D. L'ACCÈS AUX DOSSIERS FISCAUX DES PERSONNES SOUMISES À LA PROCÉDURE DE CONFIRMATION DES NOMINATIONS
Rappelons que le pouvoir de nomination du Président des États-Unis est limité. En effet, les nominations à un certain nombre de postes, correspondant grosso modo aux personnes nommées par décret en Conseil des ministres en France, sont soumises à une procédure de confirmation de la part du Sénat, qui dispose donc d'un droit de veto.
Or les fonctionnaires de la commission conjointe des impôts exercent en la matière une prérogative particulière : à la demande des commissions compétentes au fond, ces fonctionnaires peuvent en effet établir un rapport ( a priori secret) sur la situation fiscale personnelle des personnes nominées.
Ce rôle fut notamment mis en lumière lorsque les fonctionnaires de la commission conjointe réalisèrent des rapports sur les situations fiscales respectives de Gerald Ford et de Nelson Rockefeller à l'occasion de leurs nominations successives comme vice-Président des États-Unis au cours des années 1970.
E. L'ESTIMATION DU COÛT DES PROPOSITIONS DE LOI FISCALES
La loi confie au staff de la commission conjointe des impôts une mission de chiffrage ( scoring ) de toutes les propositions de lois fiscales. Il s'agit là d'une mission essentielle. En effet, les textes fiscaux ne peuvent en principe être examinés en séance plénière sans avoir été chiffrés. En outre, le Budget Enforcement Act de 1990 dispose que toutes les baisses de recettes doivent être gagées à due proportion par la hausse d'autres prélèvements ou par la réduction de dépenses permanentes.
Les chiffrages du staff de la commission conjointe en matière de recettes fiscales jouent donc un rôle déterminant analogue au chiffrage du CBO en matière de dépenses publiques.
Il convient de souligner que cette mission de chiffrage est assignée non pas à la commission conjointe des impôts en tant qu'organe politique du Congrès, mais bien directement au staff de la commission des impôts conjointe, qui exerce cette tâche en toute indépendance .
Même si la procédure parlementaire, notamment à la Chambre, restreint souvent le droit d'amendement, par exemple en fixant des limites au nombre d'amendements déposés ou en imposant un dépôt plusieurs jours avant la séance, ces chiffrages sont de plus en plus nombreux : au cours de la période 1992-1997, le staff de la commission conjointe a réalisé en moyenne 2.000 chiffrages par an , pour la plupart à titre préliminaire.
Il s'agit là toutefois d'un ordre de grandeur comparable, sinon inférieur, au nombre annuel de chiffrages d'amendements parlementaires ou de projets gouvernementaux effectués en France par la direction de la législation fiscale .
Au delà de cette mission de chiffrage, le staff de la commission conjointe des impôts est également chargé de publier annuellement des projections à cinq ans de l'ensemble des dépenses fiscales , analogues aux projections à plus court terme des dépenses fiscales publiées chaque année en France par le ministère de l'Economie et des Finances dans le bleu budgétaire des voies et moyens.
Les méthodes et les instruments de chiffrage des staffers de la commission conjointe des impôts sont similaires à ceux du CBO (cf. chapitre III).
En premier lieu, ceux-ci s'appuient sur des modèles de micro - simulation des échantillons de déclaration d'impôt collectés par l'administration fiscale, dont l'évolution à dix ans est simulée à partir des projections économiques et socio-démographiques établies par le CBO Ces modèles permettent de simuler l'impact de nouvelles mesures sur les dix prochaines années en matière d'impôt sur le revenu, d'impôts sur les professionnels et sur les entreprises, enfin d'impôts sur les successions et les donations.
En second lieu, ils recourent de manière intensive à des techniques économétriques , par exemple en matière d'amortissements ou d'avantages sociaux ( employee benefits ).
Enfin, les estimations des staffers de la commission conjointe des impôts reposent aussi pour une large part sur des « jugements d'experts », fondés notamment sur des revues de la littérature et sur le recours à des conseils externes officieux.
Le rôle important des jugements d'experts dans les chiffrages explique d'ailleurs la pression politique à laquelle les staffers de la commission conjointe des impôts sont soumis. Ils semblent toutefois y résister, puisqu'ils ont, semble-t-il à tort, la réputation de surestimer les pertes de recettes résultant d'allégements d'impôts et de sous-estimer les gains potentiels de nouvelles taxes, donc d'entraver les projets des parlementaires.