33. Audition de M. Jean-Marc Lamère, délégué général de la Fédération française des sociétés d'assurances et M. Guillaume Rosenwald, directeur des risques des particuliers (10 juillet 2001)
M. Marcel Deneux, Président - Nous recevons maintenant M. Jean-Marc Lamère, délégué général de la Fédération française des sociétés d'assurances qui est accompagné de M. Guillaume Rosenwald.
Le Président rappelle le protocole de publicité des travaux de la commission d'enquête et fait prêter serment à MM. Jean-Marc Lamère et Guillaume Rosenwald
M. Jean-Marc Lamère . Je commencerai par répondre aux questions que vous m'avez posées par écrit.
Votre première question porte sur l'estimation que nous pouvons faire du coût des inondations de la Somme.
La gestion du dossier de la Somme a été relativement lente en raison de la durée anormalement longue de l'inondation. Or, les experts n'ont pas pu intervenir avant que les eaux se soient retirées. Toutefois, d'ores et déjà, des groupes de travail se sont réunis et ont collecté différents chiffres.
Habitués au traitement des inondations -surtout depuis la loi de 1982- nous disposons de statistiques. Nous savons que le coût moyen des dégâts provoqués par une inondation dans une habitation est de l'ordre de 25.000 francs.
Le nombre d'habitations touchées dans la Somme à des degrés divers est d'environ 3.000. Les experts ne connaîtront que dans quelques mois, c'est-à-dire après les périodes de sécheresse éventuelles, le degré de gravité des sinistres.
Pour l'instant, on estime qu'à peu près 20 % des habitations sont gravement touchées. Nous avons préféré par précaution majorer nos estimations et les porter à 100.000 francs par habitation, ce qui donnerait un coût total de 300 millions de francs.
Bien sûr, en dehors des habitations, ont été également sinistrés par les inondations un certain nombre de commerçants, d'artisans, de prestataires de services, de PME-PMI, d'exploitations agricoles. Encore faut-il préciser que dans cette région, la densité de la population, notamment industrielle, est faible.
L'addition de ces deux éléments -particuliers et professionnels- conduit à une estimation située entre 300 et 450 millions de francs, ce qui place cette inondation de la Somme au rang d'événement moyen au regard du régime d'indemnisations.
Je rappelle en effet que les deux inondations qui ont affecté la Bretagne à la fin de l'année 2000 et au début de l'année 2001 représentaient un coût de 450 millions de francs. Au pire, les inondations de la Somme devraient se traduire par un coût équivalent.
Je rappelle également que les inondations du grand Sud -Aude et Hérault- se chiffraient à pratiquement 2 milliards de francs.
A plus long terme, nous avons entrepris des études sur l'évolution de la climatologie. Elles montrent que la pluviométrie devrait augmenter en France dans les dix ans qui viennent dans des proportions de 10 à 20 %. Si cette tendance était confirmée, les assureurs comme les pouvoirs publics -qui sont impliqués dans le régime légal d'indemnisation des catastrophes naturelles- devraient en tenir compte dans l'équilibre financier du régime.
Votre deuxième question concerne la situation financière du régime des catastrophes naturelles.
On peut dire que la stabilité du régime n'est nullement affectée par des événements comme ceux qui ont touché la Somme ou la Bretagne. En examinant les choses sur une longue période, c'est-à-dire depuis 1982, l'année 2000 et jusqu'à présent l'année 2001 sont plutôt calmes.
Ce régime a été créé pour faire face à d'éventuels événements catastrophiques : inondations dans la vallée de la Loire ou séisme dans la région niçoise qui causeraient des dommages s'élevant à plusieurs dizaines de milliards de francs.
Le dispositif a été conçu pour qu' in fine , dans l'hypothèse d'une catastrophe de grande ampleur, il soit fait appel à la solidarité nationale, étant entendu que pour les événements d'ampleur moyenne comme celui dont nous parlons aujourd'hui, c'est le régime assurantiel qui intervient.
