3. Comment favoriser la mobilité ?
La
mobilité peut être soit géographique, soit
thématique, soit externe à l'université.
• La
mobilité géographique
favorise le renouvellement
des idées et la confrontation des expériences. Aussi est-elle,
dans certains pays exigée à l'occasion du
premier
recrutement
(une université ne recrute pas ses propres docteurs).
Elle peut également servir de mécanisme de régulation des
avancements
.
Les Allemands ont ainsi mis en place une procédure
dite de « l'appel » : un professeur ne peut
bénéficier d'un avancement aux grades les plus
élevés que s'il a été
« appelé » par une autre université, ce qui
implique à son endroit un jugement favorable extérieur à
celui de son université d'origine. Ces procédures sont
hélas ! contraires aux règles de la fonction publique
française.
En France, le statut des enseignants-chercheurs assure leur
inamovibilité puisque «
les membres des corps
d'enseignants-chercheurs ne peuvent être mutés que sur leur
demande
». Les mutations constituent donc, avec les recrutements,
le vecteur de la mobilité. Cette dernière s'effectue le plus
souvent des petites universités nouvellement créées, qui
éprouvent des difficultés à conserver leurs professeurs,
vers les grandes universités de province, ou encore de toute la France
vers les universités les plus prestigieuses, qui ne sont pas uniquement
celles de Paris-centre. En ce domaine, les universités sont
réellement, et à juste titre, en concurrence. Pourtant, des
mécanismes incitatifs pourraient être mis en place, avec l'aide
notamment des régions, pour rendre plus attractifs les laboratoires de
certaines universités en y créant un environnement
favorable à l'arrivée de professeurs de renom ou de jeunes de
qualité (équipements de laboratoire, création de postes
d'ITA par voie de fonds de concours...).
La mobilité pour les universitaires sondés ? Oui, mais...
Les
universitaires interrogés sont dans l'ensemble peu mobiles, mais se
montrent généralement favorables à la mobilité,
tout en regrettant que le système universitaire ne les y incite pas
davantage.
Ainsi, depuis leur première nomination, près de 62 % des
répondants ont travaillé dans une seule université, seuls
37 % ayant connu d'autres établissements. Une différenciation
marquée apparaît toutefois entre les professeurs, qui sont 60 %
à avoir travaillé dans plusieurs universités, et les
maîtres de conférences, qui ne sont que 18 % à avoir
déjà changé d'établissement. Les contraintes
familiales, logiquement, constituent, pour 76 % des répondants, un
obstacle important - et même très important pour près de 43
% d'entre eux - à la mobilité.
La mobilité à l'étranger est très moyennement
importante, puisque 60 % des répondants n'ont jamais
travaillé dans une université étrangère, même
s'il convient de noter que les professeurs y ont bien plus souvent
exercé leurs activités que les maîtres de
conférences, respectivement 52 % et 28 %.
Or, il convient de constater que la mobilité a été
ressentie comme profitable à leurs travaux de recherche par 70 % des
universitaires qui en ont bénéficié.
Par ailleurs,
ceux qui n'ont pas bougé ne sont que 13 % à y être hostiles
par principe. Si des raisons familiales constituent un obstacle à la
mobilité pour le tiers des répondants qui n'ont jamais
changé d'établissement, 45 % estiment que l'occasion d'une
mobilité ne s'est pas encore présentée à eux - 79 %
chez les maîtres de conférences -, et près des deux tiers
soulignent que le système universitaire ne favorise guère la
mobilité.
La mobilité thématique est, en revanche, beaucoup plus
réelle
que la mobilité géographique. Ainsi, 60 % des
répondants indiquent avoir déjà changé de
thème de recherche depuis leur entrée dans le système
universitaire, un gros tiers au contraire poursuivant depuis l'origine les
mêmes travaux. Les professeurs ont plus souvent changé de
thème de recherche que les maîtres de conférences,
respectivement 70 % et 56 %, ce qui est du reste logique puisque les premiers,
généralement plus âgés que les seconds, ont eu plus
de temps pour débuter de nouvelles recherches. Il convient de noter que
59 % des sondés estiment que la difficulté de trouver des moyens
pour une nouvelle recherche constitue également un obstacle à la
mobilité.
• La
mobilité thématique
est d'une autre nature.
L'universitaire ou le chercheur sont fortement spécialisés, et
cette spécialisation leur confère un avantage, mais crée
aussi un risque de sclérose et de non-renouvellement des idées au
cours de toute une vie. De plus, la structuration des instances (CNRS, CNU) par
discipline rend
difficile le choix de thèmes à
l'interface entre plusieurs disciplines
, voire entièrement
nouveaux. Des « inter- commissions » existent bien sur le
papier, mais ne fonctionnent pas (au niveau du CNU notamment) ou mal (au CNRS).
• Votre rapporteur considère en revanche comme essentiel les
incitations à la
mobilité extérieure
, que ce soit
vers le CNRS, l'administration publique ou le secteur privé. Le
système des postes d'accueil du CNRS permet par exemple à des
universitaires ou des professeurs du second degré de devenir chercheurs
à temps plein pendant quelques années, de manière à
mener à son terme un travail de recherche, dans le cadre d'une
procédure de détachement. Il conviendrait que les obstacles de
nature statutaire qui freinent encore ce type de mobilité soient
progressivement levés. Il est souhaitable que les promotions de ces
personnes détachées non seulement ne soient pas ralenties, mais
encore qu'elles tiennent compte de l'expérience ainsi acquise.
La mobilité à l'extérieur du système
universitaire est globalement souhaitée tant qu'elle reste
temporaire.
Ainsi, 66 % des répondants seraient
intéressés par une mobilité temporaire dans un organisme
public de recherche, mais à peine plus de 16 % par une mobilité
définitive, cette perspective étant clairement rejetée par
plus de 60 %, tandis que le taux de non-réponse est important,
supérieur à 20 %.
Une mobilité dans l'industrie ou le secteur privé
intéresserait 55 % des répondants, à condition qu'elle
soit ici encore temporaire, mais une mobilité définitive est
très massivement rejetée par les enseignants-chercheurs qui ne
sont que 6 % à être favorables à cette idée, plus de
68 % lui étant clairement hostiles.
Il faut probablement voir dans ces résultats une
méconnaissance du monde de l'entreprise, ou bien une méfiance,
voire des préjugés, à l'égard des valeurs qu'il est
censé véhiculer. Or, il paraît essentiel, dans le contexte
international actuel, que des relations de plus en plus étroites se
nouent entre la recherche et l'entreprise.