B. UN " TIGRE " ASIATIQUE EN DÉVELOPPEMENT RAPIDE
1. La contagion du développement
A la première vague de développement asiatique, celle des " dragons ", ou NPI, a rapidement succédé une deuxième vague de développement touchant les économies émergentes d'Asie (Thaïlande, Malaisie, Indonésie et Philippines), et surnommées les " tigres " asiatiques.
a) De l'exploitation des ressources naturelles à l'industrialisation par l'exportation
La Malaisie a globalement suivi la voie du rattrapage économique décrit ci-dessus et valable pour nombre de pays asiatiques, dont on ne reprendra donc ici que les grandes lignes, s'attachant à mettre en lumière les spécificités de ce pays sur la voie du développement.
Dans les années cinquante, le tiers du PIB malaisien reposait sur l'extraction de deux matières premières (l'étain et le caoutchouc) dont l'exploitation remontait à la colonisation britannique. Le pays s'est par la suite lancé dans une politique de transformation des matières premières locales et de substitution des importations.
Les années soixante-dix ont vu se développer une politique publique ambitieuse d'industrialisation dans les secteurs de base , d'une part, ainsi que de mise en place progressive d'une promotion des exportations , d'autre part. Parallèlement, la création de zones industrielles fut destinée à attirer les investissements directs étrangers.
A la suite de la crise qui affecte le cours des matières premières au début des années 1980 et qui touche les économies de la région, la stratégie de développement se tourne de plus en plus vers l'appel aux investissements étrangers . Les secteurs exportateurs (mises à part les matières premières) avaient été peu développés au cours de la période antérieure, le pays ne disposant pas de véritable marché. L'ouverture aux capitaux étrangers, à l'instar de ce qui s'était fait avec succès à Singapour, se présente donc comme une alternative naturelle. Elle va s'opérer à peu près au même moment dans l'ensemble de la zone du sud-est asiatique, à partir de la seconde moitié des années quatre-vingt .
Alors que les règles de participation étrangère au capital des entreprises étaient jusqu'alors moins libérales, à compter de 1986, les projets à 100 % de participation étrangère sont autorisés, à condition que 80 % de la production soit exportée (ce qui signifie que les firmes multinationales se voient accorder l'accès au marché local à hauteur de 20 % de leur production). En 1986, un premier programme de privatisations est mis en oeuvre. Au total, le montant des investissements étrangers a très significativement augmenté à compter de cette date.
Le mode de développement retenu à partir de ce virage de la moitié des années 1980 se fonde sur l'insertion dans la division internationale du travail et des processus de production . L'insertion dans l'économie mondiale est favorisée par l'appréciation de la monnaie japonaise à compter des accords du Plaza en 1985, ainsi que des dollars taïwanais et singapourien. Ces évolutions nominales entraînent une délocalisation des zones de production au sein de l'ensemble asiatique entre l'Asie du Nord et celle du Sud-Est, entre " dragons " et " tigres " et servent de moteur à la transformation progressive de l'économie malaisienne.
Cette dernière bascule progressivement vers les secteurs secondaires et tertiaires, comme le montre le graphique ci-dessous :
LA STRUCTURE DE L'ÉCONOMIE :
DE
L'INDUSTRIALISATION À LA TERTIARISATION
Source : Banque Mondiale
Les flux financiers qui se développent à cette époque accélèrent la mise en place d'un partage du travail entre une Asie développée, dont les coûts de production se sont envolés, et l'Asie émergente, qui fait de ses bas coûts de production un avantage concurrentiel de premier ordre.
En outre, le rôle des diasporas asiatiques est souvent central dans la constitution de réseaux d'affaires intra-asiatiques qui favorisent la " contagion " du développement.
Certains auteurs 16 ( * ) estiment ainsi que le développement de l'Asie émergente a été particulièrement facilité par l'existence de la diaspora chinoise , présente dans tous les pays concernés. Les autres communautés asiatiques, notamment coréenne, japonaise, vietnamienne, conservent également une cohérence forte à l'étranger et jouent un rôle crucial dans l'organisation de réseaux internationaux et dans la circulation des connaissances et des moyens financiers. Mais la communauté chinoise reste de très loin la plus importante.
L'ouverture de l'économie malaisienne , mesurée par l'importance du commerce extérieur par rapport au produit intérieur brut (PIB), est particulièrement rapide :
LE RATIO COMMERCE EXTÉRIEUR/PIB (EN %)
Indonésie |
Malaisie |
Philippines |
Thaïlande |
Singapour |
|
1985 |
34 |
86 |
32 |
42 |
280 |
1991 |
48 |
151 17 ( * ) |
46 |
70 |
294 |
Source : " ANSEA, la décennie prodigieuse ", D. Besson et M. Lanteri, notes et études documentaires, 1994.
Cette progression est d'autant plus remarquable que le PIB, sur la période, a également augmenté très rapidement.
La transformation de la structure du commerce extérieur est, elle aussi, spectaculaire.
En dix ans, la place du secteur primaire dans les exportations a reculé très sensiblement, au bénéfice des produits manufacturés et des machines et biens d'équipement, qui représentent environ 60 % des exportations en Malaisie dans les années 1990 (contre 27 % en 1980). Cette déformation de la structure du commerce extérieur reflète la politique de diversification économique mise en oeuvre à compter des années quatre-vingt.
ÉVOLUTION DE LA STRUCTURE DES EXPORTATIONS
Source : Banque Mondiale
* 16 M. Eric Bouteiller notamment. Voir par exemple " Le développement économique de l'Asie orientale ", collection Repères, La Découverte 1995.
* 17 Ce ratio est aujourd'hui de 200 %.