Il n'y a pas a priori de raison de s'inquiéter sur la situation financière du régime des catastrophes naturelles. Ce régime a subi des ajustements dont la plupart ont été mis en place au 1er janvier 2001. La disposition portant le taux de la surprime de 9 à 12 % est entrée en vigueur au 1er septembre 2000. Les autres mesures portent sur l'actualisation de la franchise pour les particuliers et les risques d'entreprise, sur la modulation de la franchise en fonction du taux de récurrence des sinistres dans une même commune et sur l'instauration d'une franchise spécifique pour la subsidence.
Ces dispositions avaient été prises avant que surviennent tous les événements importants que vous connaissez. Si les pouvoirs publics avaient entrepris une réflexion sur ce sujet, c'est parce que ce régime était exposé à un risque de dérive lié non aux inondations mais à un phénomène dont on parle beaucoup moins : je veux parler de la subsidence.
Les deux grandes vagues de subsidence sécheresse qui ont affecté le régime ont représenté seize milliards de francs depuis 1996. Ces dernières années, la subsidence représentait la partie majeure de l'indemnisation d'un régime qui n'avait pas été prévu pour cela.
C'est la raison pour laquelle en plus des différentes dispositions que je viens d'évoquer et qui sont plutôt d'ordre financier, les pouvoirs publics ont modifié le régime d'expertise en matière de subsidence pour mieux apprécier les sinistres qui relèvent sur le plan juridique de la catégorie d'événements strictement naturels. Il est permis de penser que ce nouveau régime d'expertise est de nature à éviter une dérive financière du régime.
Votre troisième question est relative à la prévention.
Le régime instauré en 1982 repose sur une idée intelligente consistant à demander à chacun de bien faire son métier. C'est ainsi qu'on a demandé aux assureurs qui disposaient d'un réseau sur l'ensemble du territoire d'intervenir rapidement pour pouvoir expertiser, puis indemniser dans les meilleurs délais. Chacun doit jouer son rôle : les assureurs pour indemniser et les pouvoirs publics pour mettre en place de véritables ouvrages de prévention. De nombreux rapports remis au Parlement détaillent la manière dont les assureurs procèdent en matière d'indemnisation.
Au fil de l'expérience, un certain nombre d'améliorations ont été apportées, de sorte que cette indemnisation se déroule aujourd'hui dans des conditions normales. La situation est beaucoup moins favorable en matière de prévention. Mais ce n'est pas du domaine des assureurs.
Ce que nous pouvons faire -et que nous avons déjà commencé à faire- c'est informer les assurés, notamment les entreprises, sur les mesures de sauvegarde immédiate susceptibles d'être prises dès lors qu'ils sont avertis par exemple de crues imminentes. Mais sur le plan économique, cela pèse très peu de chose par rapport au montant des indemnisations.
Votre quatrième question porte sur le pourcentage des personnes non assurées dans la Somme en matière de catastrophe naturelle.
Nous n'avons pas de statistique par département ou par région mais nous savons que sur le territoire entier, le taux des non-assurés est inférieur à 5 %.
Votre cinquième question est relative au traitement spécifique des sinistres de la Somme. Je rappelle à cet égard que nous avons affiné le processus de gestion des risques.
Nous disposons de deux instruments principaux. Premièrement, un réseau au niveau très réglementé qui est celui du Centre de documentation et d'information de l'assurance, dont la mission est de donner immédiatement des informations pratiques sur les déclarations de dommages, sur l'expertise... Deuxièmement, un réseau de coordonnateurs des catastrophes naturelles formé en général par les inspecteurs des compagnies d'assurance. Ce sont des techniciens qui peuvent intervenir sur l'aspect technique de la mise en jeu du contrat et qui participent aux cellules de crise instituées par le préfet.
Par ailleurs, la Fédération française des sociétés d'assurances dispose d'une cellule de crise qui permet de mobiliser des ressources - notamment les experts - pour les envoyer dans les régions sinistrées. Il est toutefois vrai que quand un sinistre affecte une très grande partie du territoire, comme ce fut le cas fin 1999, l'exercice est beaucoup plus délicat.
M. Pierre Martin, Rapporteur. Pour en revenir sur l'obligation d'assurance, pouvez-vous nous dire si l'assurance est obligatoire pour les locataires ? Si tel n'est pas le cas, trouveriez-vous judicieux de l'imposer ?
