2. Un personnel jeune et fortement féminisé
A la maison d'arrêt de Mulhouse, 56 surveillants, soit près du tiers d'entre eux, sont directement issus de l'école nationale de l'administration pénitentiaire. Ils sont donc encore stagiaires. Une telle proportion n'est pas sans poser des difficultés au sein de l'établissement. Certes, il s'agit d'une population jeune et dynamique, mais elle doit être bien encadrée en raison de son manque d'expérience, ce qui peut alourdir la charge de travail des surveillants plus anciens.
La maison centrale d'Ensisheim dispose également d'un personnel de surveillance peu expérimenté alors même qu'il s'agit d'une population pénale potentiellement dangereuse. Ainsi, en 1999, un tiers était issu directement du concours. Ce bouleversement avait d'ailleurs nécessité une prise en charge particulière, notamment par la création de modules d'intégration établis avec le concours d'un formateur.
La maison d'arrêt de Mulhouse connaît une forte féminisation de son personnel de surveillance. Alors qu'elles étaient 11 il y a quelques années, elles sont 26 actuellement. Jusqu'à présent, elles étaient chargées de la surveillance du quartier des femmes ou occupaient des postes qui les tenaient physiquement à l'écart de la population pénale masculine. Toutefois, cette politique est de plus en plus difficile à appliquer.
Selon les surveillants entendus à ce sujet, les surveillantes femmes ont plutôt un bon contact avec les détenus masculins dont elles arrivent mieux à canaliser l'agressivité. Toutefois, ils se sont montrés inquiets des risques inhérents à cette promiscuité.
En effet, les rapports de force entre les surveillants et les détenus sont très psychologiques puisque ces derniers sont beaucoup plus nombreux. Ainsi, dans les cours de promenades, deux surveillants sont confrontés à plusieurs dizaines de détenus. En outre, ces derniers ont souvent une attitude très machiste vis-à-vis des femmes et elles ne leur inspirent pas le même respect que les surveillants masculins.
Il convient de remarquer que la moitié du personnel de surveillance recruté au dernier concours était féminin. La question de l'organisation du travail de surveillance pour tenir compte de la féminisation du corps se pose désormais au niveau national.
3. Des locaux inadaptés
* Des bâtiments vétustes et à l'étroit
La maison centrale d'Ensisheim résulte de la transformation d'un collège en maison centrale de force et de correction en 1811, reconstruite en 1880 par les autorités allemandes suite à une insurrection.
Historique de la maison centrale d'Ensisheim La maison centrale d'Ensisheim s'étend au centre de la ville sur une superficie d'un hectare. Elle fait partie intégrante de la cité et possède un long passé historique. Les bâtiments ont connu des vocations multiples au cours des siècles et témoignent de la vie politique, sociale et religieuse de la Haute-Alsace. En 1452 est construit un hôpital civil, flanqué de la chapelle St Erhard. L'hôpital est transféré en 1551 et l'archiduc d'Autriche Maximilien fonde une école latine. Peu de temps après, le curé-prédicateur Jean Rasser transforme l'école en un séminaire réputé qui accueille bientôt les étudiants venus de toute la bande rhénane. Son entreprise est poursuivie par les Jésuites de Fribourg, arrivés en 1614 et que Louis XIV remplace dans l'année 1659 par les pères de la province de Champagne. Dans l'intervalle, la guerre de Trente ans éclate. La ville est assiégée à sept reprises et le collège n'échappe pas aux pillages. L'intendance d'Alsace affecte en 1774 l'ensemble des immeubles à l'aménagement d'un dépôt de mendicité et de condamnés des tribunaux correctionnels de toute l'Alsace. La Révolution y ajoute un dépôt de suspects. Les guerres révolutionnaires et napoléoniennes appellent sur le Rhin de nombreuses troupes et la structure devient hôpital militaire. Par décret impérial du 23 février 1811, l'établissement est converti en maison centrale de force et de correction. Une ordonnance royale de 1817 confirme et organise définitivement cette fonction carcérale. En 1820 Armant Carrel, membre de la société secrète de la Charbonnerie organise un complot pour libérer des conjurés bonapartistes. Entre 1820 et 1840 sont menés de grands travaux de réparations et de construction. Près de neuf cents détenus sont emprisonnés en 1828, venus de tout l'Est de la France. En septembre 1870, l'évacuation des troupes françaises, y compris celles qui composent le poste d'infanterie de garde de la prison, provoque une émeute à la maison centrale. M. Gerspach, meunier, qui possédait des fusils de chasse parvint à contenir les insurgés toute une journée, faisant huit morts et onze blessés. A l'issue du congrès pénitentiaire de Stockholm de 1880, les autorités allemandes mettent en oeuvre la construction de l'actuel quartier cellulaire, avec 200 cellules. C'est également à cette époque que sont construits les logements des gardiens, à la cité pénitenciaire appelée aussi Cité Maison Centrale. L'ensemble du quartier et des logements est aujourd'hui très délabré. Durant la dernière guerre, des bombardements endommagent les bâtiments. Certains furent entièrement détruits par les canonnades de l'hiver 1944/1942. Dans le cadre de la mise en place dans l'établissement du régime progressif, on put entreprendre la modernisation des locaux existants et de nouvelles constructions. De nombreux travaux furent menés sous l'impulsion de certains directeurs grâce à un personnel qualifié et à la population pénale. On peut citer quelques étapes : 1945, réparation de la charpente métallique du quartier cellulaire ; 1946, couverture des bâtiments de détention et des logements du personnel ; 1950, construction d'un quartier cellulaire de jour ; de 1950 à 1960 : construction d'un terrain de basket, d'un groupe scolaire, d'une bibliothèque, d'un cinéma, de douches ; 1971, mise en place de douches dans les logements du personnel ; 1974, installation de sanitaires dans les cellules et réfection de l'électricité ; 1976, création de 2000 m2 d'ateliers ; 1984 : aménagement d'une salle d'informatique et mise en place d'un diplôme sur deux ans préparant certains détenus à un diplôme d'analyste ou de programmateur. De nombreux bâtiments furent cependant incendiés durant la mutinerie d'avril 1998. |
Source : Maison centrale d'Ensisheim.
