II. LES OBJECTIFS DE CE RAPPORT D'INFORMATION : EXAMINER DANS QUELLE MESURE LES ÉTATS-UNIS CONSTITUENT UN MODÈLE
A. LES ÉTATS-UNIS SONT SOUVENT CITÉS EN EXEMPLE EN MATIÈRE D'INFORMATION ÉCONOMIQUE
Dans ce contexte, et dans le cadre de ses travaux de réflexion sur la réforme de l'ordonnance organique relative aux lois de finances, la commission des finances du Sénat a souhaité prendre du recul en étudiant les pratiques des autres pays industrialisés en matière d'information économique, à l'instar de la démarche engagée par le rapport Lenoir-Prot.
Pour ce faire, la commission des finances a commandé à l'institut REXECODE 28 ( * ) une étude comparative relative à l'information statistique disponible sur les administrations publiques dans quatre pays : l'Allemagne, les États-Unis, la France et le Royaume-Uni.
Les principaux enseignements de cette étude, annexée au rapport de la commission des finances du Sénat sur « les lacunes de l'information statistique relative aux administrations publiques » 29 ( * ) sont rappelés dans l'encadré ci-après.
Les principaux enseignements de l'étude de REXECODE annexée au rapport de la commission des finances du Sénat sur « les lacunes de l'information statistique relative aux administrations publiques » L'information statistique disponible sur les administrations serait dans l'ensemble moins bonne qu'aux États-Unis, ainsi que, dans une moindre mesure, au Royaume-Uni et en Allemagne. En particulier les statistiques infra-annuelles sur les finances publiques et sur les effectifs de la fonction publique seraient en France sensiblement en deçà de celles des autres pays étudiés, et la publication de séries statistiques rétrospectives sur les finances publiques serait lacunaire en France. Par ailleurs, selon REXECODE, le développement d'une comptabilité patrimoniale de l'État semblerait « plus avancé dans les autres grands pays qu'il ne l'est à l'heure actuelle pour la France ». En conclusion, REXECODE formulait plusieurs suggestions , dont certaines pourraient être immédiatement concrétisées : - la création d'une revue mensuelle d'information statistique sur les finances publiques ; - la publication et le respect d'un calendrier prévisionnel de diffusion des statistiques relatives aux comptes publics, comme c'est d'ores et déjà le cas pour les statistiques relatives à la comptabilité nationale ; - le développement de l'accès des tiers et en particulier, des instituts d'étude et de recherche indépendants aux administrations financières ; - la diffusion aux centres de recherche indépendants des fichiers de données permettant d'effectuer des simulations fiscales alternatives ; - le développement de programmes de recherches comparatives, confiés à des équipes universitaires et à des instituts de recherche indépendants, sur les méthodes, les coûts et les résultats des administrations publiques des grands pays industrialisés. |
Parallèlement, la commission des finances du Sénat a souhaité disposer d'informations comparatives plus générales sur l'organisation d'ensemble de l'information économique dans d'autres pays principaux pays industrialisés.
Elle a sollicité pour ce faire la délégation du Sénat pour la planification.
En effet, la délégation du Sénat pour la planification constitue déjà un observatoire privilégié de l'information économique en France, compte tenu notamment de ses relations de travail soutenues avec la plupart des principaux organismes français d'études et de prévisions économiques.
Ce rapport d'information s'est centré sur un seul pays : les États-Unis .
Ce choix s'imposait assez naturellement.
Certes, les États-Unis sont à tous égards moins proches de la France que ne le sont, par exemple, l'Allemagne, le Royaume-Uni ou l'Italie, de sorte que leurs pratiques et leurs institutions sont beaucoup moins transposables .
Néanmoins, les États-Unis sont souvent cités en exemple dans les débats relatifs à l'information économique.
