B. UNE PRIORITÉ A RÉAFFIRMER
1. La « planification centralisée » des équipements et des usages n'est ni possible ni souhaitable
Le projet de schéma le souligne en préambule -sans toujours d'ailleurs en tirer toutes les conséquences s'agissant des « objectifs » de court et moyen termes-, le contexte général du secteur de la communication et de l'information a profondément évolué ces cinq dernières années. Plusieurs éléments majeurs rendent désormais impossible -voire contre-productive- une planification centralisée, par l'Etat, des équipements et des usages. Il s'agit :
- de l'ouverture totale à la concurrence du secteur, programmée en juillet 1996 et effective depuis 1998 (même si certaines réticences ont ralenti la mise en oeuvre de la concurrence locale 12 ( * ) ) ;
- de l'arrivée rapide de technologies diverses qui multiplient les modes de raccordement possibles et incitent désormais à raisonner davantage en termes d'usages finals pour les citoyens et de services rendus aux consommateurs qu'en termes d'équipements ou d'infrastructures.
Qui penserait aujourd'hui par exemple à refaire le « plan câble » ?
Les contributions écrites reçues par votre rapporteur sur le projet de schéma (première version) décrivent très bien ce nouvel état de faits :
- France Télécom : « Illustration de ce changement, si le rapport de Gérard Théry concluait en 1994 à la nécessité de raccorder l'ensemble de la population en fibres optiques, un tel objectif a été abandonné depuis dans tous les pays ».
- Bouygues Télécom : « Il importe que [le schéma] tienne le plus grand compte des dynamiques de marché à l'oeuvre et de l'ouverture à la concurrence (...). Progrès technique, évolution des besoins des utilisateurs, contraintes liées à la nécessaire rentabilité des projets d'investissement, impossibilité (...) d'ignorer ce que font les voisins : autant de raisons de ne pas figer à l'excès les exercices de prospective ».
- ART 13 ( * ) : « Ni la demande ni l'offre n'évoluent selon un calendrier fixé par décret » ;
- CSSPPT 14 ( * ) : « Il n'est pas possible de fixer par décret le schéma de services de l'information et de la communication de 2010 ».
En outre, depuis la rédaction du projet de schéma sont apparues de nombreuses interrogations sur les capacités de développement rapide de certaines technologies dans lesquelles un optimisme trop confiant avait semble-t-il été placé. L'exemple de l'UMTS est particulièrement révélateur : après des annonces euphoriques, les ponctions excessives sur les opérateurs, liées à des prix exorbitants des licences, quel que soit le système d'attribution retenu, ont fragilisé l'ensemble du secteur de la téléphonie mobile. S'y ajoutent des doutes sur l'insuffisante maturité de cette technologie, s'agissant notamment des terminaux. En période de sévère correction boursière, liée à ces ponctions trop lourdes des Etats européens, ces incertitudes rendent encore plus nécessaire une réelle souplesse de l'exercice de prospective que constitue le schéma de services.
Est-ce à dire que l'Etat doit s'effacer devant les seules forces du marché ? Telle n'a jamais été l'opinion du Sénat, tel n'est pas aujourd'hui le point de vue de sa Délégation à l'aménagement du territoire. La nécessité d'une stratégie nationale est au contraire plus que jamais d'actualité : par rapport aux modes programmatifs anciens, les moyens d'action doivent seulement être renouvelés.
* 12 « Dégroupage de la boucle locale » permettant un accès direct à l'abonné de la part des opérateurs alternatifs à France Télécom, juridiquement applicable mais non mis en oeuvre. L'ART a mis en demeure France Télécom à ce sujet.
* 13 Autorité de régulation des télécommunications.
* 14 Commission supérieure du service public des postes et télécommunications.