrique à un moteur diesel -pour recharger- permet de diviser par deux la consommation et par cinq les émissions de polluants . Malgré le problème posé par les accumulateurs et la limitation des distances à parcourir, cette technique semble avoir un réel avenir.
• Electricité : considérée un temps comme la source d'énergie de l'avenir pour les véhicules individuels, les limites du véhicule électrique semblent aujourd'hui le confiner à des parcs restreints ou à un nouveau mode de vie. Il a pu être relevé que l'électrification de l'ensemble du parc de véhicules individuels multiplierait par deux la consommation électrique française.
Lors de son audition, Mme Corinne LEPAGE a émis plusieurs réserves sur ce véhicule.