2. Un patrimoine immobilier souvent délaissé
Plusieurs sites mériteraient de faire l'objet de travaux de rénovation.
Le tribunal d'instance de Thann est un bâtiment ancien, qui comporte une tour ronde accolée qui depuis trois ans est en train de se « détacher » de la partie principale. Des mesures sont régulièrement effectuées pour analyser l'évolution de la fissure, mais aucune décision de réfection n'a encore été prise.
De même, lorsque votre rapporteur spécial a visité le bureau foncier de Cernay, bâtiment imposant, il a été frappé par son état de délabrement. Ancien tribunal cantonal construit en 1906 et entouré d'un jardin de 16 ares, sa façade est très abîmée et pose même des problèmes de sécurité en raison de son effritement. Les combles du bâtiment sont ouvertes aux quatre vents et sont devenues le royaume des pigeons, ce qui soulève des problèmes d'hygiène. La visite de ce bureau foncier laisse une impression de « justice à l'abandon », alors même que le site recèle d'importantes potentialités en raison de l'espace qu'il offre pour des locaux d'archivages, mais également pour la création d'une maison de justice dans le cadre du contrat local de sécurité Thann/vieux Thann/ Cernay.
Ce projet, soutenu par la mairie de la ville de Cernay propose que le bureau foncier accueille les permanences d'un médiateur de justice, d'un conciliateur, du comité de probation, et de l'association ACCORD 68 chargée de l'aide aux victimes déjà présente à la maison de justice et du droit de Mulhouse. Par ailleurs, une permanence d'avocats, d'huissiers et de notaires pourrait également être envisagée. Il s'agirait de créer une antenne de maison de justice et du droit adaptée aux besoins de ce canton.
Au tribunal d'instance de Ribeauvillé, des travaux sont demandés pour la réfection de la façade, le remplacement du portail qui ne peut plus être fermé et le nettoyage du jardin. En outre, le premier étage est composé d'un logement de fonction spacieux, inoccupé, non chauffé et qui se dégrade rapidement, faute d'entretien.
Le bâtiment du greffe permanent de Kaysersberg comprend également un logement de fonction au 1 er étage qui nécessite des travaux de rénovation importants.
3. Un personnel qui doit « jongler » entre plusieurs sites
Tous les bureaux fonciers et les greffes permanents (à l'exception de celui de Kaysersberg) constituent des petites structures qui emploient un à deux fonctionnaires. Par voie de conséquence, dès qu'un poste est vacant, le service concerné est gravement perturbé. Les fonctionnaires des autres sites sont alors amenés à pallier cette situation à travers des délégations. Cette solution n'est cependant qu'un pis-aller dans la mesure où elle désorganise le service « dépouillé », surtout lorsque ce dernier est déjà en sous-effectif en raison d'une ou de plusieurs vacances de poste. En outre, elle crée des surcoûts non négligeables liés au paiement de frais de délégation.
Le tribunal d'instance de Thann constitue un exemple frappant des difficultés de gestion de personnel liées à la multiplication des sites.
*les difficultés de gestion du personnel au tribunal d'instance de Thann
Ce dernier dispose d'un effectif théorique de 13 fonctionnaires de greffe, tous sites confondus, répartis de la manière suivante :
- 1 agent de catégorie B au bureau foncier de Saint Amarin ;
- 2 agents de catégorie B au bureau foncier de Cernay ;
- 1 agent de catégorie B au bureau foncier de Masevaux ;
- 1 agent de catégorie B au bureau foncier de Thann (situé dans le tribunal d'instance) ;
- 1 greffier en chef, 2 agents de catégorie B et 5 agents de catégorie C au tribunal de Thann (dont 1 agent de catégorie B au bureau foncier de Thann).
Au bureau foncier de Thann, le poste d'agent de catégorie B est vacant. Un système de délégations a été mis en place pour combler cette vacance de poste, mais elle affecte le bon fonctionnement des bureaux fonciers concernés, à savoir ceux de Cernay et de Masevaux.
En effet, alors même que l'effectif réel du bureau foncier de Cernay n'est pas complet (l'agent de catégorie C travaille à 80 %), l'agent de catégorie B et l'agent de catégorie C sont délégués respectivement deux jours et un jour par semaine au bureau foncier de Thann.
Au bureau de Masevaux, l'agent de catégorie B a dû être assisté d'un vacataire employé 120 heures par mois car il est également délégué un jour par semaine au bureau foncier de Thann.
Le tribunal d'instance de Thann est lui aussi confronté à une pénurie d'agents de catégorie C puisque sur un effectif budgétaire de cinq, trois d'entre eux travaillent à 80 %, un quatrième à 90 % tandis que le dernier poste est vacant.