M. Guillaume Rosenwald . L'assurance est en effet obligatoire pour le locataire s'agissant de sa responsabilité vis-à-vis du propriétaire... ce qui ne résout pas le problème si le propriétaire lui-même n'est pas assuré.
L'idée de rendre une assurance obligatoire est souvent séduisante. Elle peut toutefois être compliquée à mettre en oeuvre. En effet, sur quoi faire reposer l'obligation ? Il est facile de rendre une garantie obligatoire sur un contrat : les gens décident de s'assurer pour un certain capital ou pour certains biens et on décide d'étendre la garantie aux éléments naturels.
En revanche, pour rendre la base obligatoire, il faudrait définir les niveaux minimaux de capitaux par type d'assuré, ce qui n'est pas très facile.
On peut aussi considérer que cela relève, pour les catastrophes naturelles comme pour les incendies, de la responsabilité de chacun. Il ne faut pas oublier que la plupart des sinistres incendie provoquent des dégâts beaucoup plus importants que les inondations.
M. le Président . L'exemple auquel on pense immédiatement, c'est l'assurance automobile.
M. Guillaume Rosenwald - C'est totalement différent ! Le caractère obligatoire de l'assurance automobile repose sur la responsabilité vis-à-vis d'autrui. A deux exceptions près, les seules assurances obligatoires en France concernent la responsabilité civile.
M. Jean-Marc Lamère - Sur le plan économique, M. Rosenwald soulignait à juste titre qu'il y a beaucoup d'autres événements nettement plus graves que les inondations. J'en veux pour preuve le fait que le poids des catastrophes naturelles ne représente que celui de la surprime, c'est-à-dire 12 % de la prime de base.
Je ferai une autre remarque. Lorsque les garanties sont obligatoires et que la loi ne prévoit pas de sanction, les taux de non-assurance sont extrêmement importants. C'est le cas des dommages-ouvrages. Aujourd'hui, plus d'un propriétaire sur deux n'est pas assuré.
M. le Président - Que répondre à ceux qui soulignent que la déclaration de catastrophe naturelle applique obligatoirement une franchise de 10 %, alors que le contrat assure, lui, depuis le premier franc ?
M. Guillaume Rosenwald - Il faut bien voir que le caractère obligatoire dont vous parlez, monsieur le Président, s'inscrit dans le cadre de la solidarité entre assurés offrant les mêmes garanties à tout le monde. En effet, il est impossible de rendre obligatoires des garanties qui auraient été souscrites a minima par certains et a maxima par d'autres.
C'est la raison pour laquelle la loi sur les catastrophes naturelles impose non seulement une cotisation mais aussi un niveau de franchise.
Ensuite, se pose la question de savoir si ces 10 % sont la bonne valeur pour les entreprises. Je pense pour ma part que le législateur, à l'époque, avait estimé qu'il était important de responsabiliser fortement les entreprises afin de les encourager à prendre des mesures de sauvegarde et à faire les quelques investissements de prévention pour les catastrophes qui peuvent les concerner.
M. Jean-Marc Lamère - J'ajouterai simplement que la franchise est évidemment très faible pour les particuliers simplement parce qu'ils prennent, en cas d'inondation, des mesures tout à fait élémentaires. Quant aux entreprises, elles disposent d'une certaine liberté pour le choix de leur implantation.
M. François Gerbaud - J'aimerais savoir, monsieur le délégué général, comment vous intégrez la responsabilité individuelle lorsque nos concitoyens apprennent que certains ont pris le risque de construire leur maison dans un site où existent des risques d'inondation.
Faut-il toujours s'en remettre à la solidarité nationale ?
Par ailleurs, si l'on en croit les experts, nous allons vers des situations climatiques extrêmes, qu'il s'agisse de sécheresse ou d'inondation, les deux étant liées par un phénomène inversé et l'appel à la solidarité nationale risque d'être encore plus important dans les années qui viennent. Quelle est votre opinion à ce sujet ?
M. Jean-Marc Lamère - Vous touchez là, monsieur le sénateur, au problème que j'évoquais tout à l'heure, à savoir celui de la prévention. Nous sommes, pour notre part, très favorables à la promotion des PPR, mais la véritable question reste celle des plans locaux d'urbanisme.
