II. LA PERSISTANCE DE ZONES D'OMBRE

A. LE FINANCEMENT INCERTAIN DES MESURES SOCIALES GOUVERNEMENTALES

1. 35 heures : la sécurité sociale paiera !

Votre commission, comme elle l'avait redouté, constate que le financement des 35 heures n'est pas assuré, comme l'a montré notre collègue Charles Descours, rapporteur des lois de financement de la sécurité sociale de notre commission des affaires sociales, au terme du contrôle qu'il a effectué sur le FOREC.

En dépit des multiples « tuyauteries » mises au point par le gouvernement, accentuant encore l'opacité des relations financières entre l'Etat et la sécurité sociale, et des contorsions législatives auxquelles il a dû se livrer pour sortir de l'impasse de financement, le déficit du FOREC est devenu structurel.

Le gouvernement a dès lors constamment cherché à masquer la vérité au Parlement comme aux partenaires sociaux sur le coût véritable des 35 heures, en surévaluant les recettes et en sous-estimant les dépenses 25 ( * ) .

En 2000, le déficit du FOREC est compris entre 13 et 17,6 milliards de francs :

Le compte du FOREC en 2000

(en millions de francs)

Mode de comptabilisation
12 mois civils ou 4 trimestres

Mode de comptabilisation 12 mois glissants ou 4 trimestres

Mode de comptabilisation 13 mois ou 5 trimestres

Régime général

68.103.848.898

70.897.403.032

75.569.548.898

Régime agricole

4.072.348.247

4.366.707.385

5.210.848 247

Autres régimes (pm)

?

?

?

TOTAL régimes

72.176.197.145

75.264.110.417

80.780.397.145

Recettes

59.040.000.000

63.200.000.000

63.200.000.000

Solde

- 13.136.197.145

- 12.064.110.417

-17.580.397.145

Source : rapport de M. Charles Descours au nom de la commission des affaires sociales du Sénat

En 2001, les dépenses sont beaucoup plus importantes que prévu, soit 10 à 15 milliards de francs supérieures à ce que prévoyait la loi de financement de la sécurité sociale :

Les dépenses 2001 du FOREC : les nouvelles prévisions

(en millions de francs)

Dépenses

Septembre 2000 (PLFSS 2001)

Janvier 2001 (DARES)

Janvier 2001 (ACOSS- MSA) (1)

Ristourne dégressive 1,3 SMIC (39 heures)

27.000

27.200

23.100

Loi Aubry I

16.200

17.100

14.600

Loi Aubry II

37.200

46.600

58.900

Aide de Robien

3.700

3.700

3.200

Majorations ZRR, ZF Corse et routiers

900

1.000

-

Exonération cotisations allocations familiales régimes spéciaux agricoles

300

300

300

Total dépenses

85.200

95.600

100.200

(1) citées dans la note de la Direction de la sécurité sociale du 24 janvier 2001.

Source : rapport de M. Charles Descours au nom de la commission des affaires sociales du Sénat

Compte tenu de recettes inférieures aux prévisions  -79,3 milliards de francs au lieu de 85,2 milliards de francs-, le déficit serait compris entre 16,4 et 20,9 milliards de francs.

Le gouvernement semble donc aujourd'hui avoir perdu la maîtrise du « monstre » qu'il a engendré, et a dû se mettre à la recherche d'un financeur en dernier ressort des 35 heures, refusant d'assurer les conséquences de ses choix. Il a trouvé ce financeur : c'est la sécurité sociale qui paiera.

Renouant avec la théorie des « retours » pour les finances publiques, dite aussi « recyclage », voire « autofinancement » de la réduction du temps de travail, qu'il avait finalement abandonnée à la fin de l'année 1999 devant les protestations des partenaires sociaux, le gouvernement a décidé de faire payer la sécurité sociale.

A l'occasion de la réunion de la commission des comptes de la sécurité sociale du 7 juin dernier, le gouvernement a officialisé la ponction de 12 milliards de francs sur le régime général, fragilisant ainsi l'amélioration de sa situation financière , même si, selon l'avant-propos du rapport sur les comptes de la sécurité sociale, le traitement comptable retenu « revêt un caractère transitoire ». En effet, pour le traitement en droits constatés de l'insuffisance des recettes destinées au FOREC, le régime général bénéficie d'une créance de l'Etat d'une dizaine de milliards de francs. Ce traitement comptable « devra être révisé lorsque des dispositions validant l'insuffisance de la compensation des exonérations en 2000 et en 2001 auront été prises » !

Votre commission tient à rappeler son hostilité au dispositif retenu par le gouvernement, et imposé à la sécurité sociale, qui présente surtout le grand tort d'être contraire à la loi. En outre, elle s'interroge sur la façon dont les 35 heures seront financées en cas de retournement de la conjoncture et, donc, de dégradation de la situation financière du régime général.

* 25 Les tableaux ci-dessous sont extraits du rapport de notre collègue Charles Descours.

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