II. L'EXEMPLE DES SERVICES ÉCONOMIQUES DE L'ADMINISTRATION PRÉSIDENTIELLE
A. L'OFFICE OF MANAGEMENT AND BUDGET (OMB)
1. Des missions étendues
On peut rappeler que, jusqu'au début du vingtième siècle, le budget des États-Unis était entièrement construit par le Congrès à partir des demandes formulées par les ministères dépensiers, ce qui s'est révélé progressivement inadapté.
En conséquence, le Budget and Accounting Act de 1921 a confié au Président des États-Unis le soin de centraliser et d'arbitrer les demandes de crédits des différents ministères et de présenter une proposition de budget (le « budget du Président ») qui doit servir ensuite de référence pour les débats parlementaires, même si elle est finalement mise en pièces par le Congrès.
Pour préparer cette proposition de budget, le Budget and Accounting Act de 1921 a créé un « bureau du budget » initialement rattaché au secrétaire d'Etat au Trésor.
En 1939, le président Roosevelt l'intégra dans son bureau exécutif, dont il devint la structure la plus importante (après la CIA).
En 1970, le bureau du budget fut transformé en un « bureau du management et du budget » ( Office of Management and Budget , OMB).
Comme son nom l'indique, l'OMB exerce aujourd'hui une double mission .
En premier lieu, l'OMB est chargé de préparer la proposition du budget du Président, de suivre les débats budgétaires au Congrès et de superviser l'exécution du budget voté.
Pour ce faire, l'OMB participe avec le Trésor et avec le Conseil des conseillers économiques à la « Troïka » chargée de réaliser des prévisions et des projections macro-économiques. A partir de ces prévisions macro-économiques, l'OMB réalise des projections de l'évolution des dépenses et des recettes publiques, qui servent ensuite d'éléments de cadrage pour la préparation du budget du Président.
Parallèlement, l'OMB collecte et examine les demandes de crédits formulées par les administrations dépensières, en s'assurant de la compatibilité de ces demandes avec la législation en vigueur (notamment avec les plafonds de dépenses prévus), comme avec les orientations politiques du Président, et plus généralement en exerçant un certain contrôle de gestion les programmes et les administrations concernées.
A partir de ces demandes de crédits, d'une part, de son cadrage macro-économique et budgétaire, d'autre part, l'OMB propose alors environ un an avant le début de l'année fiscale des plafonds de dépense pour chaque agence fédérale.
Les agences fédérales qui s'estiment insuffisamment pourvues peuvent alors faire appel auprès du Président, qui rend traditionnellement ses derniers arbitrages avant Noël pour l'année fiscale commençant en octobre de l'année suivante. Ces arbitrages sont donc rendus beaucoup plus tôt qu'en France.
L'OMB finalise alors la proposition de budget du Président, qui est transmise au Congrès au début du mois de février.
Cette proposition, présentée de manière beaucoup plus accessible que le projet de loi de finances initiale en France, s'accompagne d'annexes détaillant notamment les projections associées, des séries de données rétrospectives, des précisions méthodologiques, ainsi qu'un « guide sur le budget fédéral » à l'attention des citoyens ( Citizen's Guide to the Federal Budget ).
Ensuite, l'OMB exerce le suivi de l'ensemble des débats budgétaires au Congrès. En particulier, les principaux dirigeants de l'OMB justifient les priorités budgétaires du Président auprès des parlementaires, soit dans le cadre d'auditions devant les commissions et sous-commissions compétentes, soit de manière plus informelle.
Enfin, l'OMB coordonne l'exécution du budget et met en oeuvre l'ensemble des dispositions législatives visant à la maîtrise automatique des dépenses.
Au total, l'OMB joue donc le rôle exercé en France par la direction du budget, par la sous-direction de la direction de la prévision en charge des finances publiques et par les cabinets respectifs du ministre de l'économie et des finances et du ministre du budget.
Cependant, le rôle de l'OMB ne se limite pas aux seuls aspects budgétaires.
En effet, l'OMB exerce des missions plus générales de coordination interministérielle d'une part, de supervision et de coordination de la gestion des agences fédérales, d'autre part.
L'OMB exerce ainsi les fonctions de coordination interministérielle et de préparation des arbitrages du chef du gouvernement qui sont dévolues en France au cabinet du Premier ministre. En effet, l'OMB organise les réunions de coordination inter-agences sur les politiques interministérielles, s'assure de ce que les projets d'executive orders (« règlements présidentiels ») reflètent bien les positions de l'ensemble des administrations concernées et prépare le cas échéant les arbitrages du Président.
De même, l'OMB assure un rôle d'interface entre l'administration fédérale et le Congrès. A l'occasion du dépôt d'une proposition de loi, l'OMB organise ainsi les réunions interministérielles qui visent à préparer la position de l'administration fédérale, puis valide l'ensemble des avis transmis au Congrès (qui seront annexés aux rapports des commissions).
Par ailleurs, l'OMB assure pour le compte du Président, parfois en vertu de dispositions législatives expresses, la tutelle des agences fédérales : l'OMB supervise ainsi leur gestion, leur l'organisation et les textes réglementaires qu'elles élaborent, notamment en matière de systèmes d'information, de procédures d'achat et de relations avec le public.
Par exemple, l'OMB est chargé de la coordination du « programme statistique du gouvernement des États-Unis », et c'est l'OMB qui fut chargé de coordonner les efforts des administrations fédérales pour le passage à l'an 2000.
De même, l'OMB coordonne la mise en oeuvre par les administrations fédérales des dispositions législatives relatives à la réforme de l'Etat, comme le Government Performance and Results Act (la « loi sur la performance et les résultats des administrations »), qui impose aux agences fédérales de publier des programmes stratégiques et des rapports de performance.
Dans ce cadre, l'OMB prépare notamment les directives et les textes réglementaires qui constituent le principal instrument dont dispose le Président des États-Unis pour intervenir sur la gestion et sur l'organisation des agences fédérales.
L'OMB édicte ainsi des textes sur des sujets aussi variés la préparation du budget, la gestion des établissements d'enseignement, la location ou à l'achat de bâtiments par les administrations fédérales, le taux d'actualisation à retenir pour l'évaluation coûts-avantages des politiques publiques, le développement de grands systèmes informatiques fédéraux ou les règles de fonds et de procédure relatives aux subventions fédérales aux collectivités locales.
L'OMB pilote ainsi la réforme de l'administration américaine.
En conclusion, on peut souligner que les trois missions de préparation du budget, de coordination interministérielle et de pilotage de la réforme de l'Etat sont exercées aux États-Unis par une direction unique placée sous l'autorité directe du chef de l'exécutif, ce qui semble très efficace.
On peut également souligner que cette direction s'efforce également de constituer une administration modèle, notamment en matière de transparence et d'accès aux documents administratifs, mais aussi d'organisation interne.
Relativement détaillé (seize pages), le programme stratégique de l'OMB, que l'on peut consulter sur Internet à l'adresse http://www.whitehouse.gov/omb/organization/stratplan.html , constitue d'ail-leurs une excellente illustration de l'intérêt comme des limites de l'exercice.