N° 54
SÉNAT
SESSION ORDINAIRE DE 2001-2002
Annexe au procès-verbal de la séance du 6 novembre 2001
RAPPORT D'INFORMATION
FAIT
au nom du comité d'évaluation des politiques publiques et de la commission des Finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la Nation (1) sur la politique de recrutement et la gestion des universitaires et des chercheurs ,
Par M.
Yves Fréville,
Sénateur.
(1) Cette commission est composée de : MM. Alain Lambert, président ; Jacques Oudin, Gérard Miquel, Claude Belot, Roland du Luart, Mme Marie-Claude Beaudeau, M. Aymeri de Montesquiou, vice-présidents ; MM. Yann Gaillard, Marc Massion, Michel Sergent, François Trucy, secrétaires ; Philippe Marini, rapporteur général ; Philippe Adnot, Bernard Angels, Bertrand Auban, Denis Badré, Jacques Baudot, Roger Besse, Maurice Blin, Joël Bourdin, Gérard Braun, Auguste Cazalet, Michel Charasse, Jacques Chaumont, Jean Clouet, Yvon Collin, Jean-Pierre Demerliat, Eric Doligé, Thierry Foucaud, Yves Fréville, Adrien Gouteyron, Hubert Haenel, Claude Haut, Alain Joyandet, Jean-Philippe Lachenaud, Claude Lise, Paul Loridant, François Marc, Michel Mercier, Michel Moreigne, Joseph Ostermann, Jacques Pelletier, René Trégouët.
Emploi. |
AVANT-PROPOS
Mesdames, Messieurs,
Le présent rapport est le premier que publie le comité
d'évaluation des politiques publiques, un second étant
très prochainement attendu sur les services départementaux
d'incendie et de secours (SDIS), dont le rapporteur est notre collègue
Michel Charasse.
Il convient en effet de rappeler que le Sénat a dû prendre acte de
la volonté de l'Assemblée nationale de supprimer l'Office
parlementaire d'évaluation des politiques publiques
1(
*
)
, créé par la loi n°
96-517 du 14 juin 1996, et, par conséquent, mettre en place une
nouvelle structure destinée à poursuivre au Sénat
l'action de l'Office, avec pour ambition d'associer les commissions afin de
compléter le travail de contrôle entrepris par la commission des
finances.
Par ailleurs, la commission des finances du Sénat, si elle admet les
limites de l'expérience que constituait l'Office parlementaire
d'évaluation des politiques publiques, considère toutefois que la
cause directe de sa suppression réside dans le retrait de
l'Assemblée nationale de l'Office, par suite de la création de la
mission d'évaluation et de contrôle (MEC) en février 1999.
Aussi, à l'initiative d'Alain Lambert, président de la commission
des finances, le Bureau du Sénat a-t-il créé, le 21 mars
2000, un groupe d'études, dénommé
comité
d'évaluation des politiques publiques, destiné à exercer
les compétences de l'Office et dont la composition était
identique à celle de la délégation du Sénat.
Au cours de sa réunion constitutive du 15 juin 2000, le comité
d'évaluation des politiques publiques a confié à votre
rapporteur une étude portant sur la politique de recrutement et la
gestion des enseignants-chercheurs et des chercheurs
2(
*
)
.
*
* *
Le
contexte de cette étude est marqué à la fois par des
évolutions démographiques d'une ampleur considérable
,
puisque la moitié des fonctionnaires aujourd'hui en poste va partir
à la retraite d'ici 2012, ce qui implique de réfléchir aux
modalités de leur remplacement, et donc de mettre en oeuvre une
véritable gestion prévisionnelle des emplois publics,
et par
des dysfonctionnements importants dans la gestion des personnels au sein du
ministère de l'éducation nationale
, comme de l'ensemble de la
fonction publique d'État du reste, comme en attestent les deux
récents rapports publics particuliers de la Cour des comptes
3(
*
)
.
