2. Doit-on diversifier les critères de promotion ?
L'avancement individuel peut se justifier au vu de critères multiples du fait de la diversification des parcours universitaires : qualité de la recherche facilement contrôlable, qualités pédagogiques, voire dévouement à l'institution ayant freiné l'activité de recherche et méritant reconnaissance. Le discours dominant est toujours le même : les instances de promotion, en privilégiant les performances en matière de recherche, font persister le mythe que les universitaires sont tous des chercheurs pendant toute la durée de leur carrière, au détriment d'une saine gestion des carrières des enseignants.
Prendre en compte l'ensemble des aspects du métier pour l'avancement
De
nombreux témoignages ont concordé pour souligner l'insuffisante
prise en considération de nombreux éléments de
l'activité pour l'avancement. Les résultats du sondage
effectué auprès des universitaires les confirment.
Ainsi, 77,5 % des répondants estiment que la qualité de
l'enseignement devrait être davantage prise en compte pour l'avancement
(et 0,2 % qu'elle devrait l'être moins !), ce qui recoupe
l'appréciation portée par la profession sur la trop faible
importance accordée aux qualités pédagogiques des
candidats lors du recrutement. Ils sont également 53,5 % à
réclamer davantage de considération pour les charges
administratives auxquelles ils sont astreints. De ce point de vue, la
réponse à la question « ouverte » est
également explicite : la lourdeur des tâches d'administration
est le premier des problèmes évoqués par les
universitaires. Si seulement le tiers d'entre eux préférerait ne
plus les assumer, plus de la moitié de ceux qui disent vouloir continuer
à les remplir souhaiterait qu'elles soient davantage prises en compte
dans leur évaluation, alors que seulement 35 % voudraient qu'elles
donnent droit à une rémunération spécifique.
Le jugement sur les trois autres éléments proposés est
plus partagé. La qualité de la recherche devrait être
autant prise en compte pour 53 % des sondés, et davantage pour plus de
37 %, ce qui est cohérent avec les réponses sur la grande
attention portée aux qualités scientifiques des candidats. En
revanche,
les enseignants-chercheurs apparaissent encore un peu
« frileux » à l'égard d'une plus grande
ouverture du système universitaire, tant vers l'extérieur
-
30,5 % des répondants estiment que les séjours à
l'étranger devraient être davantage pris en compte (et près
de 20 % moins pris en compte !), même si ce taux est porté
à 40 % chez les professeurs -
que vers le secteur privé
-
23 % des sondés pensent que le dépôt de brevets devrait
être davantage pris en compte.
Prendre en compte la
qualité de l'enseignement
est
évidemment souhaitable :
mais qui peut l'apprécier, sinon
les étudiants eux-mêmes ?
Dans un système
universitaire où les étudiants paient de lourds droits
d'inscriptions et sont en mesure d'exiger des professeurs une forte implication
pédagogique, des mécanismes de régulation existent. Mais
en France, les instances universitaires connaissent mal les performances
pédagogiques des promouvables. Cette situation changera probablement
lorsque les évaluations faites par les étudiants eux-même
seront comme aux Etats-Unis disponibles sur Internet...
Une
procédure de décentralisation des promotions à
l'échelle de l'établissement
a été mise en
place en 1992 pour alléger les charges du CNU, dans le sens d'une plus
grande autonomie des établissements. Elle consiste à laisser aux
conseils scientifiques des universités la décision pour la
moitié des promotions
50(
*
)
.
Pour plus de 58 % des répondants, et 65 % des maîtres de
conférences, les candidatures à des promotions de classe
devraient être examinées par deux instances, nationale et locale,
simultanément. Ils sont 29 %, mais 37 % chez les professeurs,
à considérer que l'examen de ces candidatures devrait être
effectué par une instance nationale, et 11 % seulement par une instance
locale. Ces résultats illustrent une certaine méfiance à
l'égard du niveau local par rapport au niveau national, sans doute
présumé plus neutre ou équitable envers les candidats.
Cette réduction du pouvoir du CNU au profit des établissements
est favorable à une moindre concentration des promotions dans les
grandes université scientifiques ou parisiennes, et donne aux
universités un instrument incitatif fort au service d'une politique
active de gestion de leur personnel. Encore faut-il qu'elles l'utilisent
à bon escient pour attirer ou conserver en leur sein des
éléments de qualité qui sans cela les auraient
quittées.
51(
*
)
Le risque
est néanmoins grand que ce pouvoir d'avancement soit perverti en
l'absence de critères de sélection mal définis par des
conseils scientifiques très hétérogènes.
De toute façon, votre rapporteur est persuadé qu'un
contrôle de l'activité de recherche, au moins au niveau des
promotions, est la condition même du maintien du statut universitaire.
Pourquoi en effet la Nation continuerait-elle à payer des personnels
censés accomplir un travail de recherche à mi-temps si ceux-ci ne
sont plus évalués sur cette base ? Il ne faudrait pas que
les universités considèrent que, puisque le CNU s'est
prononcé en premier sur la valeur scientifique des promouvables, elles
n'aient plus à en tenir compte.