4. Audition de M. Pierre Pommellet, directeur général de l'Agence nationale pour l'amélioration de l'habitat accompagné de M. Bernard Thibault, directeur territorial de la France Nord et M. Jean Moussu, chef du service de l'habitat de la Somme et délégué départemental de l'ANAH auprès de la direction départementale d'équipement de la Somme (30 mai 2001)
M. Marcel Deneux, Président - Nous recevons aujourd'hui M. Pierre Pommelet, directeur général de l'Agence nationale pour l'amélioration de l'habitat accompagné de M. Bernard Thibault, directeur territorial de la France Nord et M. Jean Moussu, chef du service de l'habitat de la Somme et délégué départemental de l'ANAH auprès de la direction départementale d'équipement de la Somme.
Le Président rappelle le protocole de publicité des travaux de la commission d'enquête et fait prêter serment à MM. Pierre Pommellet, Bernard Thibault et Jean Moussu .
Nous recevons M. Pierre Pommellet en sa qualité de directeur général de l'ANAH ainsi que ses collaborateurs. Je vous propose de nous présenter vos collaborateurs.
M. Pierre Pommellet - M. Bernard Thibault est ingénieur général des Ponts et Chaussées et directeur territorial de la France Nord. La Somme dépend de sa circonscription et M. Jean Moussu est chef du service de l'habitat de la Somme ainsi que mon délégué départemental de l'ANAH à la direction départementale d'équipement de la Somme.
M. le Président - Je vous remercie. Monsieur le directeur, je vous suggère de commencer. Nous vous avons envoyé un questionnaire et vous soumettrons d'autres questions au fil de l'audition.
M. Pierre Pommellet - Je m'efforcerai de répondre brièvement aux quatre questions que vous m'avez soumises.
La première question est la suivante : « avez-vous procédé à un bilan du nombre des habitations sinistrées du fait des inondations et des affaissements de terrain dans la Somme et du degré de gravité des dégâts constatés ? ».
D'après les derniers chiffres communiqués par mon délégué départemental, 1.722 habitations auraient été inondées, ainsi que 1.800 caves environ. 752 habitations auraient été évacuées, ce qui correspond à 1.051 personnes. Enfin, vous le savez sans doute, 106 communes ont été déclarées en état de catastrophe naturelle. Concernant la gravité des dégâts constatés, nous sommes actuellement obligés de nous référer aux déclarations des assurances. Ces dernières se basent sur un échantillon de 25 % des maisons qui ont été expertisées. Il semblerait que 5 % des maisons devraient être démolies, soit une centaine d'habitations. Le coût moyen de réparation s'étalerait entre 25.000 francs et 300.000 francs, la moyenne s'élevant approximativement à 250.000 francs. Les dégâts sont donc relativement considérables. Par ailleurs, 20 % des habitations ne seraient, malheureusement, pas assurées.
M. le Président - Une telle proportion de maisons qui ne sont pas assurées est énorme, mais cela reflète l'état sociologique des populations.
M. Pierre Pommellet - Tels sont les éléments que nous pouvons vous fournir afin de répondre à votre première question.
M. le Président - Chers collègues, souhaitez-vous poser une question à Monsieur Pommelet ? Nous sommes quelque peu surpris par le chiffre de 20 %.
M. Paul Raoult - Il faudrait disposer des chiffres au niveau national.
M. le Président - Ce chiffre ne m'étonne pas outre mesure pour ce département. Les habitants de cette zone disposent d'un niveau de revenu moyen inférieur à la moyenne nationale.
M. Pierre Martin, Rapporteur - Je considère qu'il est nécessaire de moduler nos propos. Nous évoquons la sociologie mais force est de constater, dans nos villages, que les plus pauvres ne font pas pour autant preuve de moins de civisme. A l'heure actuelle, on prend l'habitude de ne plus faire face à ses responsabilités. Nous constatons cet état de fait par le biais de la taxe sur les ordures ménagères ou de l'eau. Comme le voisin ne paie pas, les personnes se demandent pour quelle raison elles s'acquitteraient de ces taxes. Je considère, mes chers collègues, qu'il serait judicieux de préconiser une proposition de loi stipulant qu'il est obligatoire de s'assurer afin de penser au voisin, pour les risques à autrui.