Quant au poste du bureau foncier de Saint Amarin, il est occupé par une fonctionnaire qui travaille à mi-temps. Actuellement en congé de maternité, elle est remplacée 3 jours par semaine par des fonctionnaires du tribunal d'instance de Guebwiller.
La coexistence de quatre bureaux fonciers dans le ressort du tribunal d'instance de Thann employant chacun une ou deux personnes pose donc de redoutables problèmes de gestion du personnel dès qu'un poste est vacant. En outre, on peut s'interroger sur la continuité du service public lorsque ce dernier n'est assuré que trois jours par semaine, comme c'est le cas à Saint-Amarin.
Des problèmes similaires se posent aux greffes permanents de Sainte Marie aux Mines et de Munster.
*Sainte-Marie-aux-Mines : une antenne du tribunal d'instance de Ribeauvillé en sous-effectif chronique
L'effectif budgétaire de Sainte-Marie-aux-Mines ne comprend qu'un agent, alors même que ce greffe est chargé de l'ensemble des procédures relevant d'un tribunal d'instance. Pour pallier cette difficulté, la cour d'appel y avait nommé un deuxième fonctionnaire en surnombre pris sur les effectifs des autres juridictions. Toutefois, ce fonctionnaire ayant réussi le concours de greffier, il a été muté à Dijon. Pour combler ce départ, la cour d'appel a dû organiser des délégations
Le greffe permanent de Munster est doté de deux postes budgétaires officiellement pourvus. Toutefois, l'un des greffiers est en congé de longue maladie et ne peut donc pas assurer ses fonctions. Des délégations ont dû être organisées pour permettre au greffe permanent de fonctionner.
Lorsque votre rapporteur spécial a visité ces juridictions, la plupart de ses interlocuteurs ont soulevé les problèmes de gestion de personnel posés par les petites structure comme les bureaux fonciers et les greffes permanents.
Certains ont fait remarquer que l'absorption des fonctions des greffiers affectés au greffe permanent de Munster n'aurait pas de répercussion majeure sur l'activité du tribunal d'instance de Colmar. En revanche, la délégation d'un greffier de Colmar vers Munster pose systématiquement des problèmes d'organisation dans le service au sein duquel est prélevé le fonctionnaire.
En ce qui concerne le greffe délégué de Sainte-Marie-aux-Mines, on a fait remarquer qu'il fallait, soit créer un deuxième poste budgétaire, soit « rapatrier » les activités de ce greffe au tribunal d'instance de Ribeauvillé.
La question du maintien des greffes permanents de Sainte-Marie-aux-Mines et de Munster est délicate. Deux logiques s'opposent : d'une part, la logique de l'aménagement du territoire et d'une justice de proximité, défendue par les maires et les habitants de ces communes, qui revendiquent le maintien du service public de la justice dans leur ville ; d'autre part, la logique de la rationalisation des services, défendue par la cour d'appel, qui constate que le maintien de ces deux greffes est coûteux pour un résultat guère satisfaisant.
La même question se pose à propos de l'éventuel regroupement des livres fonciers relevant du tribunal d'instance de Thann. Alors que les maires sont très attachés au maintien du service du livre foncier sur le territoire de leur commune, la cour d'appel souhaiterait regrouper les bureaux des livres fonciers sur un seul site.
Ce projet est défendu depuis de nombreuses années par les juges d'instance successifs du tribunal d'instance de Thann.
Une autre solution pourrait être la suivante : au lieu de se contenter de maintenir artificiellement et à grands frais les bureaux des livres fonciers, on pourrait envisager d'étoffer leurs compétences en créant dans ces sites des antennes de maison de justice et du droit.