M. François Gerbaud - Nous sommes bien d'accord.
M. Guillaume Rosenwald - Il n'existe pas encore véritablement de jurisprudence du bureau central de tarification, mais ce que l'on remarque pour le moment, c'est que ses décisions portent plus sur les niveaux de franchise que sur les augmentations de prime.
M. le Président - Dans le cas particulier de la Somme qui nous intéresse ici, avez-vous connaissance de cas où l'on risquerait de remonter vers le bureau central ?
M. Guillaume Rosenwald - Aujourd'hui, dans la Somme, il n'y a aucun PPR.
M. Jean-Marc Lamère - En revanche, monsieur le Président, comme vous le savez sans doute, selon les nouvelles dispositions en vigueur depuis le début de l'année, le niveau de la franchise est très important, notamment pour les entreprises. Tout cela a d'ailleurs conduit le préfet à proposer un grand nombre de PPR. En fait, l'on pourra juger de l'efficacité du dispositif dans le temps car il ne suffit pas de mettre en place une procédure de PPR, encore faut-il que celle-ci soit suivi d'effets et se traduise en actes.
M. Hilaire Flandre - Même s'il n'y a pas de PPR, la compagnie d'assurance n'a-t-elle pas toujours la possibilité d'augmenter ses tarifs ?
M. Guillaume Rosenwald - Je note, tout d'abord, qu'il n'y a pas, pour une assurance, obligation de conclure un contrat et je pense ici à un supermarché dans la région de Redon qui a dû s'adresser au bureau central de tarification pour pouvoir être assuré. En revanche, l'assureur n'a pas la possibilité de moduler la cotisation.
M. Jean-Marc Lamère - Il faut bien voir, monsieur le sénateur, que le taux de la surprime catastrophe naturelle représente 12 %. Par conséquent, quand bien même modulerait-on, en passant par exemple de 12 à 15 %, cela ne représenterait en réalité qu'une très petite somme qui, bien sûr, serait tout à fait insuffisante pour responsabiliser les entreprises. En revanche, ce qui peut les motiver c'est effectivement la franchise.
M. Hilaire Flandre - S'agissant du bureau central de tarification qui fixe le montant des primes pour les personnes ayant essuyé un refus d'assurance, il semble qu'il n'ait pas à en supporter les conséquences.
M. Jean-Marc Lamère - Si les PPR existaient partout également pour les communes à risque, nous aurions d'autres moyens d'action, monsieur le sénateur.
M. le Président - Dans votre exposé liminaire, monsieur le délégué général, vous avez parlé de modification du climat. Dès lors, je me demande si un système de réassurance plus mondialisé - s'il n'existe pas déjà - ne pourrait pas être un élément de réponse pour ne pas augmenter exagérément les primes.
M. Jean-Marc Lamère - En fait, la plupart des pays aujourd'hui tempérés sont affectés par les évolutions climatiques telles que les exposent les scientifiques. Or, selon moi, ces estimations ne sont pas si alarmistes que cela et ne devraient pas entraîner une augmentation très importante des primes.
M. Hilaire Flandre - Je suis, pour ma part, assez sceptique quant à ces évolutions climatiques. Après tout, le déluge a existé !
M. le Président - Il y a un peu plus d'un an, la Cour des comptes publiait un rapport dans lequel elle critiquait sévèrement le régime d'assurance catastrophe naturelle. Quel est votre avis sur ce rapport ?
M. Jean-Marc Lamère - Dans le rapport dont vous parlez, monsieur le président, la Cour des comptes critiquait l'absence de prévention estimant que la loi de 1982 avait parfaitement atteint son objectif.
En effet, la France est le seul pays au monde où existe une indemnisation rapide et équitable des victimes dans des délais brefs, ce dont on ne peut que se féliciter.
En revanche, la Cour des comptes critiquait, c'est vrai, le laxisme quant aux actions de prévention prévues par le législateur en 1982. Ainsi, ce n'est pas l'indemnisation qui est critiquable, c'est l'absence de prévention.
M. le Président - Selon vous, faut-il donc rééquilibrer le système en multipliant les PPR ?
M. Jean-Marc Lamère - Oui, monsieur le Président, et j'ajouterai en faisant en sorte qu'ils soient suivis d'effets.
M. le Rapporteur - Monsieur le délégué général, concernant ce rapport de la Cour des comptes, il est bien précisé que le système semble déresponsabiliser les assurés et je dois dire qu'a priori je partage un peu ce point de vue.
