19. Audition de M. Régis Thépot, directeur de l'Établissement public d'aménagement de la Loire et de ses affluents (EPALA) et Secrétaire général de l'association des Établissements publics territoriaux de bassin (EPTB) (13 juin 2001)
M. Marcel Deneux, Président - Nous recevons aujourd'hui M. Régis Thépot, directeur de l'EPALA et secrétaire général de l'association des EPTB.
Le Président rappelle le protocole de publicité des travaux de la commission d'enquête et fait prêter serment à M. Régis Thépot.
M. le Président - Je vous laisse évoquer l'expérience que vous avez des questions qui nous préoccupent.
M. Régis Thépot - C'est un honneur pour moi d'être auditionné par votre commission. Je tiens à rappeler que l'EPALA et l'Association française des établissements territoriaux de bassin sont présidés par M. Eric Doligé, qui est Président du Conseil général du Loiret. Je suis prêt à répondre à toutes vos questions. Toutefois, je crains que vous ne soyez quelque peu déçus. En effet, je n'ai pas d'expérience particulière s'agissant des inondations de la Somme. Toutefois, je peux éventuellement faire des commentaires très généraux sur ce thème. J'ai prévu d'articuler mon exposé autour de la présentation de l'EPALA et de l'Association française des EPTB. J'évoquerai aussi la méthode que nous avons adoptée pour la protection contre les inondations sur le bassin de la Loire, notamment en évoquant les exemples du réseau Cristal et du projet Osiris. Je dirai ensuite quelques mots sur la Somme, en répondant si vous le souhaitez à vos questions concernant l'influence des pratiques forestières et agricoles sur l'ampleur des inondations. Enfin, je vous ferai part de mon point de vue de représentant de l'Association française des EPTB, qui a adopté des recommandations à l'unanimité. Je précise que vous pouvez obtenir de plus amples informations concernant l'EPALA sur son site Internet, dont l'adresse figure dans les dossiers que je vous ai distribués.
L'EPALA est une institution au statut juridique de syndicat mixte, le plus grand de France puisqu'il regroupe 6 régions, 7 départements, 19 villes et 10 syndicats départementaux. Comme son nom l'indique, son objectif est d'avoir une action sur l'aménagement de la Loire et de ses affluents. Cet établissement a été créé à l'initiative de Jean Royer, à l'époque député-maire de Tours, dans le mouvement général de la décentralisation, à la fin 1983, après la publication d'un rapport qui fait toujours référence aujourd'hui, rédigé par Jean Chapon, ingénieur général des Ponts et Chaussées. L'EPALA a pris la suite de l'Institution interdépartementale pour la protection du Val de Loire contre les inondations. Pour l'EPALA, l'amélioration de la protection contre les inondations est donc une priorité.
Pour sa part, l'Association française des établissements publics territoriaux de bassin est une association de type loi 1901, créée en janvier 1999. Elle comprend une vingtaine de structures du même genre que l'EPALA (EPIDOR pour la Dordogne, le Léman, l'Institution départementale de la Haute-Saône, le SMEAG pour la Garonne...).
M. Hilaire Flandre - On peut citer aussi l'EPAMA.
M. Régis Thépot - En effet. L'EPAMA est d'ailleurs calqué sur le modèle de l'EPALA en termes de statuts. L'association regroupe d'abord des élus (2 par établissement public). Pour ma part, je suis fonctionnaire et l'association peut être comparée à l'association des élus de montagne. En fait, la notion EPTB n'est pas inscrite dans la loi mais elle apparaît dans le prochain projet de loi sur l'eau. En effet, l'objectif de ces établissements publics est d'obtenir une reconnaissance institutionnelle dans le domaine de la gestion de l'eau. A l'heure actuelle, les EPTB prennent la forme de syndicats mixtes ou d'institutions interdépartementales.
