INTRODUCTION
La
mission impartie au colloque, dont le présent rapport a pour objet de
présenter les débats, était novatrice. En effet, depuis
1979 et la remise au Président de la République d'un
rapport
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)
sur ce thème,
les conditions de l'information économique n'avaient plus fait l'objet
de débats publics.
Est-ce à dire que les acteurs jugeaient ces conditions
satisfaisantes ? Assurément pas ! Un malaise latent,
s'exprimant sporadiquement, devait culminer lors de l'épisode
popularisé sous le nom de « cagnotte » en 1999. Dans
son rapport précité
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)
, notre délégation en
avait rendu compte en ces termes :
«
Dès 1995, la mission d'information commune de
l'Assemblée nationale sur l'information du Parlement avait ainsi plus
généralement souligné les difficultés
résultant pour le Parlement de « son absence d'autonomie quant
aux instruments lui permettant de se forger un jugement ».
Ces difficultés ont d'ailleurs été illustrées par
les polémiques qui ont entouré en 1998 les débats relatifs
à la réduction de la durée légale du travail. En
effet, la commission d'enquête du Sénat sur les
conséquences économiques, sociales et financières des
« 35 heures » a alors estimé que le
gouvernement présentait de manière
« tronquée » les résultats des études
qu'il avait alors demandées à la quasi-totalité des
institutions disposant de modèles macro-économétriques.
A une moindre échelle, la délégation du Sénat pour
la planification, qui commande régulièrement depuis près
de vingt ans à des organismes extérieurs au Sénat des
études, des projections et des simulations réalisées
à l'aide de modèle macro-économétriques, rencontre
des
problèmes d'offre
croissants.
En effet, la dynamique de coopération technique engagée au cours
des années 1980 avec des administrations comme l'INSEE s'est
progressivement interrompue à partir du milieu des années 1990,
et l'offre d'expertise indépendante des administrations publiques
demeure extrêmement limitée.
»
Nous avions souligné que ce malaise dépassait largement le cadre
du Parlement, remarquant que
l'Etat était lui-même
confronté aux carences de ses propres systèmes d'information
.
Nous avions cité notamment les rapports particuliers de la Cour des
Comptes sur la fonction publique de l'Etat qui avaient mis en évidence
« l
a faiblesse des moyens de pilotage global de l'emploi public,
l'insuffisante connaissance de la situation réelle des effectifs, la
fréquente transgression des règles juridiques fondamentales
concernant les rémunérations, plus particulièrement les
indemnités », « les documents budgétaires ne
[donnant]
pas au Parlement une information complète et exacte sur
la situation réelle des emplois et des
rémunérations
».
Notre délégation avait naturellement exprimé sa
préoccupation face aux conséquences du «
manque de
contre-expertise économique indépendante
», en
particulier en terme de «
défiance de l'opinion
publique
».
En réalité, malgré des avancées importantes, la
toile de fond de l'information économique en France continuait
d'inspirer une réelle insatisfaction.
Sans doute, fallait-il se féliciter des progrès accomplis en
matière de prévisions économiques et pouvait-on nuancer le
diagnostic établi par le rapport LENOIR-PROT en 1979, selon lequel la
prévision économique était du ressort d'un
«
oligopole administratif
» dirigé par des
experts appartenant à une même «
famille
intellectuelle
», «
personne, hors de l'Etat,
n'ayant fait l'effort de bâtir un instrument de grande
dimension
».
Toutefois, nul renversement de diagnostic ne semblait pouvoir être
posé.
En outre, depuis 1979, une prise de conscience progressive était
intervenue, portant sur les lacunes du système d'information sur les
administrations publiques. Elle devait déboucher sur la nouvelle loi
organique relative aux lois de finances, qui renforce considérablement
les exigences d'information sur la sphère publique.
Le colloque tenu au Sénat le 27 juin dernier a été
l'occasion d'affiner le diagnostic et d'envisager les solutions permettant de
progresser.
Le présent rapport a pour objet de publier les interventions de chacun
des participants. Votre rapporteur a jugé utile de faire
précéder cette publication par les conclusions qu'il tire des
débats.
Votre rapporteur ne conclut pas des riches interventions qui ont
rythmé ce colloque qu'il faille fondamentalement réviser ce
diagnostic. Les importants moyens dont bénéficie le
système public d'information économique dans notre pays
débouchent encore sur des résultats insuffisants.
Sur le plan des remèdes à appliquer, votre rapporteur se
félicite que les débats aient permis de faire un pas
supplémentaire vers la résolution des problèmes
créés par cette situation.
Les perspectives d'amélioration ouvertes par des mesures purement
institutionnelles ont été quelque peu nuancées au cours
des débats. Ces tempéraments ne doivent cependant pas conduire
à renoncer à toute initiative de cette nature.
C'est en revanche sans nuances qu'il faut s'engager vers une meilleure
régulation du service public de l'information économique et vers
le renforcement d'un pôle d'expertise indépendant auquel le
Parlement pourrait, c'est la conviction de votre rapporteur, fournir un point
d'ancrage efficace.