Par ailleurs, il n'est pas d'années depuis trente ans où un
rapport
4(
*
)
n'est publié
sur les problèmes de gestion des corps universitaires et de
chercheurs
, ce qui suffit à démontrer l'acuité d'un
problème que ne parviennent pas à résoudre les incessants
changements des règles statutaires
concernant ces corps. Deux
nouveaux rapports ont été récemment publiés, qui
mettent l'accent sur la nécessité de réformer :
- pour le rapport de M. Éric Espéret, président de
l'université de Poitiers, les charges de service des
universitaires
5(
*
)
;
- pour celui de M. Jean-Paul Fitoussi, président de l'Observatoire
français des conjonctures économiques (OFCE), le système
d'évaluation des enseignants et des enseignements à
l'université
6(
*
)
.
Le sujet est en effet d'importance car la politique de recrutement et la
gestion des universitaires et des chercheurs conditionnent la qualité de
la formation de la population active ainsi que celle de la recherche, et donc
l'avenir de la France.
Or, il est à craindre que le gouvernement n'ait accordé que
tardivement une relative importance à la façon dont le
renouvellement des générations d'universitaires et de chercheurs
va être assuré.
Certes, le ministre de l'éducation
nationale, M. Jack Lang, a annoncé, le 15 novembre 2000, un plan
pluriannuel de créations d'emplois dans l'enseignement supérieur,
mais, au-delà de cette annonce d'ordre quantitatif, le bilan de sa
première année de mise en application paraît assez mince.
Par ailleurs, le ministre de la recherche, M. Roger-Gérard
Schwartzenberg, a présenté très récemment au
conseil des ministres du 24 octobre 2001 une communication sur « le
plan décennal (2001-2010) de gestion prévisionnelle et
pluriannuelle de l'emploi scientifique ».
L'urgence de ce problème avait déjà été
relevée par la délégation du Sénat à
l'aménagement et au développement durable du territoire, dans son
avis portant sur les schémas de services collectifs, rendu au titre du
nouvel article 6
sexies
de l'ordonnance n° 58-1100 du 17 novembre
1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires
7(
*
)
.
L'article 12 de la loi n° 99-533 du 25 juin 1999 d'orientation pour
l'aménagement et le développement durable du territoire concerne
le schéma des services collectifs de l'enseignement supérieur et
de la recherche : ce schéma «
précise les
conditions de mise en oeuvre de la politique de la recherche...
[et]
définit notamment des objectifs de répartition
géographique d'emplois de chercheurs, d'enseignants-chercheurs, et
d'ingénieurs participant à la recherche publique
».
La délégation du Sénat, sur les conclusions de notre
collègue Yolande Boyer, a considéré que ce projet de
schéma des services collectifs de l'enseignement supérieur et de
la recherche «
manque de souffle
». Elle a
regretté qu'il «
raisonne à environnement
institutionnel constant
», notamment en matière de
gouvernance universitaire ou d'évaluation des enseignants-chercheurs et
des chercheurs, alors qu' «
une réforme des
modalités d'évaluation des enseignants-chercheurs
[permettrait]
de mieux prendre en compte leurs activités
pédagogiques
». De même, s'agissant de la recherche,
la délégation a regretté que «
le
schéma soit relativement flou en matière d'évolution et de
recomposition des disciplines, alors qu'une démarche plus prospective
aurait pu conduire à une inflexion de l'offre de formations de
troisième cycle en lien avec l'évolution prévisible des
besoins en matière de recherche
». D'une manière
générale, elle a déploré que
«
l'élaboration du projet de schéma ne soit pas
accompagnée d'une véritable réflexion prospective à
vingt ans, assortie notamment de la réalisation de scénarios et
de projections détaillés
».
Elle a certes noté que le projet de schéma
«
annonce enfin une politique de lissage des recrutements
d'enseignants-chercheurs et de chercheurs
», mais a aussi
relevé que «
le projet demeure relativement allusif quant
aux objectifs quantitatifs et aux mesures concrètes qui sont
envisagées
».
*
* *
• Votre rapporteur tient d'abord à
préciser le
champ et les limites de cette évaluation.