M. le Président - Si vous ne souhaitez pas poser de question supplémentaire, je vous propose de passer au point suivant.
M. le Rapporteur - Serait-il envisageable de disposer de la moyenne nationale ?
M. Pierre Pommellet - La moyenne nationale s'établit, d'après M. Moussu, entre 15 % et 20 %, soit un ordre de grandeur identique. Comme vous l'indiquiez, Monsieur le Sénateur, il est fort probable que la sociologie joue peu sur le civisme.
M. le Rapporteur - Lorsque vous déclarez que 20 % des maisons ne sont pas assurées, insinuez-vous que les habitations en question sont très mal assurées ?
M. Pierre Pommellet - Non. 20 % des maisons ne sont pas couvertes par une police d'assurance.
M. Jean Moussu - Ces données proviennent des assureurs qui sont représentés dans la cellule interministérielle de crise. Ces chiffres sont déduits d'un échantillon de 20 % des maisons.
M. Jean-François Picheral - Quel type d'habitat est voué à la démolition ? S'agit-il de torchis ?
M. Jean Moussu - Les maisons en torchis sont effectivement les plus vulnérables. Les maisons en brique ont, a priori, résisté aux inondations. Par ailleurs, il convient de signaler que certaines maisons connaissent des problèmes de fondations. Toutefois, les maisons vouées à la destruction sont essentiellement en torchis.
M. Ambroise Dupont - Le placoplâtre doit également être inadapté dans ce genre de situation.
M. le Rapporteur - Qui prouvera que ces maisons doivent être démolies ?
M. Jean Moussu - L'expertise des assurances déterminera ce qu'il adviendra des habitations. Lorsque la valeur d'indemnité est supérieure à la valeur de construction, une maison doit être détruite.
M. le Président - Un problème découle également de la valeur qui a été déclarée à l'assurance.
M. le Rapporteur - Mon inquiétude porte sur les habitants d'Abbeville qui ont regagné leur domicile et s'affairent d'ores et déjà à la réhabilitation de leur maison. Ces habitations n'auraient-elles pas mérité une analyse plus approfondie ?
M. Jean Moussu - Je vous répondrai par la positive.
M. le Rapporteur - Dès que la dernière goutte d'eau est partie, les habitants rentrent chez eux, ce qui est fort compréhensible. Mon inquiétude sur le sujet est grande.
M. Jean-François Picheral - Dans la mesure où les habitants souhaitent qu'une grande partie des travaux qu'il faut accomplir soit prise en charge par leurs assurances, ils attendront l'expert, qui leur soumettra ses conclusions.
M. Jean Moussu - Il existe plusieurs niveaux de risques. Le premier est d'ordre sanitaire. En effet, il convient de mesurer le risque d'entrer dans un immeuble qui a été exposé à différentes nuisances. Le deuxième niveau de risque concerne la sécurité, soit un immeuble menaçant de tomber en ruine. En l'occurrence, ce risque est relativement visible et nous déployons des équipes sur le terrain afin de rencontrer l'ensemble des personnes ayant été évacuées et qui nous signalent l'existence de ce risque. Par l'intermédiaire du maire ou du Préfet, nous établissons des déclarations de mise en péril. En outre, il existe un problème découlant de la réalisation immédiate de travaux dans la maison, qui s'avéreraient inutiles dans le temps. Toutefois, j'estime que les habitants effectuent, dans un premier temps, des travaux de nettoyage.
M. Hilaire Flandre - J'ajouterai que les habitants réalisent également des travaux d'assèchement.
M. Jean Moussu - Effectivement. Les premiers travaux effectués sont, somme toute, assez minimes.
M. le Président - L'échantillon que vous indiquez porte sur la zone inondée, soit Abbeville, une partie de l'environnement d'Amiens ainsi que la vallée de l'Avre. Porte-t-il également sur des inondations de nappes en plateau ?
M. Jean Moussu - L'échantillon se base essentiellement sur les zones inondées. En fait, il porte sur les premières maisons qui se sont retrouvées hors d'eau.
M. le Président - Dans la pondération, Amiens pèse donc plus lourd que son poids relatif dans la mesure où la zone est désormais sèche.
M. Jean Moussu - Cette hypothèse est concevable.
M. le Président - Il n'a pas, pour l'heure, été possible d'expertiser l'ensemble des habitations d'Abbeville.
M. Jean Moussu - En effet.
M. Pierre Pommellet - La deuxième question est la suivante : « Dans le passé, à l'occasion de catastrophes naturelles semblables, l'ANAH est-elle intervenue et dans quelles conditions ? ».
