b) Des systèmes étrangers souvent plus sévères
En matière de réparation pécuniaire du dommage, deux exemples ont été cités par la quasi totalité des spécialistes interrogés sur ce sujet par votre rapporteur -en particulier les industriels- :
l'exemple allemand , où l'indemnité accordée engloberait non seulement le préjudice subi, mais aussi les bénéfices indus réalisés par le contrefacteur grâce à son comportement illicite ;
les Etats-Unis , où le système judiciaire n'hésite pas à faire peser sur le contrefacteur des sanctions financières excessivement lourdes, se chiffrant parfois en centaines de millions de dollars et pouvant être triplées en cas de mauvaise foi du contrefacteur. Personne n'estime cependant souhaitable de s'inspirer de l'exemple américain, en raison du coût très élevé de litiges.
L'étude précitée de Maître Pierre VÉRON, estime que : « la comparaison des 10 plus fortes indemnités allouées en France durant la période 1990-1996 avec celles allouées pendant la même période aux Etats-Unis est éclairante. Même si l'on tient compte d'un marché comptant environ 6 fois plus de consommateurs, et même si l'on excepte l'affaire Polaroïd/Kodak que les Américains eux-mêmes considèrent comme un cas à part, les indemnités allouées aux USA restent considérablement plus élevées (...). La moyenne des décisions judiciaires hors jury, 45 millions de francs, est supérieure à la plus forte indemnité jamais allouée en France ».
PALMARÈS DES 5 PLUS FORTES INDEMNITÉS
ACCORDÉES EN FRANCE ET AUX ETATS-UNIS ENTRE 1990 ET 1996
(EN MILLIONS DE FRANCS)
FRANCE |
ETATS UNIS |
|||
Affaire |
Montant |
Affaire |
Montant |
|
Ciba Geigy & Rhône Poulenc/Interphyto |
40,3 |
Polaroïd/Kodak |
5 238,9 |
|
Gachot/Mecafrance |
33,0 |
Aplex Computer/Nintendo |
1 249,6 |
|
HK Industrie/Fichet Bauche |
15,6 |
Exxon Chemical/Lubrizol |
772,8 |
|
Step/Coster |
11,0 |
3M/Johnson & Johnson |
700,8 |
|
Coloplast/Hollister |
9,5 |
Hugues Aircraft/United States |
682,6 |
Source : Etude de Maître Pierre VÉRON, « Le contentieux des brevets d'invention en France, étude statistique, 1990-1996 »
Le « modèle » américain est plutôt considéré comme un repoussoir par les entreprises (qui sont susceptibles d'être, selon les circonstances, tout à tour contrefacteur ou contrefait).
L'idée d'introduire dans le droit français la possibilité de confisquer les bénéfices indus, sur le mode allemand, fait toutefois son chemin. Outre les entreprises, elle est envisagée favorablement par certains magistrats et avocats 69 ( * ) . Elle était d'ailleurs pratiquée en France avant une décision de 1963 de la Cour d'Appel de Paris 70 ( * ) , depuis lors avalisée par le code de la propriété intellectuelle (loi sur les brevets d'invention de 1968) .
* 69 Voir les comptes-rendus d'auditions en annexe du présent rapport.
* 70 Décision du 22 février 1963