II. Audition de M.
Jean-Noël Lesellier,
chargé du comité de liaison des
services
et de Mlle Florence Despret,
chargée des relations avec
le Parlement français, au MEDEF
Si le programme " Nouveaux services - Emplois-jeunes " est une idée généreuse pour un objectif noble, le dispositif mis en place soulève de nombreuses difficultés.
D'une part, les entreprises qui ont pourtant vocation à accueillir les emplois-jeunes à la sortie du dispositif n'ont été associées ni en amont, ni au démarrage du programme. On commence seulement aujourd'hui à chercher à les associer.
D'autre part, ce programme induit des effets pervers pour le secteur privé. Il s'est en effet traduit, de façon certes marginale, par la suppression d'un certain nombre d'emplois dans le secteur marchand, les activités des emplois-jeunes entrant parfois en concurrence directe avec des métiers déjà assurés par des sociétés commerciales. Dans la mesure où les activités assurées par les emplois-jeunes sont très largement subventionnées, la concurrence avec le secteur marchand devient très inégale. Mais au-delà de ces disparitions d'emplois, le programme s'est principalement traduit par un phénomène d'éviction, empêchant la création d'emplois de service dans le secteur marchand.
En outre, la méthode retenue est contestable. Il aurait été plus judicieux de solvabiliser la demande plutôt que de subventionner les activités nouvelles pour leur permettre d'afficher un coût artificiellement faible. Dans ce cadre, il aurait donc été préférable d'aider le consommateur final, notamment par des incitations fiscales, à acheter ces nouveaux services mais à leur prix réel. Cela aurait permis de faciliter leur pérennisation en familiarisant dès l'origine le consommateur au prix réel du service.
De plus, le caractère innovant du programme est loin d'être toujours évident. Certains emplois-jeunes se révèlent exercer des métiers " classiques ", existant ou ayant existé. L'agent communal d'environnement est ainsi très proche du cantonnier. En définitive, seul l'affichage du métier a évolué, une logique plus moderne d'animation se substituant à celle de réglementation ou de contrôle.
Pour autant, ce programme revêt quelques aspects positifs. Il a évité une désocialisation pour de nombreux jeunes en leur offrant une occupation à connotation professionnelle. Il leur a aussi permis d'acquérir une première expérience, même si celle-ci est loin d'être toujours adaptée au cadre de l'entreprise. Il a également permis de sensibiliser de nombreux jeunes à l'esprit d'entreprise : 20 % des aides éducateurs envisageraient ainsi de créer leur propre activité
La difficulté principale réside aujourd'hui dans le passage vers le privé des emplois-jeunes à l'issue de leur contrat.
Compte tenu des besoins actuels, certains emplois-jeunes devraient pouvoir trouver assez facilement un emploi dans le secteur marchand. C'est le cas notamment de ceux ayant exercé leur activité dans le domaine des nouvelles technologies de l'information et de la communication (NTIC).
Les entreprises se sont également mobilisées pour faciliter le passage de ces jeunes vers le secteur privé. Ainsi, en septembre 1999, dans le cadre d'un accord de partenariat conclu entre le ministère de l'éducation nationale et le comité de liaison des services, sept entreprises volontaires se sont engagées, par des accords-cadres, à recruter 3.600 aides éducateurs sur une période de trois ans, l'éducation nationale se chargeant d'assurer une présélection. D'autres accords-cadres pourraient encore être signés à l'avenir, si le ministère de l'éducation nationale ne modifie pas sa politique en la matière.
Il n'en demeure pas moins que tous les emplois-jeunes ne pourront, en l'état actuel des choses, trouver un emploi dans le secteur privé à l'issue de leur contrat. Cela apparaît d'autant plus paradoxal que les emplois-jeunes sont des emplois de service et que l'on se dirige vers une économie de service.
D'une part, de nombreux emplois-jeunes ne souhaitent visiblement pas trouver un emploi dans le secteur marchand.
D'autre part, les emplois-jeunes sont victimes d'une image plutôt négative, certains chefs d'entreprise jugeant que les activités qui leur sont confiées ne constituent pas de réels emplois, que leur professionnalisation est incertaine et qu'ils n'ont guère l'expérience du travail en équipe.
Enfin, la professionnalisation des emplois-jeunes, et notamment leur formation, reste insuffisante. Les entreprises ne sont en effet que faiblement et inégalement associées aux plates-formes régionales de professionnalisation, qui semblent plutôt privilégier des partenariats avec l'AFPA et les GRETA. Les emplois-jeunes, de leur côté, ne bénéficient que d'un faible soutien à la construction d'un projet professionnel réel et cohérent, hormis peut-être dans le cas de l'éducation nationale.
Dans ces conditions, il paraît nécessaire d'accompagner le passage des emplois-jeunes vers le secteur marchand en incitant les entreprises à recruter des emplois-jeunes. Une telle incitation pourrait, par exemple, prendre la forme d'un crédit d'impôt.