Je vous répondrai par la positive, ce qui est fort heureux. Vous savez que l'administration est plus rapide lorsqu'il s'agit de répéter que quand il s'agit d'innover des procédures. Des inondations catastrophiques et torrentielles ont touché l'Aude, l'Hérault, le Tarn et les Pyrénées-Orientales les 12, 13 et 14 novembre 1999. Comme il s'agissait d'un risque rapide, alors que le risque était lent dans la Somme, les inondations ont fait des victimes. Cela n'a pas été le cas, me semble-t-il, dans la Somme. Les dégâts ont été comparables puisque les inondations ont concerné 1.500 à 2.000 maisons. A cette occasion, nous avons mis en place, en collaboration avec les départements, une opération programmée d'amélioration de l'habitat, qui a connu un certain succès. Le conseil d'administration a délibéré. Les dispositions de l'opération programmée d'amélioration de l'habitat (OPAH) de l'Aude ont été, mutatis mutandis, appliquées à la Somme. C'est la raison pour laquelle, dès le 2 mai dernier, le conseil d'administration de l'ANAH, présidé par le Secrétaire d'Etat au logement, a pris les dispositions nécessaires permettant de mettre au point l'OPAH, qui passera le 11 juin prochain en délibération au Conseil général de la Somme. A cette date, l'OPAH sera opérationnelle.
M. le Président - Dès le mois de juin, nous disposerons des instruments afin d'intervenir.
M. Pierre Pommellet - Effectivement. L'avantage des OPAH réside dans la rapidité de mise en oeuvre, comparativement à d'autres procédures. Cette OPAH se déroulera sur une période de 18 mois et s'achèvera fin 2002. Elle nous permettra de traiter les habitations, qu'elles appartiennent à des propriétaires bailleurs ou à des propriétaires occupants.
Je souhaiterais vous délivrer une copie de la convention d'OPAH qui fera l'objet d'une délibération du conseil d'administration le 11 juin. Il s'agit d'une OPAH départementale, basée sur une maîtrise d'ouvrage départementale, comportant non seulement des primes d'Etat mais également des primes complémentaires de l'ANAH.
M. le Président - Considérez-vous, Monsieur Courteau, que ce système mérite certaines améliorations ?
M. Roland Courteau - Le recul par rapport aux inondations de l'Aude n'est pas suffisant pour que je puisse vous indiquer les améliorations qui seraient nécessaires. Je suggèrerais de déplafonner les plafonds. Dans certains cas, la somme allouée me semble quelque peu limitée.
Je tiens à déclarer que j'ai été agréablement surpris par la mise en place de cette opération, pour l'aide aux sinistrés. Vous avez évoqué les subventions d'Etat pour les propriétaires occupants ou les subventions de l'ANAH afin de vivre dans un autre lieu. Je souhaiterais préciser que ces subventions sont élaborées sur la base non couverte par les assurances.
Au-delà de cette mise en place, j'ai noté deux éléments supplémentaires intéressants. D'une part, grâce à l'OPAH, nous avons pu disposer d'opérateurs qui aident les particuliers à constituer les dossiers dans la mesure où les sinistrés ont de nombreux soucis et ne sont pas concentrés. L'aide d'opérateurs est, à cet égard, tout à fait bénéfique. D'autre part, je considère que le fait que les conditions d'octroi des subventions soient soumises à la mise en sécurité des maisons est, de mon point de vue, très positif et essentiel. Dans bien des cas, les personnes ont tendance à refaire à l'identique. En outre, les assurances sont favorables à cette pratique. Il est parfois envisageable de réaliser des aménagements d'une autre nature qui permettraient, en cas de catastrophe, de limiter les dangers. Il n'en demeure pas moins que les habitants hésitent à le faire. Par conséquent, le fait de contraindre les sinistrés à effectuer des mises en sécurité de leur habitation est un élément positif.
