2. Le contrôle financier et le conseil juridique
Rappelons que, conformément au principe de séparation des pouvoirs, le GAO, qui est rattaché au pouvoir législatif, n'exerce aucune prérogative de nature purement juridictionnelle, au contraire par exemple de la Cour des Comptes en France.
Au fil des années, le GAO s'est cependant vu confier par le Congrès l'exercice d'un assortiment hétéroclite de tâches juridiques ( legal services ) au profit du Congrès, comme, d'une certaine manière, de l'exécutif :
• En premier lieu, le Conseil général ( General Counsel ) du GAO examine les réglementations proposées par les agences fédérales que l'Office of Management and Budget identifie comme étant des réglementations importantes (« major rules »). Le GAO prépare ainsi un « rapport » sur chacun de ces textes (de l'ordre d'une dizaine par mois), sous quinze jours à compter de leur publication au « registre fédéral » ou de la réception d'une copie par le GAO Le GAO joue ainsi un rôle qui s'apparente au premier abord au rôle exercé en France par Conseil d'Etat pour l'examen des décrets en Conseil d'Etat.
Cependant, ces rapports ne sont pas destinés à l'exécutif, mais aux commissions compétentes des deux chambres du Congrès. Ils sont ainsi formellement adressés aux responsables respectifs de la majorité et de la minorité de ces commissions. En outre, ces rapports sont rendus publics, notamment via le site internet du GAO.
Il s'agit toutefois d'un examen a posteriori (les avis du GAO étant rendus après la publication des réglementations concernées), succinct et relativement formel : le GAO vérifie pour l'essentiel que la conception des réglementations concernées a respecté les règles de procédures prévues par la loi et les « executive orders » présidentiels, et que ces réglementations ne contreviennent pas au fond à la législation en vigueur.
S'agissant par exemple des normes relatives à la production et à l'importation de jus de fruits publiées le 19 janvier 2001 par la Food and Drug administration - FDA- (l'équivalent de notre ministère de la santé), le rapport B-287194 du GAO se compose d'un courrier d'une quinzaine de lignes et d'une annexe de deux pages adressés au président et au responsable de la minorité de la commission de l'agriculture, de l'alimentation et de la forêt du Sénat et de la commission de l'énergie et du commerce de la Chambre des représentants. Ces documents énoncent pour l'essentiel que la FDA a suivi en l'espèce les règles légales de procédure (réalisation d'une étude d'impact économique, publication d'une version provisoire et recueil des commentaires du public et des socio-professionnels, réalisation d'une étude sur le coût administratif de la norme pour les entreprises concernées, etc.).
• En second lieu, le Comptroller General du GAO rend chaque mois plusieurs avis aux départements et aux agences de l'exécutif sur la légalité de certaines dépenses. Ces avis sont publics .
Certains de ces avis sont politiquement sensibles . Par exemple, après l'affaire dite de l'Iran contra gate dans les années 1980, la Marine américaine s'est défaussée sur le Comptroller General du GAO de la décision relative à la suppression des droits à retraite pour le Colonel Oliver North, qui avait été condamné pour destruction de documents officiels.
La plupart des avis du GAO n'ont toutefois pas la même portée politique. A titre d'exemple, en janvier 2001, le GAO a publié trois avis :
- dans le premier avis, le GAO répondait à la direction de l'aviation civile qu'elle pouvait utiliser des crédits budgétaires destinés au remplacement d'équipements de contrôle aérien pour raser jusqu'au sol l'ancienne tour de contrôle de l'aéroport La Guardia à New York, qui appartient à la ville de New York et à l'Etat du New Jersey. Au terme d'une analyse de trois pages, le GAO conclut en effet que la direction de l'aviation civile peut raisonnablement estimer que la destruction de l'ancienne tour de contrôle est nécessaire à la construction de nouveaux équipements, d'une part ; qu'ils est possible d'utiliser des fonds fédéraux pour financer la démolition de bâtiments appartenant à des collectivités locales, d'autre part ;
- dans le second avis (six pages), le GAO estimait, en réponse à une demande des services du district fédéral de Columbia, que le District pouvait accepter des services et des équipements téléphoniques d'une valeur de 1,53 million de dollars en règlement amiable d'un litige ;
- enfin, dans le troisième avis, plus long (treize pages) et semble-t-il d'une plus grande portée, le GAO analysait certaines relations financières entre le département de l'énergie et une entreprise publique d'enrichissement d'uranium, pour conclure que ces relations étaient irrégulières, et que, si les versements prévus avaient effectivement eu lieu, le département de l'énergie devait en rendre compte au Président et au Congrès.
• Par ailleurs, le Conseil général du GAO joue un rôle de médiation entre les administrations publiques et les entreprises qui estiment qu'un contrat ou un marché public ont été ou sont en passe d'être accordés illégalement. Le GAO rend ainsi plusieurs dizaines de « decisions » par mois, le plus souvent sur saisine de soumissionnaires évincés. Ces avis, qui lient les administrations concernées, sont publiés. Il s'agit là d'une compétence originelle du GAO, qui fut confirmée par le Competition in Contracting Act de 1984.
A titre d'exemple, aux termes de cinq pages d'analyse détaillée de la législation et de sa propre jurisprudence, ainsi que des pièces de l'appel d'offres, la decision du GAO du 6 février 2001 Newfield constructio, Inc . estime fondée la réclamation d'une entreprise évincée au profit d'un autre soumissionnaire dont le dossier était pourtant incomplet, et recommande en conséquence à l'administration concernée d'allouer le marché au plaignant, et de lui accorder sous 60 jours le remboursement des frais liés à sa plainte.
• En outre, le GAO est chargé depuis 1974 d'examiner pour le compte du Congrès les annulations de crédits ( impoundments ) décidées par l'exécutif.
En effet, aux termes du Budget Act de 1974, le Président a l'obligation d'informer le Congrès des annulations de crédits envisagées, et de les justifier, en distinguant entre les reports de crédits ( referrals ) et les annulations définitives ( recissions ), ces dernières étant ensuite soumises au Congrès selon une procédure très contraignante : les annulations définitives proposées par le Président ne sont possibles que si elles sont confirmées par le Congrès sous 45 jours. La distinction entre les reports et les annulations est donc essentielle. Pour éviter que le Président ne classe des annulations parmi les reports, le Congrès a donc confié au GAO le soin de vérifier les documents transmis par le Président, et le cas échéant de déférer la classification proposée devant les tribunaux fédéraux.
• Le GAO exerce également des tâches plus anecdotiques. Par exemple, aux termes du Davis-Bacon Act , c'est le Département du travail (l'équivalent du ministère de l'Emploi) qui instruit les plaintes des salariés fédéraux alléguant du niveau insuffisant des rémunérations perçues, mais c'est le GAO qui est chargé le cas échéant de collecter les sommes dues auprès des agences concernées, de les déposer sur un compte spécial auprès du Trésor et de payer les salariés concernés. Le GAO est responsable devant le Congrès de la gestion de ce Trust , dont les actifs s'élevaient à 4,7 millions de dollars à la fin de 1999.