La construction des bâtiments formant actuellement la maison d'arrêt de Mulhouse date des années 1865-1870.
Historique des prisons de Mulhouse Les origines : La construction des bâtiments formant actuellement la maison d'arrêt de Mulhouse date des années 1865 - 1870, un acte de vente du terrain d'emprise portant la date du 8 avril 1864 ayant été retrouvé dans les archives municipales. Auparavant, les archives municipales mentionnent, en 1812, une maison de transfèrement implantée dans une salle de « l'hospice des vieillards » de la ville à côté de l'ancienne gendarmerie. En 1831, la prison devait être transférée au « Werkhof » rue des Maréchaux, en plein centre ville, endroit où s'implantera plus tard la caserne des pompiers. En 1859, l'appellation « maison de transfèrement » sera remplacée par le terme « maison d'arrêt ». La première tranche formée des deux bâtiments composant l'actuelle maison d'arrêt fut occupée à partir du 18 octobre 1867. Un arrêté du 18 octobre 1990, sous l'occupation allemande, décida de la construction de la façade bordant la rue d'Ensisheim et comprenant : - la porte cochère, - six logements, - la cour d'entrée et la partie administrative. A noter que la partie arrière de la prison était bordée par un ruisseau, le « Steinbachlein » qui a vraisemblablement été comblé fin du siècle pour former l'actuel chemin de ronde donnant sur des logements privés, rue des Merles. On retrouve également trace de plans datant du 12 juin 1897, envisageant la construction d'un autre bâtiment sur des terrains acquis en 1864. Par autorisation en date du 14 juin 1904, le bâtiment abritant l'actuelle maison d'arrêt fut érigé. Enfin le 24 avril 1909, une autre autorisation de construction fut donnée et se rapporte à l'ouverture d'une porte dans le mur d'enceinte, rue de l'Espérance (actuellement avenue Robert Schuman), comprenant la porte ainsi qu'un logement détruit depuis. En 1990, les prisons de la rue de l'Espérance pouvaient recevoir 400 hommes et 50 femmes. Le personnel était composé d'un inspecteur, d'un caissier comptable, d'un gardien-chef, de 11 gardiens et d'un contremaître pour les travaux. Les modifications intervenues depuis 1945 En 1946, les trois anciens bâtiments A, B, C, et le grand quartier cellulaire furent constitués en maison centrale tandis que le quartier des jeunes détenus devenait à lui seul la maison d'aArrêt. Peu d'années après, quelques pièces de ce quartier furent aménagées pour y recevoir les femmes dont le nombre avait considérablement diminué et leur ancien quartier était affecté à la semi-liberté pour les nombreux détenus de la maison centrale admis à ce régime. Au fil des ans les bâtiments ont subi de très importantes transformations pour pouvoir être utilisées à la fois comme maison centrale adaptée au régime progressif et comme maison d'arrêt. En 1975, l'établissement a été classé centre de détention. L'établissement a été restructuré en maison d'arrêt en mai 1998 et comprend désormais un quartier hommes (dont un quartier réservé aux détenus primaires) un quartier femmes et un quartier mineurs. Quant au centre de semi-liberté, ouvert en octobre 1972, il est implanté dans les locaux de la Caserne Coehorn, dont une partie a été désaffectée et remise à l'administration pénitentiaire en 1970. |
Source : Maison d'arrêt de Mulhouse.
Ces bâtiments sont donc vétustes et bien qu'ils aient fait l'objet de nombreuses restructurations, ils sont mal adaptés à la condition carcérale car ils manquent d'espace. Les cours de promenade sont soit trop petites, soit insuffisantes, aucun espace vert ne peut être aménagé. Il convient de rappeler que les trois établissements pénitentiaires sont situés au coeur de la ville. Cette position stratégique facilite le maintien des liens sociaux entre les détenus et leurs familles et amis. Toutefois, elle empêche tout agrandissement des locaux.
* Des bâtiments mal entretenus
Alors que les bâtiments sont très vétustes, les établissements pénitentiaires n'ont jamais été la priorité de la Chancellerie. En conséquence, ils n'ont jamais bénéficié des fonds nécessaires à l'entretien normal de leurs locaux. La visite de ces établissements laisse donc une impression de laisser-aller : cellules décrépies, couloirs sordides, fissures dans les murs, plafonds endommagés.
Pourtant, les équipes de direction font preuve d'une grande ingéniosité pour essayer de rénover peu à peu ce patrimoine laissé à l'abandon. Ainsi, de nombreux travaux sont effectués par les détenus afin d'en abaisser le coût de réalisation pour pouvoir, à budget égal, multiplier les rénovations. Toutefois, le manque de personnel pour encadrer les détenus et la faiblesse des crédits du titre III (destinés à l'entretien des bâtiments) ne permettent pas de rattraper le retard accumulé.
Votre rapporteur spécial a constaté que cette négligence avait des répercussions inquiétantes sur le maintien de la sécurité dans ces établissements. En effet, certains matériels de surveillance sont obsolètes à la maison centrale d'Ensisheim et il a repéré au moins un système d'alerte à l'incendie qui ne fonctionne pas dans cet établissement.