M. Pierre Pommellet - Monsieur le Sénateur, je confirme entièrement vos propos. Considérant la somme de 100.000 francs allouée aux propriétaires occupants, je conçois que ce montant soit faible mais il ne faut pas oublier qu'il faut déduire les sommes versées par les assurances. Ainsi, si les dégâts s'élèvent à 200 000 francs, l'assurance prend une partie à sa charge. La somme restante est généralement inférieure à 100.000 francs. Afin de vous donner une idée des dépenses engagées au cours de la catastrophe de 1999, je tiens à signaler que nous avons versé 160 subventions ANAH pour un montant total de 12,435 millions de francs ainsi que 1.000 primes pour les propriétaires occupants pour une valeur de 18,5 millions. Au total, l'ANAH a distribué près de 30 millions de francs. Les inondations de la Somme coûteront une somme identique à l'Agence. L'unité de compte est de 30 millions de francs pour des inondations, qu'elles soient catastrophiques ou lentes. Ceci peut paraître assez surprenant.
M. Hilaire Flandre - L'ANAH ne vient pas compenser l'ensemble du dispositif mais concerne uniquement l'amélioration de l'habitat. Par conséquent, le fait que les montants soient identiques me semble logique.
M. Pierre Pommellet - Concernant les Commissions d'amélioration de l'habitat, les Commissions délivrant les aides vont étudier les dossiers, notamment par l'intermédiaire d'un opérateur. Un dossier devra être fourni afin de confirmer que les équipements sont en sécurité en cas d'inondation comparable à celle qui s'est produite en 2001. La reconstruction à l'identique en espérant qu'une crue séculaire ne se reproduira pas n'est pas une solution judicieuse.
M. Paul Raoult - Pour quelle raison le Conseil général doit-il signer cet accord ? Le Conseil général va-t-il participer aux frais de l'OPAH ? Je connais quelque peu le système des OPAH, qui, soit dit entre nous, est traditionnellement très long. Vous nous avez indiqué que les procédures seraient très rapides pour la Somme, et j'en prends acte.
M. Pierre Pommellet - Votre interrogation correspond à la troisième question qui m'a été posée.
M. le Rapporteur - Au préalable, je vous demande de me confirmer si les propos de Monsieur le Ministre de l'Equipement et de Madame Lienemann sont exacts. Ils ont précisé que l'OPAH serait pris en charge par l'Etat à hauteur de 90 %.
M. Pierre Pommellet - C'est exact.
M. le Rapporteur - Ils ont en outre déclaré que l'OPAH ne serait pas seulement relative aux communes concernées par les inondations mais également aux communes se trouvant à la proximité immédiate dans la mesure où il est possible qu'il soit nécessaire de reloger des personnes dans ces communes.
M. Pierre Pommellet - Je confirme ces propos en vous indiquant que les communes à proximité concernent l'ensemble du département.
M. Ambroise Dupont - Les OPAH sont portées par les syndicats de communes qui s'engagent dans cette opération. Qui portera cette opération ? Un syndicat de communes sera-t-il mis en place ? En outre, les 90 % correspondent-ils aux frais de fonctionnement ?
M. Pierre Pommellet - La création d'un syndicat de communes requiert du temps, mais le temps presse.
Des dizaines et non des centaines de propriétaires bailleurs souhaitent reloger les sinistrés. Par conséquent, la maîtrise d'ouvrage est devenue départementale. Le Conseil général de la Somme a décidé de prendre la maîtrise d'ouvrage de l'OPAH.
Les OPAH étaient, par le passé, des procédures longues, mais tel n'est plus le cas. Des études préalables déterminent le périmètre d'intervention et l'étude opérationnelle. Généralement, la demande d'OPAH est établie lorsque l'étude préalable a été finalisée. Il convient de signaler qu'une OPAH se monte plus rapidement qu'une ZAC dans la mesure où les enquêtes d'utilité publique ne sont pas nécessaires. Il est possible de monter une OPAH en six ou neuf mois. Dans le cas qui nous intéresse, l'OPAH sera mise en place en moins de deux mois car il n'est pas nécessaire de réaliser des études préalables. En effet, le périmètre correspond à l'arrêté de catastrophe naturelle. En outre, le Conseil général a accepté d'endosser le rôle de maître d'ouvrage.