Nous vivons une phase d'intégration croissante. Après avoir organisé des échanges avec des techniciens, nous avons constaté que les élus souhaitaient aussi échanger, ce qui nous a conduits à mettre ces clubs en place, regroupant des institutions de trois origines différentes. Les premières sont celles du type de l'EPALA ; les deuxièmes sont plus environnementales ; les troisièmes ont une vocation de développement. Aujourd'hui, nous constatons une phase de convergence très forte entre toutes ces structures puisque près de vingt membres deviennent peu à peu des acteurs à la fois de l'aménagement, de l'environnement et du développement. Ainsi, depuis l'année dernière, une commission de l'EPALA s'intéresse à la culture et au tourisme, ce qui constitue une évolution très importante par rapport à la mission d'origine. Ces institutions se veulent des acteurs de la gestion de l'eau mais aussi de l'aménagement du territoire, alors que d'autres sont encore trop orientées uniquement sur le premier domaine. Nous sommes pourtant des émanations de collectivités territoriales, dont les membres sont des régions, des départements ou des communes.
Certains pourraient penser que notre action est efficace puisqu'il n'y a pas d'inondations autour de la Loire. Je dois donc rappeler que cela s'explique d'abord par le fait que nous avons eu de la chance.
Pour autant, les pluies sont largement tombées dans notre région et les sols étaient saturés il y a un mois, ce qui nous a inquiétés, d'autant plus que le risque naturel sur le bassin de la Loire est l'un des trois premiers en France qui soit identifié par les assureurs, après l'inondation de la région parisienne, même s'il est occulté par les habitants de cette belle cité et le tremblement de terre dans la région niçoise. Une inondation provoquée par la Loire pourrait provoquer une catastrophe entraînant 40 milliards de francs de dégâts, pour 13.000 entreprises et 300.000 habitants sinistrés.
M. Hilaire Flandre - La hiérarchie des assureurs est donc celle du coût des dégâts.
M. Régis Thépot - D'autres risques particuliers existent sur l'amont, notamment en Ardèche, où les crues sont extrêmement rapides et torrentielles. La prévention des inondations est donc une priorité de l'Etat et des collectivités, qui était comprise dans le plan Nature, initiative commune de l'Etat et des collectivités locales faisant suite à une décision du Gouvernement Balladur, dont la charte d'exécution a été signée en juillet 1994. Cette initiative a été reprise dans le programme interrégional, suite à une décision du gouvernement Jospin en juillet 1999, qui a fait l'objet d'une convention cadre d'exécution signée récemment entre l'Etat et l'EPALA.
Dans ce cadre général, l'EPALA joue notamment le rôle d'exploitant de barrages. Nous gérons également en commun le réseau Cristal. Nous menons des démarches pour l'amélioration de l'information des services gestionnaires, des élus et des riverains, dans le cadre du projet Osiris. De plus, sur le bassin de la Loire, nous avons la chance de disposer d'une équipe pluridisciplinaire, composée de sept agents de haut niveau, qui sont basés administrativement au sein de l'Agence de l'eau. Le 3 mai dernier, le Président de la République est d'ailleurs venu à Orléans pour assister à la réunion du Comité de pilotage de l'équipe. Cette dernière, cofinancée par l'Etat, l'EPALA et l'Agence de l'eau, a été mise en place dans le cadre du plan Loire, à partir de 1995. Elle a été reconnue grâce à la qualité de ses agents mais aussi parce qu'elle était partenariale. Si cela n'avait pas été le cas, elle aurait sans doute été moins bien acceptée. Aujourd'hui, le travail technique est reconnu par l'ensemble des intervenants sur le bassin de la Loire, ce qui est absolument nécessaire, mais pas suffisant, pour construire des politiques de prévention dignes de ce nom. De plus, on ne peut pas prétendre s'intéresser à la prévention des inondations si l'on ne dispose pas d'équipes pluridisciplinaires.
Par ailleurs, nous avons fait prendre un virage très important, au niveau du bassin de la Loire, sur la façon de traiter la question de la prévention des inondations. Il y a quelques années, pour assurer la protection contre les inondations, nous pensions qu'il fallait construire un ouvrage. Depuis, nous avons suivi une autre optique, de réduction des inondations. Cela passe par la mise en place d'une démarche hydraulique, de tentatives de guidage de l'eau dans des zones où elle n'est pas gênante, mais aussi par l'étude de l'interaction entre l'eau et les territoires, les biens et les personnes.
