C. BILAN DU PATRIMOINE ET ÉVOLUTION DES TRAVAUX ENTREPRIS DANS LE DOMAINE DE L'EAU ET DE L'ASSAINISSEMENT
12. Intervention de M. Daniel TARDY , président de la Fédération nationale des travaux publics (FNTP)
• L'état de notre patrimoine est vieillissant malgré des efforts d'équipement récents. Le patrimoine français vieillit et il ne répond plus aux besoins légitimes de la population. Il va de soi que la qualité de l'eau est la première préoccupation des Français, devant la pollution de l'air. L'enquête de l'IFEN confirme, du reste, que leurs craintes sanitaires se sont accrues. Elles ont doublé au cours de ces deux dernières années. Tous les équipements ne concernent pas l'eau potable, ils peuvent également être dédiés aux eaux usées et pluviales.
L'ensemble de ce patrimoine est évalué à 630 milliards de francs. Il se répartit entre l'eau potable : 450 milliards de francs, le secteur des eaux usées : 150 milliards de francs et les eaux pluviales : 30 milliards de francs. Au rythme actuel d'investissement, un délai d'achèvement des programmes d'équipement de l'ordre de 15 à 20 ans est envisagé.
La montée en puissance des programmes d'intervention des agences de l'eau permet toutefois, depuis quelques années, de lutter contre le vieillissement du patrimoine. Les investissements ont ainsi augmenté de façon considérable mais se stabilisent désormais. Toutefois, l'accroissement des moyens des agences s'est traduit par une augmentation parallèle du prix de l'eau.
• La France ne sera pas en mesure de respecter les engagements européens dans les délais prévus.
Quelles dépenses la France va-t-elle devoir engager afin de respecter les échéances européennes ? Bien entendu, chaque acteur de l'eau fournit sa propre estimation. Selon les services économiques de la FNTP, les investissements nécessaires pour satisfaire les normes européennes s'élèveront au moins à 350 milliards de francs, voire 500 milliards si l'on intègre les frais d'entretien et de réhabilitation.
Les investissements induits par la réglementation européenne se décomposent, par secteur, de la façon suivante :
Eau potable |
au moins 150 milliards de francs dont 75 milliards de francs pour le plomb |
Protection des eaux souterraines |
au moins 15 milliards de francs, au titre des pollutions diffuses |
Eaux résiduaires urbaines |
au moins 85 milliards de francs |
Assainissement pluvial |
90 milliards de francs |
Lutte contre les inondations |
15 à 20 milliards de francs |
• La France a besoin d'outils d'expertise pour recenser les besoins et mettre en place un programme d'action ambitieux et pérenne.
Nous ne disposons malheureusement que d'une connaissance insuffisante de l'état du patrimoine français qui ne nous permet pas de recenser correctement nos besoins en matière d'équipement. Une première expérience a été conduite dans le département de la Manche. Le recensement exhaustif réalisé met en évidence 12.000 km de canalisations, patrimoine estimé à 2,7 milliards de francs et nécessitant des travaux de l'ordre de 850 millions de francs dans les 10 ans à venir. Cette démarche se poursuit dans d'autres départements. A partir de ces premiers résultats, l'effort d'investissement au niveau national pourrait être évalué à 80 milliards de francs auxquels il faudrait ajouter les efforts pour améliorer la qualité du service.
Devant l'importance de ces enjeux, la France ne pourra pas respecter les délais impartis : les moyens accordés aujourd'hui à la politique de l'eau sont insuffisants. Plus de vingt ans seront nécessaires pour respecter les normes européennes si l'on conserve notre rythme actuel d'investissements. De plus, seule une connaissance satisfaisante du patrimoine de notre pays permettra de recenser les besoins et de mettre en place un programme d'action ambitieux et pérenne. Aujourd'hui, nous réclamons le recensement des équipements publics et la création d'un Observatoire. Celui-ci permettra de suivre la réalisation des investissements et s'assurera que les directives européennes sont bien appliquées.
La politique de l'eau a besoin d'une nouvelle dynamique. A ce titre, la fixation d'objectifs précis devra absolument s'accompagner de la mise en place de moyens financiers adaptés. Bien entendu, nous devrons empêcher le détournement des fonds collectés au titre de l'eau.