II. L'ÉMISSION DE GAZ À EFFET DE SERRE PAR LES ACTIVITÉS TRADITIONNELLES
A. L'AGRICULTURE
L'agriculture dégage principalement deux gaz à effet de serre : le méthane (CH 4 ) et le protoxyde d'azote (N 2 O) ou oxyde nitreux.
Parallèlement, les sols emmagasinent du carbone.
1. Les émissions de protoxyde d'azote à l'échelle agronomique
Comme il a été indiqué plus haut, le N 2 O ou protoxyde d'azote est un gaz de l'atmosphère mille fois moins concentré que le gaz carbonique, mais ayant un coefficient radiatif 200 fois plus fort et responsable à ce titre d'environ 5 % du forçage radiatif, c'est-à-dire de l'intensification de l'effet de serre.
Au cours des deux derniers siècles, la concentration de l'atmosphère en protoxyde d'azote est passée de 275 à 312 ppbv (25 ( * )) , l'essentiel de cette progression étant intervenu au cours des cinquante dernières années. Or, il a été estimé que sa durée de vie dans l'atmosphère devait être de l'ordre de 120 ans. Cependant, comme ce gaz s'élimine par photodissociation sous l'effet du rayonnement solaire dans la stratosphère , le protoxyde d'azote contribue à la décomposition de la couche d'ozone.
Malgré les efforts de quantification entamés, il convient dès à présent de souligner que les estimations demeurent assez imprécises, mais qu'elles conduisent à penser que près de 65 % des émissions de protoxyde d'azote proviennent du sol, dont un tiers des sols cultivés.
Les connaissances sur ce sujet sont, pour une partie d'entre elles, très récentes. En effet, la production de N 2 O dans les sols est probablement due à plusieurs transformations du cycle de l'azote, et non à une seule. La dénitrification (26 ( * )) a été longtemps considérée comme le principal mécanisme producteur de N 2 O, mais il a été démontré dans les années 1980 que la production de N 2 O pouvait également être le fait de la nitrification (27 ( * )) . En outre, la production de N 2 O peut encore résulter de l'action des microflores.
Au-delà des mécanismes mêmes de production du N 2 O, une difficulté de mesure provient de la très grande variabilité spatiale et temporelle des émissions de ce gaz. En effet, celle-ci résulte à la fois des caractéristiques des sols et des fluctuations climatiques. Beaucoup de mesures ont été effectuées ayant recours à des méthodes diverses (enceintes fermées de quelques décimètres cubes placées à la surface du sol et dans lesquelles des prélèvements de gaz étalés sur environ une heure sont effectués puis analysés ou méthodes micrométéorologiques fonctionnant en continu et intégrant des fluctuations moyennes sur des surfaces de l'ordre d'un hectare).
Mais, même si des expérimentations comparatives ont été menées en France entre ces deux méthodes de mesures qui semblent converger dans leurs résultats, il n'en demeure pas moins que les données quantitatives sur les émissions de protoxyde d'azote sont considérées comme encore peu nombreuses et établies sur des durées trop courtes . C'est pourquoi, avant de donner des ordres de grandeur et de présenter des hypothèses sur les effets de ces émissions, il faut insister sur l'insuffisance des données expérimentales et la faible pertinence des modèles de prévision des émissions.
Il faut également souligner que les émissions de protoxyde d'azote sont très influencées par les apports de fertilisants azotés , et qu'elles sont importantes au cours des jours qui suivent les apports.
De plus, elles dépendent étroitement du fonctionnement des sols , résultant pour l'essentiel du fonctionnement hydrique et de la capacité des sols à réduire leur protoxyde d'azote. De plus, le pH (28 ( * )) acide est considéré comme un élément favorable à la libération de N 2 O. Ces considérations sont importantes, car il a été constaté que les propriétés liées au sol avaient un impact plus marqué sur l'intensité des émissions que les paramètres climatiques ou les pratiques agricoles . Ainsi, les sols organiques comme les tourbières dégagent des quantités de N 2 O beaucoup plus importantes que les autres sols lorsqu'ils sont mis en cultures ou en prairies.
Au-delà des sols, la végétation joue aussi un rôle sur l'émission de N 2 O à travers son impact sur la disponibilité en azote minéral. C'est en particulier le cas pour les prairies, les émissions les plus fortes étant observées dans les sols de celles-ci.
* (25) Parties par milliard en volume
* (26) Décomposition, par une action bactérienne, des nitrates du sol et des eaux
* (27) Transformation, sous l'action des bactéries, de l'azote ammoniacal en nitrates.
* (28) Potentiel hydrogène caractérisant l'acidité ou la basicité d'un milieu.