Nous avons donc lancé des stratégies innovantes de réduction de la vulnérabilité des biens et d'évaluation des dommages. Un travail de fourmi a été effectué pour convaincre les acteurs de terrain de participer à la réduction du risque. En effet, la catastrophe peut toujours se produire : si le niveau de la Loire était supérieur à celui de la crue deux-centennale, nous savons que le système exploserait. Nous devons donc plutôt mettre en place les dispositions permettant de réduire ce risque à la probabilité très faible. En fait, c'est le croisement du faible risque et du coût élevé qui justifie parfaitement l'irruption du politique dans la décision. En effet, l'évaluation des actions à mener ne peut résulter d'un choix technique mais politique, les techniciens devant simplement fournir des éléments facilitant la prise de décision.
Sur l'ensemble du bassin, nous lançons des démarches, notamment en Sarthe et en Mayenne pour le bassin de la Maine. Nous avons mené une étude globale de gestion des crises hydrologiques (crues et étiages), sur la base des démarches de type 3P (prévision, prévention, protection). Enfin, nous suivons une démarche équivalente sur le haut bassin de la Loire.
Pour sa part, le réseau Cristal, mis en place au début des années 1980, est géré en commun par l'Etat et l'EPALA, avec l'appui financier de l'Agence de l'eau. Dès le départ, ses concepteurs ont estimé qu'il était préférable de fusionner les deux réseaux qui existaient alors. Le réseau Cristal permet de fournir aux services d'annonce des crues des informations fiables en temps réel. Il permet aussi de piloter la gestion des retenues d'eau. Les sommes en jeu sont tout à fait considérables : dans le cadre du plan Loire, nous avons engagé l'opération Cristal 2, qui sera d'ailleurs inauguré la semaine prochaine, et dont le montant est de 36,6 millions de francs.
Par ailleurs, nous sommes les pilotes du projet européen Osiris, qui réunit une douzaine de partenaires en France, en Allemagne, en Pologne et en Italie. Ce projet résulte d'un appel à projet lancé par la Commission européenne et vise à améliorer l'information des citoyens, notamment en utilisant les nouvelles techniques de communication. Sur la base d'un retour d'expérience au niveau de la Loire moyenne et des crues de l'Oder, nous essayons d'améliorer l'information des élus, des citoyens et des services gestionnaires. Lancé au début de l'année 2000, le projet prendra fin en 2002. Toujours dans ce cadre, deux cent entretiens ont été menés pour voir comment les agriculteurs percevaient l'annonce des crues, la gestion des inondations...
Actuellement, nous développons des projets pour mettre à disposition des services gestionnaires, des élus et des citoyens de l'information sous forme conviviale. En effet, en France, nous disposons de systèmes de transmission de l'information qui sont aujourd'hui dépassés et qui sont très éloignés des attentes des citoyens. Nous développons donc des projets, en concertation avec les services de l'Etat, d'abord en Loire moyenne, puis sur l'ensemble du bassin. Cela pourrait permettre de servir de norme au niveau européen.
Pour la Somme, je peux simplement dire que j'ai été très surpris par le type d'inondation rencontré. En effet, j'ignorais que les inondations de nappe pouvaient exister. Dans le bassin de la Loire, les inondations sont torrentielles ou surviennent par ruissellement. Il semble évident que la cause principale est la densité phénoménale des pluies qui sont survenues. Toutefois, il existe tout une chaîne de responsabilités sur laquelle mes compétences ne me permettent pas d'apporter un éclairage.
La semaine dernière, au Mans, j'assistais à des assises régionales sur la prévention des inondations, organisées par la région des Pays de la Loire. Autour du Mans, il se produit des inondations régulières, ce qui entraîne une incompréhension très forte des populations. A cette occasion, j'ai découvert une polémique scientifique sur l'impact des pratiques agricoles (déforestation, remembrement...). J'ai pu lire un extrait d'un rapport du CEMAGREF qui fait le point sur le sujet. Or il semble très hésitant sur l'influence de la façon de cultiver la terre sur les crues. Pour sa part, le maire du Mans m'a dit qu'il ne s'agissait que de propos de techniciens et que tout le monde savait que les crues survenaient plus fréquemment que par le passé. Pour ma part, je considère que ces faits ne sont pas avérés.
Dans tous les cas, il ne faut pas privilégier les approches scientifiques au mépris des sciences humaines et sociales. Il est vrai que les personnes qui s'occupent des inondations sont des techniciens et non des sociologues ou des historiens. Or la perception des inondations peut tout à fait évoluer au fil du temps. Un même niveau de crue ne sera donc pas ressenti de la même manière par les populations touchées. Concernant la responsabilité du remembrement, je n'ai pas de réponse précise. Les choses ne sont pas aussi simples que l'on pourrait le penser.