Pour répondre à votre question, Monsieur le Sénateur, je vous indiquerai que l'Etat prendra en charge 90 % de l'investissement, soit les primes et les subventions puisque les subventions de l'ANAH vont varier entre 35 % et 70 % en fonction du degré de social qu'acceptera le bailleur pour la location du logement. En effet, si le bailleur paie un loyer libre, il bénéficiera de 10 % de subvention d'ordinaire, soit 35 %. S'il accepte d'effectuer un bail conventionné, qui correspond à un logement social privé, il recevra une subvention de 45 %, à laquelle le département rajoutera 10 %, ce qui lui permettra de bénéficier d'une subvention de 55 %. Enfin, si le bailleur accepte de louer son logement aux plus défavorisés, la subvention s'élèvera à 70 %.
En ce qui concerne les occupants, la subvention variera de 25 % à 50 %. Lorsque le niveau de ressource des propriétaires sera inférieur à 80 % du niveau retenu, une subvention de 50 % sera attribuée.
Tel est le dispositif qui se dessine.
Le département va également payer une partie de l'opération. Il est important, et il me semble que vous l'avez indiqué précédemment, de disposer d'un animateur qui soit en charge de la médiation avec les propriétaires en les aidant à constituer le dossier et en les suivant jusqu'à l'engagement de paiement. Cet opérateur a d'ores et déjà été choisi. Le montant de cette animation est élevé et s'établit à 2,057 millions de francs. 90 % de cette somme est assurée par l'Etat. En définitive, de manière générale, le département paiera 10 % des dépenses de subventions, d'intervention et d'animation.
M. Roland Courteau - Afin de rassurer mon collègue, je puis attester de la rapidité de mise en place de l'OPAH, qui a été qualifiée d'OPAH sinistrée et a été accordée, me semble-t-il, à titre dérogatoire. En outre, je puis vous déclarer que, dans l'Aude, nous avons fait face dans des délais record aux obligations s'offrant à nous. L'ensemble des acteurs est satisfait de cette opération, y compris le département, qui a participé très modestement.
M. Pierre Pommellet - Vous me demandiez pour quelle raison nous mettions en oeuvre une OPAH. Je vous répondrais que l'OPAH est la procédure la mieux adaptée à ce type de situation, en particulier lorsqu'elle permet une rapidité d'exécution. En outre, l'ANAH présente l'avantage de réunir très rapidement le conseil d'administration afin de prendre les décisions urgentes. Un certain nombre de dérogations ont été prises afin de favoriser les sinistrés de la Somme.
M. Ambroise Dupont - Je souhaiterais vous poser une question fort brève. Le pacte ARIM est-il l'unique maître d'oeuvre ? Existe-t-il d'autres comités de l'habitat rural ?
M. Pierre Pommellet - Cela n'existe plus aujourd'hui. Il me semble qu'une maîtrise d'oeuvre urbaine et sociale sera mise en place.
M. Jean Moussu - Les maîtrises d'oeuvre urbaine et sociale sont d'ores et déjà en place. Un des premiers problèmes consistait à identifier la nature des besoins et d'être à l'écoute des populations qui ont été traumatisées. Trois associations sont mandatées : l'ANI, l'AGENA et la CASA. De plus, dix agents de terrains rencontrent les familles et font partie intégrante d'un réseau d'équipes mobiles pluridisciplinaires, comprenant des agents du Trésor, de la DDASS et de diverses administrations. Leur mission consiste à apporter des informations et à détecter les problèmes rencontrés par les populations. Ces équipes sont opérationnelles depuis près d'un mois.
M. le Rapporteur - Il me semble que nous retrouverons des fonds du fonds de solidarité pour le logement (FSL) qui n'étaient pas intégralement consommés par les départements.
M. Jean Moussu - Effectivement. Une cagnotte existait. Dès la mi-avril, une réunion spécifique du comité directeur du FSL a décidé de consacrer une enveloppe de 20 millions de manière à subvenir aux problèmes de précarité qui pourraient être rencontrés par les familles sinistrées. A l'heure actuelle, ce fonds n'a pas été grandement sollicité.
M. Paul Raoult - Une partie de l'argent n'était pas dépensée...
M. le Rapporteur - En définitive, vos enquêtes ne sont pas suffisamment avancées pour que vous puissiez vous prononcer sur les besoins en logement. Je suppose que les offices d'HLM vont être des partenaires de ces opérations. Si des opérations doivent être menées dans ces régions ou dans leur proximité, j'estime que cette manne supplémentaire permettra de combler les 50.000 francs ou 70.000 francs qui manquent pour que des logements se construisent aujourd'hui.