Le rapprochement des bureaux fonciers : la
position du juge
Depuis de nombreuses années, les juges successifs du tribunal d'instance de Thann plaident pour un regroupement des bureaux fonciers sur le site de Cernay dont les locaux sont assez vastes pour accueillir chaque bureau foncier ainsi que les archives et un bureau pour le juge. En outre, il existe un parking assez grand pour accueillir les véhicules des fonctionnaires et des justiciables. Selon eux, ce regroupement comporterait trois avantages. D'abord, le travail serait réparti d'une manière plus rationnelle à travers une meilleure organisation des tâches. Aujourd'hui, l'activité des bureaux fonciers est inégale comme en témoignent les éléments statistiques suivants. Alors que le bureau foncier de Cernay a reçu 2530 dépôts de requêtes en 2000, celui de Thann en a reçu 1428, celui de Masevaux 1158 et celui de Saint-Amarin 933. Il est à noter que les affaires à traiter dans les bureaux fonciers de Thann et de Cernay sont plus complexes que celles des deux autres bureaux fonciers. Le regroupement des bureaux fonciers permettrait d'harmoniser les charges de travail et se traduirait par des gains de productivité. Par ailleurs, il engendrerait une amélioration du service public de la justice. Comme il a été indiqué précédemment, l'éparpillement des sites aboutit à des dysfonctionnements. Ainsi, le bureau foncier de Saint-Amarin n'est ouvert que trois jours par semaine faute d'effectifs suffisants. Si les bureaux étaient centralisés dans le même site, la continuité du service public serait assurée. En outre, l'absence d'un fonctionnaire ne soulèverait plus les mêmes problèmes qu'aujourd'hui puisqu'elle serait désormais compensée par une répartition de ses attributions entre ses collègues. De manière plus générale, la formation des fonctionnaires et l'uniformisation des pratiques seraient facilitées tandis que la diffusion des circulaires s'effectuerait plus rapidement. Par ailleurs, la centralisation du dépôt des requêtes simplifierait la tâche des usagers qui, en de nombreuses occasions, effectuent leurs demandes auprès de bureaux incompétents, ce qui entraîne de nombreux envois postaux et ralentit la procédure. Enfin, le regroupement des bureaux fonciers sur un seul site aurait l'avantage de réduire les coûts de fonctionnement. Jusqu'à présent, les dépenses d'énergie, de téléphone, de nettoyage et de matériel sont multipliées par quatre. De plus, lors de chaque vacance de poste ou simple congé dans un bureau foncier, la délégation d'un fonctionnaire est nécessaire pour assurer la permanence du service public, entraînant des frais de déplacement évalués entre 100 et 150 francs par jour. |
Source : Synthèse d'une note du juge d'instance du TI de Thann au premier président de la cour d'appel de Colmar.
Toutefois, ce projet n'a jamais été concrétisé. La réforme tendant à informatiser le livre foncier a cependant modifié les données du débat.
L'informatisation du livre foncier Jusqu'à présent, le livre foncier est un énorme livre de sept kilos composé de plusieurs centaines de feuillets. A chaque feuillet correspond un propriétaire : sont énumérés tous les droits réels inscrits sur ses biens et les biens dont il est titulaire. Le livre foncier se consulte de deux façons : soit en demandant la copie d'un feuillet, soit en prenant note des informations que contient le feuillet, directement au bureau foncier. Sans remettre en cause le principe du livre foncier, il est apparu indispensable de le moderniser afin qu'il demeure en état de répondre aux exigences de la vie moderne marquée par la multiplication des transactions et leur complexité croissante. La clé de cette modernisation passe par son informatisation. Déjà réalisée dans les pays voisins dotés d'un système similaire (l'Allemagne, l'Autriche et la Suisse), elle a également été entreprise pour la conservation des hypothèques. En conséquence, le ministère de la justice a créé en 1994 un groupement d'intérêt public chargé de l'informatisation du livre foncier, le GILFAM (Groupement pour l'informatisation du Livre foncier d'Alsace et de Moselle). Cette réforme devrait améliorer le fonctionnement du service de publicité foncière, notamment en automatisant le traitement des requêtes et en permettant la consultation à distance du livre foncier. Concrètement, il est prévu de reprendre les données existant actuellement dans les livres fonciers, d'en constituer une base de données qui sera gérée sur un site central et de les mettre en réseau afin que les notaires, le cadastre, les administrations publiques, les professionnels du secteur privé et les particuliers puissent y accéder directement. L'informatisation du livre foncier remet donc directement en cause l'organisation actuelle de ce service qui repose sur l'éparpillement des bureaux du livre foncier. Comme il a été indiqué précédemment, cette dispersion constitue une anomalie au regard de la loi de 1958 sur la réforme des livres fonciers. Toutefois, elle était tolérée au prétexte qu'elle permettait de rapprocher le livre foncier de ses utilisateurs. Désormais l'informatisation du livre foncier plaide au contraire pour un rapprochement des bureaux du livre foncier afin de centraliser les informations et de regrouper les archives. |
Source : Synthèse d'une note du président du GILFAM sur l'informatisation du livre foncier.
Dans ce contexte, la question du regroupement des bureaux des livres fonciers relevant du ressort du tribunal d'instance de Thann devient urgente à traiter.
En effet, l'informatisation du livre foncier nécessite une adaptation des services où il est tenu et notamment le câblage des locaux qui devrait débuter dès l'automne 2001. Si le site qui accueillera les bureaux des livres fonciers n'est pas choisi rapidement, des investissements considérables seront engagés dans des bureaux destinés à ne plus être utilisés.
A cet égard, votre rapporteur spécial rappelle que le bureau foncier de Cernay pourrait accueillir les archives des bureaux fonciers du Haut-Rhin.