M. Jean-Marc Lamère - Je ne puis que répéter ce que j'ai déjà dit, monsieur le Rapporteur, à savoir que le système repose entièrement sur la solidarité nationale. Ce sont donc les mêmes conditions qui s'appliquent à tous de telle sorte qu'en cas de catastrophe tout le monde puisse être indemnisé. Il ne s'agit donc pas d'une évolution ou d'une dérive, c'est le fond même du dispositif qui a été voulu ainsi par le législateur.
De la même façon, en ce qui concerne les assureurs, ils ne peuvent pas exercer la garantie comme ils le font dans d'autres domaines en appréciant les risques au cas par cas et en augmentant la tarification en fonction de ces risques. Ils ne le font pas parce que cela serait contraire aux principes fondamentaux de la loi.
Toutefois, cela ne me paraît pas très gênant, tant il est vrai que dans le dispositif ab initio a été prévu un système à trois étages : les assureurs, la caisse centrale de réassurance et l'État, ce dernier s'engageant à mettre en place des plans de prévention.
Je rappellerai, en outre, que le fonds national de prévention des risques, le fonds Barnier, cofinance 50 % des études préalables pour la préparation des PPR dont la mise en oeuvre revient aux pouvoirs publics dans la mesure où ceux-ci disposent des infrastructures nécessaires. Il est grand temps, à mes yeux, de développer la prévention compte tenu des prévisions des équipes scientifiques.
M. Hilaire Flandre - L'on peut se demander ce qui se passerait en cas d'inondation de la vallée de la Seine.
M. Jean-Marc Lamère - Ce scénario a bien entendu été envisagé, monsieur le sénateur, et l'ordre de grandeur du coût d'une telle inondation a été chiffré entre 50 milliards de francs et 100 milliards de francs pour un sinistre maximum possible.
M. le Président - Que faut-il penser, monsieur le délégué général : le législateur est-il allé trop loin ou bien notre système étant le meilleur du monde, il convient de le maintenir à tout prix ?
M. Jean-Marc Lamère - Il est difficile d'être juge et partie, monsieur le Président.
Il y a quelques années, d'importantes inondations ont eu lieu en Allemagne. Or l'indemnisation s'est élevée à 10 % du montant des dégâts. Franchement, je ne pense pas que nos concitoyens se satisferaient d'une couverture aussi faible.
Je le répète : ce système a été monté de façon intelligente en utilisant l'infrastructure des assureurs. En effet, s'il s'était agi d'un fonds public, par exemple, l'on voit mal comment une administration aurait pu étudier en très peu de temps les dossiers de dizaines de milliers de personnes, envoyer les experts sur place, etc.
Certes, il existe d'autres fonds possibles, mais les délais d'indemnisation se comptent en années, alors que nous, nous raisonnons sur des délais inférieurs à un an. C'est ainsi qu'en ce qui concerne le sinistre de la Somme, 75 % des dossiers sinistres ont déjà fait l'objet soit d'une indemnisation complète soit d'acomptes.
M. le Président - Dans quelle proportion les dossiers sinistres ont-ils été réglés définitivement ?
M. Jean-Marc Lamère - Ce qui se règle rapidement, monsieur le Président, ce sont bien évidemment les cas les plus simples, lorsque les dommages sont relativement légers.
En revanche, lorsque l'habitation a été sévèrement touchée en étant noyée sous un mètre d'eau, par exemple, les experts conseillent la mise en place d'un certain nombre de témoins destinés à suivre l'évolution de la construction ou du terrain dans les mois qui suivent et, notamment, au moment du retrait des eaux lors de la période de déshydratation de l'été. Or, dans ce cas, l'expertise finale ne pourra intervenir qu'ultérieurement car la réparation immédiate des dommages ne servirait à rien. Nous sommes donc obligés d'attendre. Certes, l'on peut verser des provisions ou des acomptes, mais techniquement nous ne pouvons pas le faire dans tous les cas.