M. Jean Moussu - Il est vrai que nous avons rencontré un peu plus de 200 familles, ce qui est un faible échantillon par rapport au nombre de personnes touchées par les inondations. Il nous faut non seulement rencontrer les sinistrés mais également exploiter les données. Par conséquent, nous sommes, à l'heure actuelle, dans le flou.
En ce qui concerne l'ensemble des registres mobilisés, les bailleurs sociaux ont été sollicités d'une part pour accélérer le processus d'opération qui était déjà programmé ou prévu à court terme, sachant que deux ans sont nécessaires pour une opération HLM. Nous avons demandé que le processus soit plus rapide. D'autre part, nous avons fait appel aux bailleurs sociaux afin de rechercher des terrains dans l'éventualité de constituer de nouvelles opérations dans les plus brefs délais.
M. le Rapporteur - Le problème se pose dans une commune comme Fontaine-sur-Somme, dans laquelle nous nous apercevons que peu de terrains peuvent être mis à la disposition de la commune afin de réaliser des constructions. La zone est accidentée et il est évident qu'il ne sera plus possible d'accorder des permis pour l'ensemble des terrains.
M. Hilaire Flandre - Pour ce qui concerne les infrastructures, a-t-il été possible de réaliser une évaluation approximative des dégâts ?
M. Pierre Pommellet - Que pensent vos collègues de la DDE ? Ont-ils d'ores et déjà procédé à des estimations ?
M. Jean Moussu - Nous avons commencé à établir des estimations. Toutefois, l'ensemble des infrastructures n'a pas été découvert. Par conséquent, les investigations sont à un stade comparable à celui des habitations. Les enjeux sont relativement imprécis. Quelques chiffres ont été annoncés mais se basent sur des ratios. Il faut manifestement que nous poursuivions nos investigations.
M. Hilaire Flandre - Dans notre département, à l'issue des inondations, nous avons dû examiner l'ensemble des ponts. Ainsi, l'intégralité des ponts construits en 1920 ont dû être reconstruits.
M. Jean Moussu - Des ouvrages ont subi des dommages. En outre, il sera nécessaire de construire des ouvrages dans la mesure où ils créent des obstacles dans l'écoulement de l'eau. Dès lors, le problème n'est pas seulement lié aux dommages mais également à l'écoulement de l'eau.
M. le Rapporteur - La première estimation fait état de 350.000 francs. Toutefois, cette estimation est approximative dans la mesure où il me semble que nous n'avons pas suffisamment pris en compte les routes touchées par les inondations. Les dégâts seront très importants, non pas sur la vallée de la Somme mais dans d'autres zones. Il est nécessaire d'attendre que le phénomène se termine afin de constater les dégâts sur les routes communales, qui seront très certainement importants. Des problèmes se posent partout et il faut, comme vous l'avez indiqué, disposer de temps afin de procéder à des estimations. Le Génie militaire fera des estimations par le biais de plongeurs afin de contrôler l'état des ponts.
M. Marcel Deneux - Je vous propose de répondre à la troisième question.
M. Pierre Pommellet - La troisième question est la suivante : « Avez-vous fait un premier chiffrage de l'engagement financier correspondant ? ».
Nous avons effectivement réalisé un premier chiffrage, mais nous ne disposons pas encore des dossiers. Nous considérons que la majorité des primes sera attribuée aux occupants dans la mesure où les propriétaires occupants sont bien plus nombreux que les propriétaires bailleurs, comme tel était le cas dans l'Aude. Nous estimons que nous traiterons environ 200 dossiers ANAH, soit des subventions concernant une centaine de loyers libres, et une centaine de loyers conventionnés ou très sociaux. Notre coût est actuellement évalué à 10 millions de francs pour les propriétaires bailleurs. En ce qui concerne les propriétaires occupants, nous pensons distribuer 1.200 primes OPAH pour un montant de 14 millions de francs. Par conséquent, le coût total s'établirait à 24 millions de francs. Nous considérons que le coût sera compris entre 24 millions et 30 millions de francs.
M. le Rapporteur - Vous êtes confrontés, selon toute vraisemblance, à l'incapacité d'harmoniser l'opération, étant entendu que vous pouvez d'ores et déjà commencer la réhabilitation de certaines zones mais qu'il est nécessaire d'attendre pour d'autres.