Les
universités,
8(
*
)
entreprises « multiservices » d'enseignement
supérieur, de recherche et de formation professionnelle,
constituent
sans nul doute dans le système français d'enseignement
supérieur et de recherche, et même dans la totalité du
secteur public, un des domaines où les évolutions sont les plus
rapides, les transformations les plus profondes, les innovations venues de la
base les plus foisonnantes, mais aussi les conservatismes les mieux
protégés. Elles sont placées
volens nolens
dans un
climat de compétition et un contexte de forte concurrence internationale
, les étudiants et les chercheurs devenant de plus en plus
mobiles . Elles ont de plus à rattraper un retard dû à
l'histoire face à leurs homologues étrangères et
progressent dans des domaines qui, avant leur émergence
9(
*
)
, étaient le monopole des grandes
écoles et des établissements de recherche, tels le centre
national de recherche scientifique (CNRS). Elles ont eu enfin à
absorber, pour la seconde fois de leur histoire, une vague démographique
d'étudiants sans précédent et ont fait preuve globalement
d'une souplesse d'adaptation inattendue.
Votre rapporteur a concentré le champ de ses investigations sur les
universitaires,
c'est-à-dire sur ces personnels qualifiés de
par la loi d'enseignants-chercheurs, pour rappeler s'il en était besoin
la dualité et l'interpénétration de leurs missions
d'enseignement et de recherche au plus haut niveau. Ce ne sont
évidemment pas les seuls personnels des universités où
enseignent de plus en plus nombreux des personnels du second degré,
souvent agrégés, et où de nombreuses fonctions sont
assurées par des personnels non enseignants, notamment les
ingénieurs et techniciens dans les laboratoires de recherche. Mais il
lui a semblé que la gestion des personnels universitaires dont
dépend l'avenir de notre capacité scientifique posait des
problèmes spécifiques, ne serait-ce qu'en raison de la
liberté académique qui leur est reconnue
- et à
laquelle votre rapporteur est personnellement attaché - et de
l'autonomie de gestion des corps universitaires
qui en découle.
En revanche, le comité d'évaluation a souhaité que la
gestion des corps universitaires ne soit pas examinée
séparément de celle des autres chercheurs.
La France a fait le
choix de se doter de « chercheurs à plein temps et à
vie »
, d'abord contractuels de droit public, désormais
fonctionnaires depuis 1982 et relevant d'établissements distincts des
universités.
Il s'agit là d'une spécificité
française
, car, dans beaucoup d'autres pays, les organismes de
recherche, tels les
councils
britanniques, ont un rôle d'agences
menant une politique incitative en direction des universités,
essentiellement par le biais de contrats de recherche, et non un statut
d'établissements employant directement de nombreux chercheurs.
Votre rapporteur s'en est cependant tenu à l'évaluation de la
complémentarité globale entre universitaires et chercheurs, sans
aborder la question des carrières individuelles des chercheurs
10(
*
)
.
Enfin, votre rapporteur considère que
l'évaluation d'une
politique publique, comme celle de la gestion des universitaires, doit
s'apprécier sur le long terme,
au delà des
péripéties budgétaires annuelles et des changements
multiples de la réglementation.
• Votre rapporteur considère ensuite que
l'autonomie des
universités
qu'il souhaite promouvoir
doit être
conciliée avec l'autonomie reconnue aux corps universitaires.
L'autonomie des universités est la forme que doit prendre l'effort de
déconcentration dans la gestion de l'enseignement supérieur.
Seuls des établissements autonomes peuvent piloter de façon
cohérente l'ensemble extraordinairement complexe des filières et
départements d'enseignement et des laboratoires de recherche que
constitue une grande université pluridisciplinaire de plusieurs dizaines
de milliers d'étudiants. Prétendre gérer cet ensemble de
Paris est une absurdité digne de la planification soviétique.
Vouloir même donner de Paris les impulsions nécessaires à
la nécessaire diversification des filières universitaires et de
recherche est également une tâche de plus en plus délicate,
tant les décisions centralisées sont longues à prendre en
situation d'information imparfaite.
Mais aujourd'hui, l'autonomie des universités est fort
restreinte
, puisqu'à la différence des leurs homologues
étrangères, même publiques, elles ne sont maîtres ni
du recrutement de leurs étudiants (ce qui n'est pas l'objet du
présent rapport), ni de la politique de gestion de leurs personnels,
qui, pour l'essentiel, reste du ressort de l'Etat. Elles ne seraient d'ailleurs
pas capables, pour la plupart d'entre elles, d'exercer de telles fonctions tant
leur gouvernance est encore insuffisante.
