C. DES CHAMBRES COMMERCIALES « OUBLIÉES » PAR L'ADMINISTRATION CENTRALE
L'organisation du service de la chambre commerciale du TGI de Mulhouse La chambre commerciale est divisée en deux sections dont l'une gère le contentieux commercial au rythme d'une audience de mise en état et d'une audience de plaidoirie hebdomadaires, tandis que l'autre s'occupe des procédures collectives à raison d'une audience par semaine. Les juges mulhousiens sont également souvent désignés comme juge de la mise en état pour procéder à l'audition des parties. Ils procèdent ainsi à de nombreuses conciliations en cours d'instance. Chaque section est présidée par un vice-président du tribunal et 22 juges consulaires assesseurs participent aux travaux des deux sections. En outre le président de la chambre commerciale est chargé des référés commerciaux, des requêtes et du traitement des difficultés des entreprises : 11 juges consulaires interviennent dans la gestion de cette dernière mission mais ne participent pas aux deux premières dont l'exécution est à la charge du greffe spécialisé des référés. L'organisation du greffe de la chambre commerciale a été « verticalisée », c'est-à-dire qu'il n'y a pas, en principe, de spécialisation des personnels fonctionnaires qui ont tous vocation à traiter l'ensemble des tâches afférentes à ce service et qui peuvent ainsi se remplacer les uns les autres à grade équivalent ou à catégorie équivalente. L'originalité de ce service réside notamment dans l'intervention quotidienne de 22 juges consulaires qui ont recours au greffe pour l'accomplissement de leurs travaux, ce qui a pour effet de multiplier les contacts, les exigences et les contraintes, et notamment une disponibilité de tous les instants des personnels du greffe : participation aux audiences collégiales, courrier, ordonnances des juges commissaires, audiences des juges commissaires... |
Source : TGI de Mulhouse
En raison de l'application du droit local alsacien-mosellan, les tribunaux de commerce n'existent pas dans le département du Haut-Rhin. Ils sont remplacés par une chambre spécialisée auprès de chaque TGI présidée par un magistrat professionnel assisté de juges consulaires bénévoles qui sont des commerçants élus pour 4 ans. Ils sont 12 au TGI de Colmar et 22 au TGI de Mulhouse. Ils s'occupent des procédures collectives et du contentieux commercial, mais leurs activités de prévention et de médiation tendent également à se développer. Ils suivent également toutes les expertises demandées par les juridictions commerciales, ce qui leur permet souvent d'obtenir une conciliation entre les deux parties au cours de l'expertise.
Le système alsacien-mosellan permet donc de bénéficier des garanties apportées par la présence d'un juge professionnel tout en ayant les avantages liés à la présence de magistrats non professionnels issus du monde du commerce. Ainsi, la justice rendue n'est pas ignorante des réalités de la sphère commerciale et elle associe des citoyens à l'exécution de sa mission. En outre, l'échevinage a l'avantage de rendre la justice peu coûteuse pour l'Etat tout en étant efficace et bien acceptée par les justiciables. Le fait que la réforme des tribunaux de commerce en « vieille France » s'inspire pour partie du système alsacien-mosellan montre bien que la pertinence, voire la supériorité de ce dernier est reconnue par tous.
Paradoxalement, la justice commerciale pourtant si louée est exercée dans des conditions exécrables en raison de la non prise en compte de la part de la Chancellerie de ses besoins les plus élémentaires.
La justice commerciale souffre tout d'abord de moyens humains et matériels insuffisants.
1. Des moyens humains insuffisants
Les personnels de greffe sont en sous-effectif chronique en raison des vacances de postes et de la multiplication des temps partiels qui ne sont pas compensés.
A la chambre commerciale du TGI de Mulhouse, le nombre de personnels de greffe est passé de 9 personnes théoriques (6,8 effectives) en 1998 à 7 (4,9 en réalité) en 2001, diminution sans proportion avec la légère décroissance du nombre d'affaires nouvelles.
A la chambre commerciale du TGI de Colmar, les effectifs réels sont de 9 % inférieurs aux effectifs budgétaires. Pour compenser ce manque d'effectifs, 5 emplois-jeunes et 4 vacataires ont été affectés à la juridiction commerciale.
En outre, le poids des temps partiels et l'instabilité des effectifs aggravent les dysfonctionnements des chambres commerciales en empêchant un suivi attentif des dossiers et une collaboration efficace avec l'ensemble des juges. Ainsi, un dossier va être traité tour à tour par différents fonctionnaires du greffe, qui devront à chaque fois s'en « imprégner », ce qui entraîne des retards et crée des risques d'erreurs de procédure.
Par ailleurs, contrairement à d'autres services dans lesquels les greffiers travaillent avec un ou deux magistrats, dans les chambres commerciales, ils ont comme interlocuteurs tous les juges consulaires et le président de chambre. Il s'agit donc d'une difficulté supplémentaire que l'absence d'équipe permanente de fonctionnaires du greffe ne contribue pas à résoudre.
Votre rapporteur spécial a également constaté l'absence de formation initiale spécifique pour les personnels de greffe affectés dans les chambres commerciales. Ce paradoxe s'explique par le fait qu'en « vieille France », leurs fonctions ne sont pas assumées par des fonctionnaires. En conséquence, l'école nationale des greffes n'a pas développé de module de formation.
Cette situation présente deux inconvénients. D'une part, elle oblige les juridictions commerciales d'Alsace et de Moselle à former elles-mêmes, souvent « sur le tas », leurs personnels de greffe. D'autre part, elle contribue à rendre les juridictions commerciales peu attractives pour lesdits personnels qui ignorent leurs méthodes de travail et tendent donc, lorsqu'ils y sont affectés, à demander rapidement leur mutation dans des services pour lesquels l'école les a formés.