M. Pierre Pommellet - A cet égard, nous avons profité d'une dérogation. Afin de percevoir des subventions, le système français requiert de ne pas commencer les travaux. Si nous avions appliqué cette règle, les personnes ayant commencé à travailler et à effectuer de l'auto-réhabilitation n'auraient pas pu bénéficier de l'OPAH ni de l'ANAH. Par conséquent, nous avons admis, et le décret de la loi le permet, que le dossier soit recevable même si les travaux ont été mis en oeuvre.
M. le Président - Il s'agit d'une dérogation adéquate.
M. Hilaire Flandre - Ce type de dérogation est essentiel dans des cas de ce type.
M. le Rapporteur - Je considère que votre présence est une assurance pour les personnes qui réaliseront les travaux car vous ne laisserez pas effectuer des travaux qui s'avéreraient risqués.
M. Pierre Pommellet - Vous évoquez la quatrième question.
M. le Président - En guise de transition, quel comportement allez-vous adopter pour les risques futurs ?
M. Jean Moussu - Lors des débats de la présentation de l'OPAH au Conseil général, ce sujet a été l'objet de discussions assez vives. Ne risque-t-on pas de subventionner des travaux sur des immeubles que nous serions obligés, à court terme ou à moyen terme, de remettre en cause si d'autres dommages se produisaient ?
La réflexion est assez complexe. L'idéal serait de disposer du plan de prévention des risques et inondations, qui pourrait nous renseigner sur les zones de classement et du devenir des espaces. Toutefois, ce document n'existe pas. Son élaboration se heurte à un délai correspondant à la connaissance du report des zones inondées et des hauteurs de crue. Les réflexions que nous avons menées nous ont permis de déceler qu'il suffit d'appliquer la circulaire du 24 avril 1996. Cette circulaire émane du Ministère de l'Equipement, des Transports et du Tourisme ainsi que du Ministère de l'Environnement. Le principe consiste à affirmer qu'un immeuble situé en zone inondable a droit à une pérennité. Nous ne saurions exclure les travaux d'entretien qui permettent de préserver les immeubles. En revanche, il est fortement recommandé que les travaux visent à limiter les risques pour les personnes et pour les biens. Il serait souhaitable que nous conditionnions les aides de l'ANAH afin que les travaux effectués utilisent des matériaux insensibles à l'eau et évitent de disposer d'équipements comme les chaudières ou les compteurs électriques dans les zones susceptibles d'être mouillées. Nous formulerons ces recommandations auprès de notre prestataire. Il faut noter que ces précautions sont généralement avancées par les assurances. Pour l'heure, telle est la trame de travail sur laquelle nous nous basons, sachant que ce critère est la garantie de l'habitabilité de l'immeuble.
M. le Président - Quels sont les critères sur lesquels il est opportun de se baser ?
M. Jean Moussu - Nous demandons à notre prestataire de services de nous fournir les cotes d'eau atteintes dans l'immeuble afin de disposer d'une information sur la maison et sur les précautions qui ont été prises par les personnes.
M. le Président - Une maison entrant dans votre procédure a fatalement été inondée. De quelles garanties disposons-nous pour affirmer que sa durée de vie ne sera pas écourtée ?
M. Jean Moussu - La maison en question est effectivement susceptible d'être de nouveau inondée. L'application de la circulaire que j'évoquais à l'instant n'exclut pas que nous effectuions des travaux sur un immeuble qui a été inondé et qui est susceptible d'être à nouveau inondé. Cette réflexion est appliquée au niveau national.
M. Michel Souplet - A Fontaine, nous avons visité des habitations qui ont, selon le maire, été inondées à trois ou quatre reprises durant quelques jours.
M. Hilaire Flandre - Il s'agit de mettre du carrelage sur le bas des murs et disposer les prises de courant à un mètre du sol.
M. le Rapporteur - Il convient de soumettre les maisons concernées à certaines contraintes. Les habitations ont 25 ou 30 ans. Nous nous sommes rendu compte qu'un certain nombre de ces maisons ont été construites par des personnes dont les moyens permettaient de réaliser le minimum. A l'opposé, d'autres habitants ont les moyens d'apporter des aménagements supplémentaires. Par conséquent, certaines maisons ont fait l'objet d'un vide sanitaire et pourront, à mon sens être sauvées dans la mesure où les matériaux de constructions adéquats ont été utilisés et que les dimensions permettent d'éviter les inondations. En revanche, de nombreux problèmes se posent pour les maisons de plain-pied. Quelle solution pourrait-on apporter ? L'objectif n'est pas de désertifier la vallée de la Somme. Il est nécessaire que les maisons existent dans cette vallée. Toutefois, il convient de prévoir des recommandations pour les habitants qui souhaitent rester. Il est possible qu'il y ait un coût supplémentaire qui découle des contraintes.
