EN GUISE DE CONCLUSION

Le Royaume de Jordanie est le pays des paradoxes. Né de l'ambition nationaliste arabe, le pays est aussi, depuis sa création, dirigé par une dynastie descendant du Prophète, gardienne des lieux saints à Jérusalem. Mais il est aussi ce pays qui, bien qu'impliqué dans les deux premiers conflits israélo-arabes, n'a eu de cesse, d'abord discrètement puis ouvertement à partir de 1994, d'oeuvrer pour un modus vivendi pacifique avec Israël.

Le Royaume a su par ailleurs perpétuer l'alliance stratégique avec les Etats-Unis par-delà son soutien isolé à son voisin irakien, dicté par des considérations politiques et économiques essentielles pour lui, lors de la guerre du Golfe de 1990-1991. Il est aujourd'hui à cet égard caractéristique que les deux premiers partenaires commerciaux de la Jordanie soient, dans l'ordre, l'Irak et les Etats-Unis.

Ce paradoxe, qui aurait pu la fragiliser jusqu'à la faire disparaître , la Jordanie, sous l'autorité du Roi Hussein et celle désormais d'Abdallah II, a su en faire un atout , pour elle-même et la communauté internationale, qui la place en interlocuteur incontournable pour toute solution pacifique à venir.

Cette délicate diplomatie d'équilibre , d'ouverture sans exclusive vers son voisinage régional arabe comme israélien et plus largement sur le monde, s'inscrit dans la vocation originelle du Royaume : celle d'un Etat « amortisseur » des convulsions régionales, séparant, aujourd'hui comme hier, puissances et intérêts rivaux.

Pour que perdure cette position stratégique, la Jordanie doit pouvoir compter sur le soutien actif et durable de la communauté internationale . Sur le plan diplomatique, mais aussi et surtout dans le domaine financier et économique , ce soutien est nécessaire pour contrebalancer les fragilités structurelles de l'économie jordanienne : dépendance pétrolière et énergétique, déficit hydraulique, adaptation de structures à une économie ouverte...

Les contraintes de l'ajustement préconisé par le FMI pour ce passage à une économie libérale font aussi peser un risque social ou politique qui pourrait, sans un soutien résolu de l'extérieur, accroître les tensions internes parmi une population majoritairement soucieuse d'améliorer des conditions de vie difficiles. Dans l'esprit des responsables jordaniens, c'est l'amélioration de la situation économique et ses répercussions concrètes sur le quotidien qui conditionne le retour à un fonctionnement normal des mécanismes parlementaires et électoraux, aujourd'hui suspendus.

Pour l'Europe et pour la France , leur engagement dans cette assistance financière constitue donc une contribution essentielle à l'apaisement régional.

Le développement économique de la Jordanie suppose enfin l'implication du premier cercle de ses voisins arabes . Par delà les vicissitudes et les conflits passés, la présence de tous les représentants du monde arabe lors des funérailles du roi Hussein avait symbolisé la reconnaissance de la nation arabe pour l'action conduite par le souverain pendant son long règne. Le roi Abdallah II s'efforce aujourd'hui de normaliser progressivement ses relations avec la Syrie, l'Arabie saoudite ou les monarchies du Golfe. L'intégration régionale du Royaume , complémentaire à son ouverture sur le monde occidental, s'inscrit dans son identité profonde.

Fruit d'un hasard historique, la Jordanie est aussi une nécessité régionale, de par sa géographie d' « Etat-carrefour », sa diplomatie d'équilibre et d'apaisement, sa politique d'intégration de sa population palestinienne, qui en feront un élément essentiel d'un règlement de paix.

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