Lors de son audition par la commission d'enquête du Sénat sur le fonctionnement des services de l'État pour l'élaboration et l'exécution des lois de finances, M. Christian Sautter, ancien ministre de l'économie et des finances a ainsi mis en exergue la qualité de l'expertise indépendante en matière fiscale aux États-Unis : « vous me permettrez d'insister sur un point. Aux États-Unis - je ne suis pas choqué de les citer - des centaines d'universitaires travaillent sur les finances publiques. Des universitaires ont des modèles de calcul des recettes fiscales et ils font des études sur la fiscalité. Je l'ai dit brièvement dans mon exposé introductif, la recherche universitaire [française] porte trop peu sur les finances publiques » 30 ( * ) .
De même, les « offices » d'expertise, de contrôle et d'évaluation du Congrès des États-Unis sont souvent évoqués par des responsables politiques de toutes tendances comme des modèles à suivre pour renforcer les moyens d'information et de contrôle du Parlement.
Par exemple, lors d'un entretien au journal Le Monde , M. Jack Lang, ministre de l'éducation nationale estimait ainsi que la voie à suivre pour « un meilleur équilibre des pouvoirs et un renforcement des droits des citoyens » serait « la voie de parlementarisation, avec le retour d'une forme de souveraineté législative et de vrais moyens de contrôle budgétaire, à l'image du Congrès américain » 31 ( * ) .
Si les institutions américaines comme le General Accounting Office (GAO), le Congressional Budget Office (CBO) ou les Think Tanks sont souvent mentionnées en France, elles n'en demeurent pas moins largement méconnues , faute notamment d'information détaillée publiée à ce jour en français.
Ce rapport vise à combler cette lacune.
Compte tenu des débats en cours, et du rapport précité de la commission des finances du Sénat sur les lacunes de l'information statistique sur les administrations publiques, ce rapport s'est centré sur trois thèmes :
- l'information économique du Congrès des États-Unis, avec une présentation d'ensemble des moyens d'information du Congrès (chapitre I), puis des monographies détaillées (chapitres II à V) sur le service des études du Congrès (CRS), sur les offices d'expertise du Congrès en matière budgétaire (le Congressional Budget Office , CBO) et fiscale (le Joint Committee on T axation , JCT) et sur l'organe d'audit et de contrôle des administrations rattaché au Parlement (le General Accounting Office , GAO), enfin une synthèse relative aux relations complexes entre ces offices et les organes politiques du Congrès (chapitre VI) ;
- l'organisation du système statistique public (chapitre VII) et des services d'analyse économique des administrations fédérales (chapitre VIII), ainsi que la diffusion et la transparence de leurs travaux (chapitre IX) ;
- le rôle de la banque centrale , des institutions financières privées, des universités et des Think Tanks dans les débats de politique économique (chapitres X et XI).
Ce rapport s'intéresse plus particulièrement à la production et à la première diffusion de l'information économique . Il n'aborde donc ni le rôle de retraitement et de rediffusion de l'information économique par les grands médias, ni les problèmes de réception de cette information par les citoyens, pour partie liés à leur formation initiale en économie. Ces sujets mériteraient pourtant une analyse approfondie.
De même, ce rapport a pris le parti de se limiter à l'information économique destinée à éclairer les décisions publiques , à l'exclusion notamment de la recherche « fondamentale » en matière d'économie ou de statistiques, et surtout de l'information économique destinée à éclairer les décisions des entreprises.
En revanche, cette étude est relativement détaillée . En effet, en matière d'organisation administrative, les enseignements les plus utiles, parce que les plus transposables, résident souvent dans le détail des procédures.
Concrètement, votre rapporteur s'est rendu aux États-Unis du 25 septembre au 2 octobre 2000, puis il a « épluché » la documentation recueillie, notamment les rapports des offices du Congrès.
Il en résulte un rapport « d'étonnement », dans une perspective résolument comparatiste .
* 28 Centre de Recherches pour l'Expansion de l'Economie et le Développement des Entreprises.
* 29 Rapport du Sénat n°203, janvier 2001.
* 30 Cf. « En finir avec le mensonge budgétaire », rapport du Sénat n°485,1999-2000, page 43.
* 31 Cf. Le Monde du 14 février 2001.