CHAPITRE III -
LA
FRANCE : DES POSITIONS À CONSOLIDER
I. SINGAPOUR ET LA MALAISIE : LES DEUX PREMIERS PARTENAIRES ECONOMIQUES DE LA FRANCE DANS UNE RÉGION PROMETTEUSE
A. LES GÉMONIES APRÈS LES NUES ? L'ASIE DE L'EST, UN POTENTIEL À NE PAS SOUS-ESTIMER
A l'heure où l'émergence de la Chine et son admission à l'Organisation mondiale du commerce (OMC) focalisent l'attention, la crise asiatique a ébranlé la confiance placée dans le développement de l'Asie du Sud-Est, tandis que le modèle japonais, grand-frère et précurseur des tigres asiatiques, semble lui-même s'essouffler. Doit-on pour autant détourner le regard de cette zone et vouer aux gémonies une région jadis portée aux nues ?
La délégation estime que la crise que traverse ou qu'a traversée l'Asie du Sud Est ne doit pas occulter la rapidité de sa convalescence ni faire oublier son potentiel de développement à moyen terme.
1. Des turbulences aux racines certes profondes
Les éléments de fragilité de l'Asie du Sud Est existent bel et bien, même s'ils ont longtemps été occultés par le miracle économique de la région.
a) Un ensemble régional disparate
L'Asie du Sud-Est regroupe des Etats d'une extrême diversité.
Sur le plan économique, l'Association des nations du Sud Est asiatique (ASEAN) est très hétérogène. En 1998, la moitié des 10 membres cumulait 94 % du PIB total de l'association, évalué à environ 670 milliards de dollars américains.
LES PIB DES PAYS DE L'ASEAN
(en milliards de dollars, chiffres 1998).
Source : " World Development Indicators " de la Banque Mondiale
Ces différences s'interprètent bien sûr par des disparités de taille et de population (entre l'Indonésie, archipel de 17.000 îles et 200 millions d'habitants et Singapour ou Bruneï, l'échelle n'est pas la même) mais également, voire avant tout, par des écarts très importants de niveau de développement . Les pays membres de l'ASEAN couvrent à eux seuls l'ensemble du spectre du développement économique. Alors que Singapour possède un niveau de vie comparable à celui des pays développés, d'autres Etats à l'histoire tourmentée ( Cambodge ), longtemps fermés ( Vietnam, Laos ), ou encore isolés ( Birmanie ), font toujours partie des plus pauvres du monde.
Le fait est que les pays de l'Asie du Sud Est disposent de ressources naturelles et humaines relativement hétérogènes, et qu'ils s'inspirent de modèles économiques différents.
- En tant que pays socialiste, le Vietnam suit attentivement les évolutions de son voisin et rival de toujours, la Chine. L'accession prochaine de cette dernière à l'OMC et la libéralisation progressive de son économie, à l'aide de flux massifs d'investissements directs étrangers, rendent d'autant plus nécessaires les efforts d'ouverture de ce petit pays. Pour pouvoir espérer moderniser et développer son économie, il doit plus que jamais convaincre des investisseurs quelque peu désabusés de sa réelle volonté de réforme.
- Les Philippines partagent de nombreux points communs avec les pays d'Amérique latine (déficits et endettements publics incontrôlés, pouvoir politique à connotation populiste, faible épargne.. ;) bien qu'intégrées dans le circuit asiatique de production électronique. Elles disposent d'atouts comparatifs certains, notamment une main d'oeuvre qualifiée et anglophone, et n'ont pas connu tous les excès du capitalisme asiatique des années 1990. Mais le manque de crédibilité du pouvoir politique continue à handicaper le retour des capitaux étrangers, lesquels sont cruciaux pour assurer une croissance soutenue.
- La Thaïlande et l'Indonésie ont été directement touchées par la crise financière de 1997. Pour elles, l'enjeu principal est la rénovation de leur modèle de développement, dont la plupart des travers ont été regroupés sous le terme de " crony capitalism " 32 ( * ) . Dans ces pays, les réformes structurelles nécessitent encore des efforts coûteux et une certaine détermination politique, surtout en Indonésie, pays au bord de l'éclatement où les autorités ne disposent pourtant que de marges de manoeuvre budgétaire, monétaire et politique très limitées. En Indonésie, la méfiance des investisseurs étrangers, aggravée par des incertitudes politiques fortes, rend d'autant plus difficile la relance de l'économie et l'assainissement financier.
* 32 Terme péjoratif, qu'on pourrait traduire par " capitalisme de copinage ".