En conclusion, les préconisations qui pourraient être formulées à la suite des inondations peuvent être regroupées en trois catégories : il faut intervenir à l'échelle du bassin de risque, c'est-à-dire les bassins hydrographiques (Somme, Allier, Maine...) et non des six grands bassins français ; il faut clarifier les compétences de l'Etat et des collectivités territoriales, et identifier les personnes chargées de mettre en application la politique de prévention globale ; ces politiques de prévention n'ont de sens que si elles sont partenariales. A ma connaissance, il n'existe que deux politiques de ce type en France : l'une dans la Loire et l'autre dans l'Oise, où une charte tout à fait remarquable de gestion du risque d'inondations sur le bassin versant de l'Aisne et de l'Oise a été adoptée le 8 janvier dernier. L'Association des établissements publics territoriaux de bassin recommande d'ailleurs de mettre en oeuvre ce type de charte au niveau des différents bassins.
Par ailleurs, il est important que l'Etat et les collectivités agissent intelligemment. Toutefois, il est aussi essentiel de mobiliser le citoyen, qui doit être au coeur de la politique de prévention, cette dernière ne devant pas être uniquement institutionnelle. Dans ce cadre, les assureurs pourraient jouer un rôle essentiel puisqu'ils sont en relation avec des clients. Il serait aussi possible de s'appuyer sur les chambres de commerce par exemple. En revanche, si les politiques ne sont qu'institutionnelles, il est certain qu'elles échoueront.
Enfin, si vous souhaitez renforcer notre capacité nationale à réduire le risque d'inondations, il faut renforcer le potentiel technique du pays. Pour cela, il pourrait être possible de mettre en place dans les six grands bassins français des équipes pluridisciplinaires, avec l'appui d'un pôle national sur la prévention des inondations. Nous traitons d'ailleurs le même genre de questions à titre expérimental au niveau du bassin de la Loire. Ainsi, notre équipe pluridisciplinaire a défini des méthodes concernant les audits relatifs aux inondations dans les entreprises. Cette démarche aurait dû être nationale, d'autant plus que les sommes nécessaires ne sont pas très importantes. Il suffit d'environ cinquante personnes de très haut niveau, qui pourraient être formées en quelques années.
Dans le cadre du futur projet de loi sur l'eau, nous pourrions aller plus loin dans la mise en oeuvre de la directive cadre européenne qui préconise la mise en place de plans de gestion à l'échelle des districts hydrographiques. En effet, cette directive est très discrète en matière de prévention des inondations. En revanche, elle indique clairement qu'il faut gérer l'eau à l'échelle des districts hydrographiques et des bassins. Nous pourrions donc mettre en oeuvre des plans de gestion, tels qu'ils sont préconisés par la directive cadre, portant notamment sur les étiages et les inondations. Nous ferions ainsi un grand pas en avant en matière de prévention.
M. Pierre Martin, Rapporteur - Existait-il un partenariat entre le Bassin parisien, et ceux de la Somme et de l'Oise ? Si oui, comment s'articulait-il ? En effet, les informations qui ont été divulguées ont mis en cause les uns ou les autres. Existe-t-il une gestion globale de ces trois bassins, sachant que les liaisons physiques sont une réalité entre les cours d'eau concernés ?
M. Régis Thépot - Je pense qu'il faudrait auditer les acteurs concernés. Toutefois, je connais les questions qui ont été posées dans ce domaine sur la fameuse gestion coordonnée de la Seine et de la Somme. Il est vrai que l'institution des grands lacs de Seine est historiquement plutôt au service de la région parisienne et non du bassin de la Seine. Pour sa part, l'EPALA est un outil plus élaboré. D'ailleurs, si la loi va dans ce sens, je pense qu'il faudra favoriser la mise en place d'institutions de proximité sur certains affluents de la Loire. L'institution de bassin aurait alors une mission de portage d'actions, notamment par le biais de réseaux du même type que Cristal. Dans tous les cas, je suis convaincu qu'une bonne gestion ne peut qu'être de proximité. Pour répondre plus précisément à votre question, je pense que vous pourriez auditionner les responsables du bassin des grands lacs de Seine, qui mènent d'ailleurs des initiatives tout à fait intéressantes. Ils ont notamment un projet complémentaire pour essayer d'améliorer la protection de la région parisienne contre les inondations.