Promouvoir une plus grande autonomie pour les universités exige donc que
soient préalablement évalués non seulement la politique
actuelle de gestion et de contrôle d'Etat, mais aussi le mode de
fonctionnement des corps universitaires.
• Votre rapporteur, enfin, est préoccupé par la crise de
confiance et d'identité qui frappe un monde universitaire en mutation
constante,
mais dont le fonctionnement interne, largement coutumier, est
mal connu de la société civile et des
pouvoirs publics. Au
cours de sa mission d'évaluation, qui aura duré une année,
il lui a souvent été indiqué que
beaucoup
d'universitaires et de chercheurs souffraient d'un déficit de
satisfaction et de reconnaissance dans l'exercice de leur métier.
Il a donc été motivé par une
double
préoccupation
:
- donner un champ relativement large à l'évaluation
entreprise :
il a cherché à recueillir un maximum de
contributions, à l'occasion d'auditions diversifiées conduites au
Sénat, ou par écrit
11(
*
)
;
- connaître l'avis et écouter « la
base »
, c'est-à-dire ne pas se contenter de n'entendre que
des hauts-fonctionnaires ou des acteurs du recrutement et du déroulement
de carrière des universitaires et des chercheurs, qui connaissent
évidemment très bien le système, mais qui en ont parfois
une vision administrative, et donc éventuellement lointaine. En
sollicitant ou en interrogeant les enseignants-chercheurs et les chercheurs qui
se trouvent dans une université, en présence d'étudiants
ou au sein de leur laboratoire, et même des jeunes docteurs
éprouvant des difficultés à trouver un
débouché professionnel à la hauteur de leurs
compétences ou de leurs aspirations, ainsi que des thésards
poursuivant actuellement leurs travaux de recherche,
votre rapporteur a
voulu se mettre à leur écoute et leur donner la parole
,
persuadé que les premiers concernés avaient des
expériences intéressantes à faire valoir, des
inquiétudes à exprimer, des propositions à formuler. Il a
par ailleurs commandé la réalisation d'un sondage auprès
des enseignants-chercheurs afin de les interroger directement sur la gestion
des ressources humaines dans l'enseignement supérieur, telle qu'elle est
conduite et telle que, selon eux, elle devrait l'être.
*
* *
Il
convient de présenter la démarche et la méthodologie
adoptées par votre rapporteur pour effectuer son étude, leurs
différentes étapes, ainsi que les difficultés qu'il a pu
rencontrer.
Un programme d'auditions a d'abord été défini, puis
affiné par la suite. Il a cherché à être
relativement large, concernant tant des hauts-fonctionnaires du
ministère de l'éducation nationale et de la recherche, mais aussi
de celui de l'économie, des finances et de l'industrie, que les
responsables du CNRS, les représentants des présidents
d'université, des présidents de sections du conseil national des
universités (CNU) et du comité national de la recherche
scientifique, couvrant des champs disciplinaires aux problématiques
différentes, des représentants des corps de contrôle - Cour
des comptes, inspection générale de l'administration de
l'éducation nationale et de la recherche, comité national
d'évaluation des établissements publics à caractère
scientifique, culturel et professionnel (CNE) -, un ancien dirigeant dans le
secteur privé, ou encore une sociologue ayant notamment effectué
des comparaisons internationales sur le sujet. Votre rapporteur a
également auditionné un de nos anciens collègues,
André Maman, professeur à l'université de Princeton, et,
à ce titre, très bon connaisseur du système universitaire
américain. Il tient à le remercier une fois encore de son
très intéressant témoignage.
Parallèlement, votre rapporteur a adressé un courrier à
l'ensemble des présidents d'université, des présidents de
sections du CNU et du comité national de la recherche scientifique et
des principaux syndicats de l'enseignement supérieur et de la recherche,
afin de solliciter de leur part une contribution écrite portant sur le
sujet. Si la qualité des contributions qui lui sont parvenues est
grande, comme on peut s'en rendre compte à leur lecture, il regrette
cependant le taux relativement faible de retour, en particulier de la part des
présidents d'université - 14 contributions sur une centaine
d'universités en France - et des syndicats - une seule réponse.
