b) L'OFCE
En revanche, l'observatoire français des conjonctures économiques (OFCE) est sans doute l'institution française dont le rôle et l'organisation s'apparentent le plus à ceux des Think Tanks américains.
L'OFCE fut créé en janvier 1981 au sein de la fondation nationale des sciences politiques (FNSP), par une convention passée entre le Premier ministre et le président de la fondation, avec pour missions, selon le décret du 11 février 1981, « d'étudier scientifiquement et en toute indépendance la conjoncture de l'économie française, ses structures et son environnement extérieur, notamment européen, d'effectuer des comparaisons avec les économies étrangères, de formuler dans la mesure où il l'estimera possible, des prévisions économiques, à court, moyen et long terme ». Le budget annuel de l'OFCE est d'environ 22 millions de francs . Ce budget provient pour l'essentiel (94 % en 1999) d'une subvention versée par les services du Premier ministre dans le cadre d'une convention pluriannuelle (6 ans) renouvelable par tacite reconduction. Cette subvention , qui s'est élevée à 20,54 millions de francs en 1999, transite par la FNSP, dont le conseil d'administration est garant de l'indépendance de l'OFCE. Cette subvention est complétée par la rémunération des études réalisées à la demande d'autres institutions publiques ou privées, qui leur sont facturées au coût marginal (pour un total de 0,84 million de francs en 1999). Par ailleurs, les recettes tirées de la vente des publications représentent un peu moins de 2 % du budget de l'institut. Elles ne couvrent d'ailleurs pas entièrement les frais de fabrication, de distribution, de publicité et de gestion des abonnements. Ces diverses ressources permettaient en 1999 à l'OCFE de disposer de 45 emplois , dont une trentaine de chercheurs. Certains d'entre eux sont détachés de la fonction publique, mais la plupart sont recrutés sur des contrats de droit privé . L'indépendance institutionnelle de l'OFCE repose sur son statut original au sein d'une fondation de droit privé, sur le mode de désignation de son président (nommé par le président de la FNSP avec toutefois l'agrément du Premier ministre) et sur le prestige personnel de ses présidents successifs (M. Jean-Marcel Jeanneney, ancien ministre, de 1981 à 1989, puis M. Jean-Paul Fitoussi, professeur des universités, depuis 1989). Le président de l'OFCE est responsable de son fonctionnement général, de ses travaux et de ses publications. Par ailleurs un conseil scientifique délibère sur l'utilisation des moyens et l'orientation des travaux. Il est composé, outre du président, de cinq membres de droit (le gouverneur de la Banque de France, le commissaire au plan, le président du Crédit national, le directeur général du CNRS, le directeur général de l'INSEE) et de cinq membres élus par des organismes à vocation scientifique. En outre, un comité consultatif de vingt membres, élus pour moitié par le conseil scientifique et pour moitié par le Conseil économique et social, procède deux fois par an à l'examen critique des publications de l'OFCE. Ces deux organes renforcent l'indépendance de l'institution. |
L'OFCE anime aujourd'hui très largement les débats publics en matière d'économie, de finances publiques et de politiques sociales. En effet, l'OFCE s'assigne pour objectif « de mettre au service du débat public en économie les fruits de la rigueur scientifique et de l'indépendance universitaire », comme l'y invitait le Premier ministre en 1989 19 ( * ) .
Pour ce faire, l'OFCE s'efforce de publier des informations aussi « lisibles » que celles publiées par les administrations, et de réaliser des travaux en prise avec l'actualité économique et sociale.
Outre des prévisions et des projections économiques, l'OFCE publie ainsi fréquemment des analyses de politiques publiques, notamment une étude d'impact de chaque loi de finances. De même, l'OFCE porte un regard critique sur certaines statistiques publiques.
Enfin, l'OFCE s'attache à donner la plus large diffusion possible à ses travaux, notamment en diffusant des communiqués de presse ou en organisant des conférences de presse à l'occasion de la publication de ses principaux travaux.
L'OFCE emploie d'ailleurs une chargée de communication qui, à l'instar des services de communication des Think Tanks américains, s'efforce de mettre ses chercheurs en relation avec des journalistes et les aide à publier des articles d'opinion, non sans succès puisque l'OFCE et ses chercheurs ont été cités dans les média plus de 400 fois en 1999.
Enfin, l'OFCE réalise fréquemment des études pour des organismes publics ou privés. En particulier, l'OFCE réalise chaque année des projections économiques de moyen terme à la demande de la délégation du Sénat pour la planification. Toutes ces études sont ensuite intégralement publiées dans les revues de l'institut.
Au total, l'OFCE joue un rôle analogue à celui des principaux Think Tanks américains et apporte une contribution appréciée à la pluralité des analyses économiques.
On peut toutefois noter que l'OFCE ne répond que partiellement aux six conditions énoncées par le rapport Lenoir-Prot (taille suffisante, durée, cohérence, qualité, accès aux sources, indépendance).
En premier lieu, les ressources budgétaires de l'OFCE sont relativement fragiles et irrégulières. Quoique, en principe, inscrites dans le cadre d'une convention pluri-annuelle, elles doivent en effet être renégociées chaque année, et certaines régulations budgétaires ont parfois obligé l'OFCE à réduire ses effectifs 20 ( * ) .
De plus, ces ressources ne permettent pas à l'OFCE d'offrir des rémunérations comparables à celles de la fonction publique : malgré des efforts récents de revalorisation des chargés d'études, la rémunération offerte par l'OFCE à un jeune docteur est environ moitié à un tiers moindre que celle proposée par la direction de la prévision. Certes, cet écart est pour partie compensé par les facilités de publications et par la notoriété que confère l'institution. Il se traduit cependant par un turnover relativement élevé.
Enfin, au contraire de la plupart des Think Tanks américains, l'OFCE n'a pas accès aux données budgétaires, fiscales et sociales détaillées dont disposent les administrations publiques. Par exemple, lorsqu'ils effectuent des travaux de projection à moyen terme à la demande de la délégation du Sénat pour la planification, les experts de l'OFCE ne peuvent réaliser des projections détaillées du compte des administrations publiques analogues à celles qui sont faites par la direction de la prévision, faute notamment de données suffisamment précises.
* 19 Cf. compte rendu de l'audition de M. Jean-Paul Fitoussi, in « De l'information du parlement au contrôle du gouvernement », rapport de l'Assemblée nationale de M. Laurent Dominati n°2065, 1995, page 66.
* 20 Cf. compte rendu de l'audition de M. Jean-Paul Fitoussi, in « De l'information du parlement au contrôle du gouvernement », rapport de l'Assemblée nationale de M. Laurent Dominati n° 2065, 1995, page 70.