M. le Rapporteur - La gestion du risque au niveau de la Seine n'influe-t-elle pas de façon négative sur la gestion de la Somme ?
M. Régis Thépot - Je ne suis pas mandaté pour vous répondre.
M. François Demilly - Le lit de la Somme et la Somme canalisée sont domaniaux ; c'est donc le Conseil général, en tant que concessionnaire, qui en assure l'entretien. En revanche, tous les affluents relèvent de la propriété privée ; l'entretien revient donc aux particuliers qui sont regroupés en association syndicale, sur la base d'un statut qui date de Louis-Philippe. Le Conseil général a souhaité moderniser la gestion des cours d'eau dans le département, en regroupant les collectivités et les associations syndicales concernées. L'objectif était de créer puis de fédérer des syndicats mixtes et de mettre en place une cellule rivière avec des techniciens... Dans ce domaine, nous nous heurtons à l'opposition des associations syndicales, qui refusent de s'organiser, qui rencontrent parfois des difficultés financières pour remplir leur mission mais qui ne souhaitent pas perdre leurs prérogatives. Comment avez-vous procédé à votre niveau ? Rencontrez-vous les mêmes problèmes de statut pour les rivières et les affluents ?
M. Régis Thépot - Il est vrai que l'on ne peut pas parler de la gestion des cours d'eau si l'on ne s'intéresse pas à leur domanialité. A ce niveau, chaque cas est particulier. Toutefois, il existe indéniablement une différence considérable entre les réseaux domaniaux et non domaniaux, ces derniers étant les plus nombreux. La difficulté est de faire bouger les acteurs locaux privés. Comment parvenir à faire mieux entretenir les cours d'eau ? Le législateur le permet, notamment grâce à l'article 31 de la loi sur l'eau, après enquête et déclaration d'intérêt général. Pour autant, cela pose des problèmes aux riverains concernés en ce qui concerne le financement.
L'EPTB ne regroupe que des institutions ou des syndicats mixtes couvrant au moins deux départements. Toutefois, le gros de l'entretien du fleuve se fait avec des syndicats intercommunaux et des associations. Il faut donc parvenir à une bonne coordination. Les EPTB demandent d'ailleurs que l'Etat conserve sa responsabilité pleine en matière de prévention des risques. Ensuite, il faut améliorer la gestion sur les six grands bassins, puis au niveau des 50 à 60 bassins hydrographiques. Au sein de l'EPALA, les syndicats pourraient constituer un bon moyen de progresser dans ce domaine.
Il faut utiliser toute la palette des actions publiques. Actuellement, il est vrai que les carottes ou les bâtons ne sont sans doute pas assez nombreux. Pour autant, les maires ont toujours la possibilité d'imposer certaines choses, sachant qu'ils font ensuite face aux citoyens mécontents. C'est pourquoi je pense que les décisions doivent plutôt être prises par des acteurs un peu en retrait géographiquement. En effet, il est plus difficile pour le maire de prendre une décision que pour une structure éloignée qui revendique le respect de l'intérêt général. Pour sa part, l'EPTB milite fortement pour une future loi sur les fleuves et les rivières car c'est à ce niveau que les difficultés se posent. Je connais des exemples, notamment celui de la Sèvre nantaise, où un travail extraordinaire est mené sur le terrain. Dans tous les cas, ces politiques ne peuvent pas être imposées.
M. François Demilly - Vous rencontrez les mêmes problèmes en matière de domanialité.
M. Régis Thépot - Certains EPTB interviennent essentiellement sur le domaine public, comme l'EPALA. Il est vrai que l'une des difficultés de la gestion est que les structures de type EPTB n'ont pas de territoire mais n'interviennent qu'en appui à des politiques. Est-ce pour autant la seule cause des phénomènes d'inondation ? Dans tous les cas, je pense qu'il faut tout faire techniquement pour réduire le risque, sachant que ce dernier existe de toute façon. Toutes ces politiques, comme l'amélioration de l'entretien des cours d'eau, demanderont près de dix ou vingt ans. En revanche, mieux gérer le risque peut être fait immédiatement, en mettant en oeuvre des plans de secours spécialisés au niveau des préfectures et des communes et en responsabilisant les acteurs locaux. En effet, il est aberrant de constater qu'un assureur rembourse une chaudière située dans la cave à chacune des inondations.