Un
forum de discussions sur le site Internet du Sénat
a ensuite
été mis en place. Il a rencontré un grand succès
puisque, du 30 avril au 3 juillet 2001, il a reçu
1.446 contributions, soit autant de messages qui démontrent un vif
intérêt des enseignants-chercheurs et des chercheurs pour leur
profession ainsi qu'une grande variété de propositions. Bien que
maintenant clôturé, il peut toujours être
consulté
12(
*
)
.
Quelques-unes de ces contributions ont été reproduites dans le
présent rapport : elles ne présentent bien sûr pas de
caractère « scientifique » et donnent une vision
sans doute biaisée de la vie universitaire ; mais elles permettent
d'illustrer avec pertinence la façon dont leurs auteurs
perçoivent et vivent leur activité professionnelle.
Votre rapporteur, afin de compléter son information, a ensuite
souhaité « passer commande » de deux études
auprès de consultants extérieurs, sur des points demandant une
haute technicité
13(
*
)
:
- la première, effectuée par l'Observatoire des sciences et des
techniques (OST) à partir de données fournies par les
ministères concernés , porte sur le renouvellement des
générations des personnels scientifiques de l'enseignement et de
la recherche, et comprend trois parties : une analyse statistique de la
situation et de l'évolution démographique des corps des
enseignants-chercheurs et des chercheurs ; des scénarios relatifs
à la variabilité du déroulement de carrière de ces
fonctionnaires ; et une analyse de l'attractivité actuelle des
carrières scientifiques publiques sur le « vivier »
de compétences disponibles ;
- la seconde, confiée à la société Repères,
prend la forme d'une enquête réalisée par sondage
auprès des enseignants-chercheurs et basée sur les suggestions
formulées dans les messages reçus sur le forum.
Il convient de préciser que le sondage n'a été
effectué auprès des seuls enseignants-chercheurs que parce que le
ministère de la recherche a indiqué ne pas disposer de tableaux
de classement des chercheurs, puisque ces derniers travaillent au sein
d'établissements publics qui, seuls, détiendraient ce type
d'informations sur leurs personnels. Faute de cet indispensable outil de
travail, il était impossible de disposer des adresses professionnelles
des chercheurs à sonder.
En revanche, ces tableaux de classement, plus communément appelés
« cocotiers », existent pour les universitaires, et ont
été rapidement communiqués par la direction des personnels
enseignants du ministère de l'éducation nationale. Votre
rapporteur tient à en remercier très sincèrement son
directeur.
14(
*
)
Le taux de retour du questionnaire pourtant adressé à une
époque défavorable, en plein été 2001 a
été extrêmement satisfaisant- environ 25 %, alors qu'il est
habituellement de 10 % dans ce type d'enquêtes.
Le sondage effectué par Repères auprès de 4.000 universitaires
L'analyse des résultats de l'enquête
effectuée
par la société Repères, à la demande de votre
rapporteur, porte sur
865 réponses
, soit
21,6 %
des
4.000 questionnaires envoyés à des enseignants-chercheurs
tirés au sort à partir des tableaux de classement du
ministère de l'éducation nationale. Environ 200
supplémentaires sont parvenus trop tardivement pour être
exploités.
Surtout, il apparaît que ces retours permettent d'illustrer de
façon globalement représentative les opinions de la population
visée.
Les 865 répondants se répartissent en 665 hommes, soit
près de 77 % du total, et 200 femmes, soit 23 %. Il convient de
rappeler que, en 1998-99, les femmes représentaient 14,2 % des
professeurs et 36,5 % des maîtres de conférences.
L'âge moyen
des universitaires ayant répondu au
questionnaire est de
47 ans
, mais plus d'un tiers d'entre eux, soit 34,6
%, ont entre 50 et 59 ans. En revanche, les 40/49 ans sont 20,6 %, alors que la
tranche d'âge 35/39 ans représente près de 20 % des
répondants.
Le nombre des personnes ayant répondu se décompose de la
façon suivante :
- 452 maîtres de conférences, soit plus de 52 % aux quels
s'ajoutent 11 maîtres assistants, soit 1,3 % des répondants, cette
faible proportion étant liée à la mise en extinction de ce
corps ;
- 398 professeurs des universités, soit 46 % : les professeurs ont
donc globalement davantage répondu au questionnaire que les
maîtres de conférences, puisqu'ils représentent 31,4 % de
l'ensemble des personnels enseignants titulaires du supérieur.