M. Jean Moussu - Les subventions de l'ANAH sont intéressantes parce qu'elles portent sur des travaux qui ne sont pas couverts par les assurances. Par conséquent, elles concernent les travaux d'amélioration de cette nature, qui permettent une évolution de l'immeuble par rapport à une simple reconstitution à l'identique indemnisée par les assurances. L'intérêt de l'OPAH et des aides de l'ANAH est évident.
M. Roland Courteau - Je tenais à signaler que les maisons situées dans le département de l'Aude ont reçu 2 à 2,50 mètres d'eau. Dans le cadre des travaux entrepris et subventionnés, je vous ai précédemment indiqué que les mises en sécurité faisaient l'objet de dispositions obligatoires. Dans les zones ayant subi des inondations de 2 à 2,50 mètres d'eau en toute sécurité, les propriétaires avaient l'obligation d'aménager à une hauteur suffisante un espace qui leur permettrait de se réfugier si demain l'événement se reproduisait. L'aménagement d'un escalier, mais pas d'une échelle qui sera un jour ou l'autre ôtée, soit une installation fixe, permettra de trouver refuge en cas d'inondation. Il faut noter que des hommes et des femmes sont restés des nuits entières immergés dans l'eau jusqu'au cou. Certains sont morts, d'autres ont survécu. Pour ces catégories de maisons, l'obligation est faite, si les habitants souhaitent bénéficier des subventions, d'aménager un espace à l'étage.
M. le Rapporteur - J'estime que les propos de mon collègue sont importants et je tiens, d'une façon annexe, à souligner un point. Deux mois et demi se sont écoulés depuis le départ des habitants. Au bout de trois semaines, certains déclaraient qu'ils ne rentreraient jamais dans leur maison. Je suis surpris de voir qu'au faubourg des Planches d'Abbeville les gens se réinstallent après avoir annoncé qu'ils ne reviendraient plus. Il existe un lien psychologique entre la maison et l'occupant. Il convient de tenir compte de cet élément afin d'élaborer des solutions. Si nous détruisons encore un élément psychologique, il faut considérer que certaines personnes sont au bord de la déprime. Certes, le coût sera plus élevé, mais il est important d'imaginer de sauver les habitations lorsque cela est possible. Nous ne sauvons pas uniquement la maison mais également les familles et probablement des vies.
M. Paul Raoult - J'ai constaté que des constructions avaient été réalisées dans la vallée qui a inondé Vaison-la-romaine. La ville aurait cessé d'exister si l'on avait interdit la construction dans tous les espaces qui avaient été touchés par les crues.
M. le Rapporteur - Cela étant, au niveau de la DDE, j'espère que l'on mettra en application les réglementations relatives aux habitats de loisir qui ont été installés sans aucune autorisation. Monsieur le Sous-Préfet déclare depuis quinze ans que ces maisons seront déménagées. Cependant, ces habitats perdurent. M. Jean-Claude Gayssot a indiqué que les mobile homes étaient des solutions provisoires durables. Je souscris à cette analyse à la seule condition qu'ils ne soient pas aussi durables que les baraquements de l'après-guerre qui sont encore habités à Abbeville. Je considère que si la motivation est importante pour reconstruire, cela constituerait une solution aux mobile homes. Je crains que de nombreux locataires estiment que les mobile homes sont confortables, étant entendu qu'ils sont passés d'un logement peu confortable dans lesquels ils payaient un loyer et qu'ils jouissent aujourd'hui d'une habitation gentillette sans pour autant s'acquitter d'un loyer.
M. le Président - S'il n'y a pas d'autre question, je vous suggère de clore cette audition. Monsieur Pommellet, je vous remercie.
M. Pierre Pommellet - Je tenais à vous remettre la convention.
M. le Président - Je souhaite vous demander, le cas échéant, que nous puissions reprendre contact avec vous avant la rédaction définitive du rapport.