c) Des récompenses honorifiques
Outre les services détaillés supra, les donateurs des Think Tanks peuvent toutefois accéder à des distinctions honorifiques soigneusement graduées en fonction du niveau de leur contribution.
Les mécènes de la Brookings , « membres du conseil » à partir de 5.000 dollars par an, deviennent ainsi membre du « Director's Circle » à partir de 10.000 dollars annuels, puis membre du « President's Circle » à partir de 25.000 dollars annuels et membre du « Chairman's Circle » à partir de 50.000 dollars annuels.
En outre, les membres du Director's Circle (plus de 25.000 dollars par an), bénéficient d'une mention spéciale dans le rapport annuel de l'institution et voient leur nom gravé sur la liste d'honneur des donateurs dans le hall de l'institution.
Le seuil de déclenchement de ces distinctions est d'ailleurs variable selon que le Think Tank cible ou non des contributions de faible montant unitaire.
Alors que la Brookings cible ainsi les mécènes les plus riches, il suffit d'une contribution annuelle de 500 dollars pour devenir « Donor » et se voir mentionner dans le rapport annuel de l'Economic Policy Institute , qui ne prévoit d'ailleurs aucune distinction supérieure à celle de « Sponsor », correspondant à une contribution annuelle supérieure à 1.000 dollars.
Ces distinctions sont personnellement et socialement valorisantes aux États-Unis.
d) Une tradition culturelle
Les motivations des mécènes des Think Tanks semblent toutefois largement dépasser la recherche de distinctions socialement honorifiques.
Par exemple, on voit mal quel prestige supplémentaire pourrait retirer Paul Volcker, ancien Président du Conseil des gouverneurs de la Fed, de la publicité du don important qu'il a effectué en 1999 au profit de la RAND.
Ce mécénat trouve donc ses racines dans la culture associative et les valeurs communautaires américaines.
Beaucoup d'Américains considèrent en effet le fait de donner du temps et/ou de l'argent à des activités d'intérêt général comme un devoir civique , un impératif moral ou religieux, et pour ceux qui prônent le désengagement de l'Etat au profit des initiatives privées, comme un devoir de cohérence intellectuelle.
A titre d'exemple, la lettre ouverte du Cato Institute aux donateurs potentiels contient de vibrants appels à la charité volontaire présentée comme l'exercice de la liberté individuelle et comme l'incarnation des valeurs de solidarité spontanée de l'Amérique (opposée aux « appétits voraces » des autorités fiscales et à un « tissu de réglementations déshumanisantes »).
Par ailleurs, nombre d'Américains aisés s'estiment redevables envers la société qui leur a donné leurs chances , et souhaitent en promouvoir les valeurs.
Ces sentiments de « dette » et de responsabilité sociale des personnes aisées sont toutefois plus prégnants dans les grandes familles traditionnelles de l'Est que parmi les nouvelles fortunes issus de la nouvelle économie : certains dirigeants de Think Tanks regrettent ainsi de l'érosion des activités de mécénat, et surtout l'avarice relative des « nouveaux riches de la Silicone Valley », qui « estiment ne rien devoir à la société ».