505 universitaires, soit plus de 58 % des répondants, exercent leurs
activités de recherche dans une équipe associée à
un établissement public de recherche, comme le CNRS ; 337, soit 39
%, ne sont pas dans cette situation.
Environ 73 % des personnes interrogées travaillent dans une
université de province, contre 14 % dans une université
parisienne. Certains d'entre eux (il y a des multi-réponses) dispensent
leur enseignement dans une école d'ingénieurs (15 %) ou dans un
IUT (près de 9 %).
Il est intéressant de noter que
83 % des universitaires
interrogés sont ou été membres d'une commission de
spécialistes de leur université
, et que la moitié
d'entre eux siègent ou ont siégé dans ces instances dans
une autre université que celle dans laquelle ils sont affectés.
Par ailleurs, près de 20 % d'entre eux sont ou été membres
du conseil national des universités.
D'une manière générale, votre rapporteur constate
l'extrême dispersion des réponses
apportées par les
universitaires sondés. Il est généralement rare qu'une
proposition ou suggestion fasse l'unanimité des répondants. Le
sondage qu'il a commandé le conforte ainsi dans son impression d'une
communauté scientifique extrêmement peu homogène
, et
partagée sur les conditions d'exercice de son activité
professionnelle. Il semble bien qu'elle soit mue, surtout, par des
considérations de type disciplinaire
voire corporatiste
.
Plus que de « communauté », il faudrait parler d'une
juxtaposition de corps distincts aux préoccupations différentes.
Assurément, de telles caractéristiques rendent extrêmement
délicate toute tentative de réforme d'envergure.
Enfin, la commission des finances et le comité d'évaluation des
politiques publiques, au cours d'une réunion commune, ont
procédé à l'audition de M. Claude Allègre, ancien
ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie.
Votre rapporteur regrette profondément le souhait exprimé par
les ministres de l'éducation nationale et de la recherche, MM. Jack Lang
et Roger-Gérard Schwartzenberg, de ne pas être auditionnés
par la commission et le comité avant la communication au conseil des
ministres du 24 octobre 2001
Il convient de s'en étonner, alors que la nouvelle loi organique du
1
er
août 2001 relative aux lois de finances vise
précisément à mieux apprécier les résultats
des politiques publiques et à accroître la transparence de leur
présentation, notamment au moyen d'un renforcement des pouvoirs de
contrôle du Parlement. Cette attitude est d'autant plus surprenante que
le ministre de l'éducation nationale, à l'occasion de son
audition devant la commission des affaires culturelles, familiales et sociales
de l'Assemblée nationale, le 19 septembre dernier, avait
déclaré que «
l'effort à fournir porte
surtout sur l'évaluation des universités, qu'il s'agisse des
professeurs ou des enseignements
», précisant que
«
bien que délicat, le processus d'évaluation
constitue un stimulant qui ne peut conduire qu'au renforcement de la
qualité de l'enseignement
»
15(
*
)
.
*
* *
Votre
rapporteur souhaite, en guise de conclusion, insister sur certaines questions
générales.
Le système universitaire est entré dans un régime
d'état stationnaire ou de croissance lente
, du fait du plafonnement
du nombre d'étudiants : il devra néanmoins continuer
à adapter ses formations et ses laboratoires à l'évolution
rapide des sciences et des technologies. Mais il sera toujours plus difficile
de redéployer des moyens constants que de moduler l'utilisation de
moyens croissants, même si le taux élevé de départs
à la retraite peut faciliter ce type d'adaptations.
• La mise en oeuvre de ces adaptations s'effectue principalement dans le
cadre d'une
politique de gestion des ressources humaines
définie
par chaque établissement dans le cadre des contraintes fixées par
l'Etat. Or, le système actuel de gouvernance des universités ne
permet pas aujourd'hui à leurs présidents d'exercer un pouvoir
fort dans la mesure où il doit composer avec divers conseils où
les représentants des disciplines sont puissants et défendent les
situations acquises. Votre rapporteur est donc persuadé que les
présidents doivent pouvoir s'appuyer sur des
conseils
d'orientation
, équivalents aux
Boards of Trustees
d'outre
Atlantique, tels ceux qui avaient été mis en place à titre
expérimental dans les universités nouvelles. En effet,
les
universités n'appartiennent pas aux universitaires
.