M. le Président - Y a-t-il une réglementation relative à la fin des dossiers ?
M. Jean-Marc Lamère - Non, monsieur le Président, il n'existe pas de réglementation ; cela se fait de manière amiable avec l'assuré qui accepte ou refuse les propositions de l'assureur.
M. le Rapporteur - Personnellement, je connais certains cas de maisons à reconstruire et qui ne peuvent plus l'être sur place. Dès lors, se pose la question de l'indemnisation du terrain. En effet, comment indemniser un terrain qui, en l'état, vaut zéro franc ?
M. Jean-Marc Lamère - Il est vrai que le terrain n'est pas assuré par l'assurance, monsieur le Rapporteur.
M. le Rapporteur - Pour l'assuré il s'agit donc d'une perte sèche.
Je voudrais maintenant, monsieur le délégué général, vous poser une question concernant les communes dont un très grand nombre subissent parfois des dégâts identiques à ceux que connaissent les particuliers.
Ne pourrait-on pas imaginer une possibilité d'assurance pour les communes afin que, lors d'une inondation, elles puissent reconstruire leur terrain de football, leurs vestiaires et leurs routes, bref, tout ce qui est non assurable aujourd'hui ?
M. Jean-Marc Lamère . Je rappellerai, tout d'abord, que les communes peuvent assurer tout ce qui relève du domaine de l'assurable, notamment, pour reprendre votre exemple, les constructions annexes aux terrains de sport ; tout cela est assurable et les communes seront évidemment indemnisées lorsqu'elles sont assurées.
En revanche, nous ne savons pas assurer un terrain de sport ou une route, car l'on peut craindre un certain nombre de dérives qui, en fin de compte, seraient supportées par la collectivité nationale.
En effet, il est très difficile de faire la différence entre les dommages subis par une route lors d'une inondation et ce qui remonte à la période précédant cette catastrophe naturelle. Cela supposerait, à vrai dire, des frais de gestion extrêmement importants - je pense notamment aux expertises nécessaires tout au long de l'année afin de prouver que la route était en bon état au moment de l'inondation et donc que les dommages subis résultent bien de celle-ci et non pas du manque d'entretien par la commune, le département ou la région.
En réalité, c'est sur un plan purement technique que les routes, terrains de sports, etc. ne sont pas assurables.
M. le Président - A vous entendre, monsieur le délégué général, il semble qu'il n'y ait toujours pas de mécénat de l'ensemble des compagnies d'assurance de la Somme au profit des petites communes sur leurs biens non assurables.
M. Jean-Marc Lamère - Je ne vois pas pourquoi un tel mécénat existerait plus pour la Somme que pour d'autres régions, beaucoup plus touchées par des catastrophes naturelles, monsieur le Président.
M. François Gerbaud - Je souhaiterais mettre l'accent sur l'évolution des comportements individuels et pour ce faire je prendrai l'exemple de la médecine où de plus en plus, à la manière américaine, les chirurgiens devront se prémunir face à un certain nombre de comportements nouveaux de la part des patients.
Ma question est la suivante : compte tenu des évolutions climatiques, d'un côté et des changements de comportements, de l'autre, comment voyez-vous l'évolution de la protection des collectivités, des individus et du métier d'assureur en général ?
M. Jean-Marc Lamère - C'est une question très vaste, monsieur le sénateur.
S'agissant des collectivités locales, il faut noter que nous coopérons de façon très étroite, notamment avec l'Association des maires de France, et ce pour apporter des explications techniques, publier des plaquettes d'information, etc. Il semble qu'il n'y ait pas de problématique particulière dans ce domaine.
M. Rosenwald me fait justement remarquer à l'instant qu'il est étonnant de constater que l'on ne parle jamais des dommages corporels. En effet, personne ne parle des personnes emportées par une coulée de boue, par exemple, et pourtant il y a chaque année un certain nombre de victimes de telles catastrophes. C'est pourquoi nous avons pris l'initiative d'offrir une garantie « accident de la vie ».
Pour en revenir à votre question, monsieur le sénateur, en réalité, vous mettez le doigt sur une difficulté majeure qui est celle de la responsabilité civile, qu'il s'agisse de celle des communes ou de celle des particuliers, mais c'est un autre sujet.
M. le Président - Messieurs, Je vous remercie.