III. UN DISPOSITIF DE LUTTE ÉPROUVÉ

Bien que la fièvre aphteuse reste à l'état enzootique sur une large partie du globe, les scientifiques ont, au cours des cent dernières années, mis au point plusieurs méthodes efficaces pour enrayer sa progression lorsque des foyers se déclarent. Ces mesures, de portée sanitaire et de nature médicale, ont été notamment utilisées en France puisque notre pays a pratiqué, outre des abattages ponctuels d'animaux atteints, une politique de vaccination de 1961 à 1991.

A. LES DIVERSES STRATÉGIES DE LUTTE

Comme l'a souligné le Professeur Berna rd Toma devant votre mission d'information, la lutte contre la fièvre aphteuse fait appel à deux types de mesures :

- les mesures sanitaires tendent à détruire les sources de virus et à empêcher leur circulation dans le milieu environnant ;

- les mesures médicales reposent sur une vaccination destinée à rendre les animaux résistants au virus .

Les mesures sanitaires de prévention consistent à abattre tous les animaux sensibles au virus, le plus rapidement possible, dès qu'un foyer est détecté. Elles s'accompagnent de la destruction rapide par enfouissement dans de la chaux vive ou par incinération des carcasses, ainsi que d'un blocage de toute la zone concernée dans laquelle les mouvements d'animaux sont interdits. On prend, en outre, des mesures strictes de désinfection des véhicules et des personnes au moyen de rotoluves et de pédiluves. De telles mesures sont, au demeurant, totalement compatibles avec la vaccination des animaux. C'est ainsi que lors d'un épisode aphteux survenu en Bretagne en 1974, au cours duquel 62 foyers sont apparus en deux mois, 30.000 porcs, 45.000 bovins et 700 moutons ont été euthanasiés 12 ( * ) . On notera, au demeurant, que de telles mesures d'abattage sont préconisées par les vétérinaires depuis la fin du XVIII ème siècle, et ont donné de bons résultats, notamment pour lutter contre la survenance de la brucellose.

Les scientifiques préconisent également des mesures encore plus draconiennes d'abattage préventif de tous les animaux sensibles -qu'ils soient ou non atteints- dans un rayon d'un à trois kilomètres autour des foyers primaires, afin d'éviter l'apparition de foyers secondaires.

Pour le professeur Bernard Toma : « Dans un pays indemne, l'apparition d'un foyer ou d'un petit nombre de foyers justifie le recours exclusif à des mesures sanitaires (c'est-à-dire excluant la vaccination) capables, en principe, si les opérations sont bien conduites (avec en particulier des enquêtes épidémiologiques « en amont » et « en aval », afin d'identifier et de retrouver tous les animaux potentiellement dangereux) d'assurer rapidement le retour au statut précieux de pays indemne de fièvre aphteuse ». Le Japon, pays indemne sans vaccination, a appliqué cette stratégie en 2000 avec succès.

Les mesures médicales de vaccination sont de deux natures

L'une consiste en une vaccination générale tendant à l'éradication , l'autre à une vaccination « en anneau » autour des foyers aphteux, afin d'éviter la prolifération de la maladie.

La vaccination systématique est utilisée dans les pays d'enzootie qui cherchent à éradiquer la maladie . Elle fournit, selon le professeur Toma : « Une bonne protection clinique contre les souches de virus correspondant aux types et sous-types de virus présents dans le vaccin ». Comme la vaccination ne protège que contre les souches sauvages apparentées à celles du vaccin, on utilise des vaccins contenant plusieurs types ou sous-types de virus (vaccins plurivalents) dans les pays infectés par plusieurs sources antigéniques. La vaccination emporte deux conséquences sur les animaux vaccinés. En premier lieu, elle n'empêche pas leur infection en cas de contact avec le virus sauvage, et peut les transformer en « porteurs sains » susceptibles de véhiculer la maladie . Tout au plus réduit-elle leur contagiosité en diminuant le volume excrété par les animaux vaccinés. En conséquence, selon le professeur Toma : « en cas de contact avec une souche de virus semblable, un animal vacciné ne sera pas malade mais constitue un danger au plan épidémiologique ». En second lieu, la vaccination provoque l'apparition d'anticorps qui permettent la protection des animaux, mais que les techniques traditionnelles ne permettent pas de distinguer des anticorps produits par les organismes des animaux malades. En conséquence, selon la même source : « On ne peut pas faire la différence, par des analyses sérologiques entre un animal vacciné, non infecté, et un animal vacciné et infecté ». C'est pourquoi les pays indemnes sans vaccination considèrent avec suspicion les animaux vaccinés provenant d'autres Etats, quand bien même ceux-ci seraient indemnes avec vaccination.

La vaccination en anneau constitue une autre arme de lutte contre la fièvre aphteuse lorsque celle-ci s'est déclarée. On y recourt lorsque, le nombre de foyers augmentant, les moyens des services vétérinaires chargés des mesures de prophylaxie sanitaire semblent insuffisants. Elle est recommandée par les scientifiques, notamment lorsque des foyers se déclarent dans les porcheries de grande taille car, comme on l'a vu ci-dessus, les porcins sont fortement excréteurs d'un virus qui peut être transporté par la voie aérienne. Cependant, la vaccination en anneau n'a rien d'une panacée. L'immunité qu'elle confère n'est réelle que quinze jours après qu'elle a été pratiquée. Enfin, elle n'a pas pour effet de sauver la vie des animaux vaccinés. Si le pays qui la pratique, à l'instar des Pays-Bas au cours des derniers mois, veut retrouver le statut de pays indemne sans vaccination, il devra, en application des dispositions précitées du code de l'OIE, abattre et détruire tous les animaux vaccinés. Ainsi, le principal avantage de la vaccination en anneau consiste à permettre de limiter le nombre de nouveaux foyers pour juguler une épizootie face à laquelle les moyens sanitaires sont en passe de s'avérer insuffisants.

On notera que la combinaison de la vaccination et de l'abattage a constitué une prophylaxie médico-sanitaire efficace qui a permis d'éradiquer la fièvre aphteuse en France entre 1961 et 1991. Dans ce cadre, l'abattage n'est qu'une des formes de prophylaxie collective garante du succès de la politique de protection de la santé animale.

* 12 Cf. Jean Barbier, « Il y a près de vingt ans, la fièvre des campagnes », dans l'Information agricole, n° 743, avril 2001, pages 36 et 37.

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