M. Hilaire Flandre - En général, les assureurs ne couvrent plus ce genre de risque... Quelle est la date de création de l'EPALA ? Quelle est la part de chance et d'intervention de l'EPALA dans le fait que les inondations n'ont pas été importantes depuis la création de l'établissement, au niveau du bassin de la Loire ? Les habitants de Charleville disent que c'est la création de l'établissement public de bassin qui a permis d'arrêter les inondations de la Meuse. Il est vrai que le curage a certainement joué un rôle mais pas à ce point.
M. Régis Thépot - L'EPALA a été créé à la fin 1983. Le fait que nous n'ayons pas eu de crue ces derniers temps est principalement dû à la chance. En fait, les inondations atlantiques n'ont pas été renforcées par des inondations venant du Sud. Nous disposons d'un barrage écrêteur, mis en service en 1985, qui a servi une seule fois depuis, le 13 novembre 1996. Ce jour-là, il a permis de réduire de moitié le débit de la Loire à l'aval du barrage.
Il existe une ambiguïté en matière de prévention car tous les acteurs ne la définissent pas de la même façon. Cette notion doit aussi intégrer la protection. Sur la Loire moyenne, notre stratégie complète sur une vingtaine d'années coûte 3 milliards de francs, ce qui est raisonnable au regard des 40 milliards de dégâts potentiels. Toutefois, c'est aux politiques d'apprécier ce rapport.
M. Hilaire Flandre - La mobilisation financière sera de plus en plus difficile à faire admettre au fur et à mesure que la crue s'éloignera dans le temps.
M. Régis Thépot - C'est vrai. Nous l'avons d'ailleurs constaté lors du projet de construction du barrage écrêteur. Le propre des pouvoirs publics est justement de mettre en place des structures permettant de dépasser ces problèmes. Peut-être que dans deux ans, le Sénat créera une commission d'enquête sur des sécheresses exceptionnelles. Nous ne savons pas si les phénomènes seront plus fréquents ; en revanche, il semble évident qu'ils seront plus marqués.
Notre rôle est de mettre en place des cadres qui nous permettront de continuer à travailler sur les dossiers, indépendamment de la sensibilité de l'opinion. En effet, les cycles de l'opinion publique sont beaucoup plus rapides que ceux qui sont nécessaires à la réalisation d'une action.
M. le Président - Pourriez-vous nous dire de quelle nature sont les redevances de l'EPALA ?
M. Régis Thépot - Nous ne bénéficions pas de recettes propres ; nous devons donc négocier en permanence avec nos membres. Nous avons trois postes de dépenses : des dépenses de fonctionnement de l'ordre de 5 millions par an pour un effectif de 10 personnes ; des dépenses d'exploitation pour 10 millions par an ; des dépenses liées à des actions précises dont le montant peut aller jusqu'à 100 millions de francs. Le financement de ces trois types de dépenses se fait en fonction de clefs adoptées par l'assemblée délibérante.
Pour le fonctionnement, les départements membres nous financent grâce à une clef basée sur la richesse fiscale, sachant que les régions participent aussi éventuellement à ce niveau. Pour les dépenses d'exploitation, nous montons des partenariats avec l'Etat et l'Agence de l'eau -le réseau Cristal est financé par l'Etat et l'EPALA, un refinancement étant prévu par l'Agence de l'eau, ce qui nous laisse une part de 27 %. Pour les actions, nous disposons d'un double critère : 10 % de la dépense sont financés en solidarité et 90 % en critères techniques.
Ainsi, pour un ouvrage écrêteur de crue, nous allons faire payer plus cher les sites qui en sont proches puisque l'effet du barrage se réduit au fur et à mesure que l'on s'en éloigne. L'intérêt des EPTB est justement de pouvoir faire entrer la solidarité dans le jeu politique. Les élus de l'EPALA ont toujours travaillé de façon solidaire sur les dossiers prioritaires, en privilégiant toujours la sécurité.
M. le Président - Nous vous remercions pour votre participation.