2. Malgré de réels progrès en termes de pluralisme, l'analyse économique demeure largement un oligopole public
a) Les moyens des institutions indépendantes demeurent modestes
Il est difficile d'effectuer un tour d'horizon exhaustif des cellules d'analyse économique dont disposent l'ensemble des institutions publiques et privées, et cette États-Unis ne s'y essaiera pas.
Cependant, si l'on excepte la création de l'IRES et de l'OFCE, il semble bien que le paysage institutionnel ait relativement peu changé au cours des vingt dernières années en matière d'études et de prévisions économiques indépendantes.
A titre d'illustration, on peut souligner que le « panel de conjoncture » constitué par le Conseil d'analyse économique ne rassemblait en 1998 que les représentants de quatre institutions indépendantes parmi lesquelles, outre l'OFCE, trois institutions qui existaient déjà en 1978, et dont les moyens ont eu depuis lors tendance à stagner :
- issu de la fusion entre REXECO et l'IPECODE, l'institut REXECODE 21 ( * ) emploie aujourd'hui 19 personnes , dont 10 économistes et 4 statisticiens, contre 15 personnes pour le seul REXECO en 1978.
REXECODE est une association qui a pour objectif premier de répondre aux besoins d'information et de prévision économique de ses adhérents (entreprises, organismes professionnels et institutions publiques, dont le Sénat). Ceux-ci versent des contributions annuelles qui constituent la principale ressource de l'association.
Par ailleurs, quelques membres « associés », parmi lesquelles des organisations patronales et des grandes entreprises versent des cotisations de « soutien », qui permettent à l'institut de nourrir le débat public au travers de la diffusion d'une revue trimestrielle, dont la publication s'accompagne d'une conférence de presse.
Au total, REXECODE dispose ainsi d'un budget d'une dizaine de millions de francs, dont quelques pour cents seulement proviennent des administrations publiques, et ne bénéficie d'aucun statut fiscal privilégié : prestataire de services à des entreprises, REXECODE est considéré par l'administration fiscale comme une association à but lucratif.
Malgré ces moyens relativement modestes, l'offre d'expertise de REXECODE est très appréciée.
En effet, l'institut est en mesure de réaliser des études spécifiques très opérationnelles à la demande d'entreprises ou d'institutions publiques. Par exemple, REXECODE a récemment réalisé une évaluation comparative des systèmes d'information statistique sur les administrations publiques dans quatre pays industrialisés, dont la France 22 ( * ) . Ces études sont en principe facturées au coût complet ;
- le bureau d'études et de prévisions économiques (BIPE) est un cabinet de consultants qui propose des analyses conjoncturelles originales à un réseau d'entreprises et d'institutions publiques adhérentes, et qui réalise des études économiques à la demande. Le BIPE s'est ainsi principalement spécialisé dans les études sectorielles. Par exemple, le BIPE a récemment remis à la délégation du Sénat pour la planification une étude relative à la contribution du secteur automobile à l'économie française. Le BIPE emploie aujourd'hui environ 75 personnes (contre 72 en 1978) ;
- le centre d'observations économiques (COE) de la chambre de commerce et d'industrie de Paris (CCIP) a été fondé en 1957, afin notamment de réaliser des prévisions économiques. Le COE emploie aujourd'hui 21 personnes, dont 9 économistes et 4 statisticiens, contre un total de 30 personnes en 1978.
Le COE effectue aujourd'hui des analyses conjoncturelles, des prévisions de court terme et des simulations réalisées à l'aide du modèle macro-économétrique multinational OEF. Le COE conduit également des enquêtes statistiques sur les comportements d'épargne et de consommation des ménages, ainsi que sur l'image relative des produits français, cette dernière enquête étant étroitement suivie par les entreprises. En outre, le COE a construit plusieurs indicateurs conjoncturels originaux, par exemple un indicateur de risque d'inflexion de la conjoncture et un indicateur de l'évolution du commerce mondial.
Ces travaux sont principalement diffusés au travers d'une lettre mensuelle (tirée à 4.500 exemplaires). Ils connaissent un large écho au delà du réseau consulaire. Bénéficiant d'une certaine indépendance à l'intérieur de la CCIP, qui dispose par ailleurs d'un service d'études et que ses travaux n'engagent aucunement, le COE a ainsi développé un partenariat avec la commission européenne pour la construction d'un modèle sectoriel et conduit parfois des études à la demande d'institutions publiques.
En particulier, le COE a réalisé à la demande de la délégation du Sénat pour la planification des « variantes » à l'aide de son modèle macro-économétrique. En outre, le COE participe au développement d'un réseau international d'instituts de conjoncture.
Au total, les moyens cumulés de ces trois instituts s'élèvent aujourd'hui à 115 personnes, contre 120 personnes en 1978.
Quant au GAMA , qui était en 1978 le principal centre universitaire en matière de macro-économie, il a vu les moyens qui lui étaient alloués s'effondrer.
Au total, les effectifs cumulés des principales institutions indépendantes d'études et de prévisions économiques ne dépassent toujours pas 200 personnes.
Comme le soulignait ainsi en 1992 le Conseil économique et social 23 ( * ) , les moyens des instituts économiques indépendants demeurent donc globalement insuffisants .
* 21 Centre de Recherches pour l'Expansion de l'Economie et le Développement des Entreprises.
* 22 Cf. « Les lacunes de l'information statistique relative aux administrations publiques », rapport du Sénat n°203, 1999-2000.
* 23 Cf. l'avis du Conseil économique et social du 28 janvier 1992 sur le rapport de Mme Jacqueline Laroche-Brion relatif à « l'information économique et sociale ».