4. La fourniture gratuite des moyens nécessaires à la recherche : un frein persistant au développement de la recherche biomédicale
L'article R. 2038 du code de la santé publique dispose que : " Les objets ou matériels ainsi que les médicaments ou produits mentionnés à l'article R. 5123 39 ( * ) sont fournis gratuitement, ou mis gratuitement à disposition pendant le temps de l'essai par le promoteur.
Il précise également que : " Le promoteur prend en charge les frais supplémentaires liés à d'éventuels fournitures ou examens spécifiquement requis par le protocole de l'essai.
Il stipule enfin que : " Si la mise en oeuvre du protocole est de nature à entraîner des frais supplémentaires de fonctionnement pour un établissement public ou privé, le promoteur prend ces frais en charge.
" Lorsque l'essai est réalisé dans un établissement public ou privé, la prise en charge des frais mentionnés aux deux précédents alinéas fait l'objet d'une convention conclue entre le promoteur et le représentant légal de cet établissement. "
Déjà en 1994, votre rapporteur appelait de ses voeux " une modification de cette réglementation, particulièrement pénalisante lorsque les personnes se prêtant à un essai en retirant un bénéfice individuel direct auraient dû en toute hypothèse utiliser ou se voir implanter le matériel faisant l'objet de l'essai ". 40 ( * )
Dans une réponse 41 ( * ) à une question écrite 42 ( * ) de votre rapporteur, le ministre avait annoncé que : " des modifications pourraient être envisagées " au vu des conclusions d'un rapport de l'Inspection générale des affaires sociales.
De fait, le rapport de l'IGAS 43 ( * ) constatait que la gratuité de la fourniture du matériel pendant la durée de l'expérimentation pouvait " représenter un surcoût net impossible à supporter " lorsque les promoteurs étaient des personnes physiques ou un établissement de recherche ou un organisme sans but lucratif.
L'IGAS considérait que cette réglementation était " d'autant plus insupportable, ne pouvant qu'inciter les industriels à ne pas effectuer les essais en France, que ces matériels (étaient) inévitablement implantés sur des sujets qui en (avaient) besoin, pour lesquels l'assurance maladie aurait, dans tous les cas, à supporter une charge financière due aux soins ".
Votre rapporteur a pu constater, au cours des auditions, que cette exigence constituait toujours un obstacle au développement de la recherche biomédicale en France 44 ( * ) .
Ainsi, selon le Syndicat national de l'industrie des technologies médicales (SNITEM), cette disposition a amené de nombreuses entreprises internationales à effectuer leurs recherches dans d'autres pays. Il considère par ailleurs qu'il existe aujourd'hui un certain consensus pour revenir sur le principe de gratuité. Selon ce syndicat professionnel, une solution pourrait consister à indemniser le promoteur sur la base du tarif de responsabilité de la sécurité sociale applicable aux dispositifs ou produits auxquels se substituent les dispositifs ou produits faisant l'objet de la recherche.
Le professeur Patrice Jaillon, président de l'Association pour le développement de la pharmacologie clinique, a confirmé que le principe de gratuité posé par l'article R. 2038 constituait un handicap pour le développement de l'innovation dans le domaine de la recherche biomédicale. Il a suggéré, quant à lui, une prise en charge financière par le Programme hospitalier de recherche clinique (PHRC).
Les représentants de l'INSERM ont estimé que l'obligation faite au promoteur de fournir gratuitement des médicaments ou produits utilisés dans l'essai " devrait pouvoir être levée, pour tous les médicaments ou produits mentionnés explicitement dans le protocole, dès lors qu'ils concernent un traitement ou un produit déjà autorisé, quand celui-ci est administré dans les indications correspondant aux autorisations de mise sur le marché ".
Selon eux : " cette exemption devrait pouvoir être étendue aux médicaments ou produits utilisés couramment dans une indication non mentionnée dans l'autorisation de mise sur le marché, dès lors que la recherche vise justement à évaluer leur rapport bénéfice/risque dans cette situation et que le promoteur est une institution publique ou reconnue d'utilité publique ", ajoutant qu'" actuellement certains coûts de recherches étaient incompatibles avec les contraintes de la recherche publique, ce qui freinait la réalisation d'études pourtant nécessaires, notamment dans le domaine de l'évaluation de stratégies en thérapeutique et en santé publique ".
* 39 C'est-à-dire " les médicaments ou produits soumis à l'essai et les éventuels médicaments de référence ou produits de référence ou placebos ".
* 40 Voir rapport n° 307 du Sénat (1993-1994) fait au nom de la commission des Affaires sociales sur la proposition de loi de MM. Claude Huriet et Franck Sérusclat tendant à réformer la loi n° 88-1138 du 20 décembre 1988 modifiée (par la loi n° 90-86 du 23 janvier 1990 et la loi n° 91-73 du 18 janvier 1991), relative à la protection des personnes qui se prêtent à des recherches biomédicales, M. Claude Huriet, rapporteur, p. 25.
* 41 JO Questions Sénat du 1 er juillet 1993, p. 1062 .
* 42 JO Questions Sénat du 29 avril 1993, p. 719 .
* 43 Rapport de l'IGAS n° 93-121, " L'expérimentation sur l'Homme : la loi du 20 décembre 1988 modifiée dite loi Huriet ", tome I, p. 272.
* 44 Voir à cet égard le II-A-1-a) du présent rapport .