• Le redéploiement des moyens que rend possible la
démographie des corps universitaires et des chercheurs doit concerner
l'ensemble CNRS/universités et permettre, le cas échéant,
une redéfinition du format du CNRS. Si votre rapporteur reconnaît
la nécessité pour la France de disposer d'un fort potentiel de
chercheurs à plein temps pendant des périodes assez longues de
leur vie professionnelle,
il n'est pas persuadé de la
nécessité de disposer de chercheurs à vie
, sauf - et
c'est une exception notable - dans les disciplines non
représentées ou insuffisamment représentées dans
l'université.
L'évolution devrait se faire progressivement par échanges
d'emplois entre les deux institutions : le CNRS devrait accroître
son potentiel de postes d'accueil destinés à des universitaires
souhaitant se consacrer pendant plusieurs années à une recherche
à plein temps par redéploiement de postes libérés
par les départs en retraite. L'enseignement supérieur, en
contrepartie, affecterait en son sein des postes réservés aux
chercheurs actuellement en poste pour leur garantir un déroulement
normal de carrière.
Ainsi, le CNRS jouerait de plus en plus un
rôle d'agence et de moins en moins un rôle de gestionnaire de
chercheurs à vie.
• Il faut, en troisième lieu,
accroître l'efficience des
personnels enseignants-chercheurs et chercheurs très
qualifiés
, en les sélectionnant mieux, en leur offrant des
déroulements de carrières plus attrayants et en leur offrant de
meilleures conditions de travail,
plutôt que d'en accroître le
nombre
. Ceci exige sans nul doute un accroissement relatif de la part des
moyens budgétaires alloués à l'accompagnement de la
recherche en ingénieurs de recherche et en moyens matériels.
• Le système d'avancement au choix des universitaires et des
chercheurs se bloque progressivement, soit par des mesures statutaires telles
la fusion des 1
ères
classes de maîtres de
conférences, soit pour des raisons démographiques.
Deux
générations sont en concurrence
, celle des enseignants en fin
de carrière, qui espèrent une promotion pour avoir
sacrifié leur activité de recherche à l'encadrement des
deux vagues d'étudiants qui ont déferlé sur l'enseignement
supérieur après 1970 et après 1985, et celle des jeunes
chercheurs, souvent de talent, qui viennent d'entrer eux aussi en grand nombre
dans l'université avec beaucoup d'espoir, mais se sentent
maltraités dans un système bloqué qui ne leur alloue pas
les moyens et le temps suffisants pour développer leur activité
de recherche. Le risque est grand de sacrifier cette génération
et de rendre inefficace l'effort accompli par la Nation en les recrutant.
• La méconnaissance des mécanismes de fonctionnement
réel, largement coutumiers, du système de l'enseignement
supérieur aboutit à une
incompréhension croissante
entre les universitaires et la sphère politico-administrative
. La
seconde considère à juste titre que le contrôle par les
pairs des premiers est devenu insuffisant dans l'université de masse et
dépourvu de sanctions ; les universitaires estiment au contraire
que leur activité est bridée par un développement sans
frein des pratiques bureaucratiques, y compris au sein des
établissements, et par l'application de règles juridiques
inadaptées (comme celles gouvernant l'organisation des concours locaux
de recrutement). Votre rapporteur souhaite en conséquence que
l'évaluation indispensable des filières, voire dans certains
cas des hommes
16(
*
)
,
dont la
communauté scientifique reconnaît la nécessité, soit
effectuée dans la ligne des propositions du rapport Fitoussi, par un
« organisme tampon » entre les universités et
l'Etat, c'est-à-dire par une agence d'évaluation autonome prenant
la suite de l'actuel Comité national d'évaluation et
composée de personnalités qualifiées (non élues).
*
* *
Après avoir rappelé le contexte budgétaire de l'enseignement supérieur et de la recherche, votre rapporteur portera un regard critique sur la politique de l'emploi , les modalités de recrutement et le déroulement de la carrière de ces fonctionnaires, tout en formulant un certain nombre de propositions visant à y apporter des améliorations.