DEUXIÈME PARTIE
LE CHOC DE LA
TGAP : UNE RUPTURE MAL GÉRÉE
Au plan financier, 1999 a constitué une année charnière pour l'ADEME. Jusqu'en 1998, l'agence était principalement financée par des taxes affectées (et minoritairement par des crédits budgétaires). Depuis 1999, suite à la création de la TGAP qui a regroupé ces taxes pour les verser au budget général de l'Etat (en 1999) puis au Fonds de financement de la réforme des cotisations patronales de sécurité sociale (FOREC - depuis 2000), l'ADEME est financée presque exclusivement par des crédits d'origine budgétaire.
Le passage d'une autonomie financière assurée par des taxes affectées à un subventionnement budgétaire n'a pas été conduit de façon satisfaisante par le gouvernement.
I. 1998 : LA FIN D'UN FINANCEMENT PAR TAXES AFFECTÉES
A. JUSQU'EN 1998, UN FINANCEMENT PEUT-ÊTRE INJUSTEMENT CRITIQUÉ
Jusqu'en 1998, le financement de l'ADEME était assuré à plus de 70 % par des taxes fiscales et parafiscales 18 ( * ) dont l'agence assurait le recouvrement ainsi que la gestion, et à moins de 30 % par des crédits d'origine budgétaire (ministères de l'environnement, de l'industrie et de la recherche) 19 ( * ) .
Cette situation permettait à l'ADEME de bénéficier d'une relative autonomie financière et de se soustraire largement à l'arbitrage budgétaire.
1. Un financement qui reposait sur des taxes très dynamiques
La part des taxes dans le budget de l'ADEME n'a cessé de croître jusqu'en 1998 en raison principalement de l'augmentation de leur produit. Ainsi, entre 1995 et 1998, le produit des taxes a doublé pour atteindre 1,3 milliard de francs.
Produit des taxes affectées à l'ADEME (1994-1999)
(en millions de francs)
Taxe |
1994 |
1995 |
1996 |
1997 |
1998 |
1999 |
Taxe sur les déchets ménagers |
395 |
420 |
690 |
770 |
920 |
1310 |
Taxe sur les déchets industriels spéciaux |
-- |
-- |
85 |
93 |
99 |
118 |
Taxe sur la pollution atmosphérique |
187 |
160 |
134 |
187 |
171 |
185 |
Taxe sur les nuisances sonores |
30 |
30 |
32 |
38 |
56 |
66 |
Taxe sur les huiles de base |
21 |
107 |
114 |
114 |
96 |
129 |
TOTAL |
633 |
717 |
1 055 |
1 202 |
1 342 |
1 808 |
Ces taxes ne relèvent pas toutes de la compétence du législateur : en particulier, les taxes parafiscales ne sont pas des " impositions de toute nature " et peuvent être instituées par simple décret. Le recours aux taxes parafiscales limite le contrôle parlementaire au seul vote annuel de l'autorisation de continuer à percevoir les taxes existantes.
Depuis plusieurs années, en raison notamment de la dynamique des taxes affectées, une tendance à la débudgétisation de l'ADEME était apparue, la part des crédits budgétaires dans le financement de l'agence se réduisant au profit de celle des taxes affectées. La Cour des comptes 20 ( * ) a indiqué par ailleurs, s'agissant des exercices 1992 à 1995, que la diminution du volume des autorisations de programme accordées par les trois ministères de tutelle s'était accompagnée de constants retards dans leur couverture par les crédits de paiement, cause de " graves difficultés de trésorerie " pour l'agence.
2. Un mode de financement vertueux
Votre rapporteur spécial estime que les taxes affectées constituaient une application efficace du principe pollueur-payeur .
En effet, ce système présentait le triple avantage :
- d'inciter les acteurs économiques et en particulier le monde industriel à réduire leur pollution, par l'existence de taxes dissuasives ;
- de les aider à financer leur politique de dépollution grâce aux subventions issues du produit des taxes ;
- d'associer très étroitement ces acteurs économiques aux différentes politiques de dépollution, grâce à leur présence au sein des comités de gestion des taxes.
Ce mécanisme a pourtant été largement critiqué, souvent injustement par ceux qui estiment qu'il faut déconnecter la taxe de la subvention et qui invoquent une prétendue règle du " double dividende " pour affecter le produit des taxes au financement de la politique des 35 heures décidée par le gouvernement.
Le gouvernement a donc remplacé un système de financement compris et accepté par ceux qui y contribuaient par un système dans lequel les pollueurs peuvent considérer qu'ils ont achètent désormais un " droit à polluer " en s'acquittant de la taxe dont ils sont redevables.
Un solution intermédiaire préférable aurait pu être l'affectation du produit de la TGAP au budget général avec, en contrepartie, des engagements de l'Etat sur l'évolution pluriannuelle du financement de l'ADEME. Or, l'affectation de la TGAP au budget général de l'Etat n'a duré qu'un an et l'ADEME n'a jamais bénéficié de visibilité sur son budget.
3. Une certaine lourdeur de gestion
Il faut toutefois reconnaître que la gestion de ces crédits était particulièrement rigide : l'équilibre entre recettes et dépenses devait être réalisé au niveau de chaque type de pollution car aucun transfert de ressources entre compartiment n'était autorisé ; il pouvait donc y avoir des insuffisances de moyens de paiement sur certaines actions alors que, paradoxalement, existaient sur d'autres actions des excédents croissants mais indisponibles car non fongibles.
D'une façon générale, le mécanisme de taxes étanches a conduit à prélever plus d'argent que nécessaire et à accroître les réserves de l'ADEME 21 ( * ) (1,4 milliard de francs en 1995 et jusqu'à plus de 3 milliards de francs en 1998). Le fait que le rythme de perception des taxes affectées à l'ADEME ait été supérieur à l'emploi des taxes (du fait notamment de l'atonie des projets d'investissement entre 1995 et 1997) explique donc la progression de la trésorerie de 1995 à 1998 et l'apparition du mythe du " tas d'or " de l'ADEME.
* 18 Liste en annexe n° 3.
* 19 Pour couvrir notamment une partie des dépenses de fonctionnement de l'agence ainsi que ses dépenses d'intervention en matière d'énergie et de recherche.
* 20 Observations précitées.
* 21 Cette trésorerie des taxes est en régression depuis la fin du financement par taxes affectées (3 milliards de francs fin 1998, 2 milliards en 1999, 1,8 milliard au 29 juin 2000, etc.), à mesure que les reliquats des anciennes taxes sont consommés. En outre, une lettre de Mme Florence Parly, secrétaire d'Etat au budget, datée du 26 décembre 2000, permet désormais de fongibiliser la trésorerie des anciennes taxes à compter du 1 er janvier 2000 : cette trésorerie " historique " devrait ainsi être ramenée à zéro avant l'automne 2001.