TRAVAUX DE LA COMMISSION

Réunie le mardi 19 septembre 2000, sous la présidence de M. Jean Delaneau, président, la commission a procédé à l'examen du rapport de M. Claude Huriet sur la proposition de loi n° 318 (1999-2000), adoptée par l'Assemblée nationale, tendant à la création d'une Agence française de sécurité sanitaire environnementale .

M. Claude Huriet, rapporteur, a indiqué que la proposition de loi proposait de créer une Agence française de sécurité sanitaire environnementale (AFSSE) dans le droit fil de la réflexion engagée dans le cadre de la loi du 1 er juillet 1998 sur le renforcement de la veille sanitaire et le contrôle de la sécurité sanitaire des produits destinés à l'homme.

Il a évoqué les conclusions du rapport remis au Premier ministre en novembre 1998 par M. André Aschieri et Mme Odette Grzegrzulka.

Il a rappelé les grandes lignes du dispositif mis en place par la loi du 1 er juillet 1998 en soulignant que le Sénat avait donné la priorité au renforcement de la sécurité sanitaire des produits destinés à l'homme, qu'il s'agisse des aliments ou des produits de santé.

Il a souligné que la notion d'environnement était très large et qu'elle recouvrait les milieux naturels, les milieux domestiques et les milieux professionnels et par ailleurs, que les risques pouvant affecter la santé de l'homme pouvaient être de nature biologique, chimique ou physique.

S'agissant de la nécessité de créer une nouvelle agence dans le domaine sanitaire environnementale, M. Claude Huriet, rapporteur, a constaté la forte attente de l'opinion, ainsi que l'importante médiatisation des questions relatives à l'environnement.

Il a souligné que le progrès technique et le développement économique entraînaient, dans les sociétés modernes, une augmentation des risques sanitaires environnementaux, attestée par l'augmentation de la part relative des décès dus aux pathologies infectieuses ou au cancer, notamment chez les jeunes enfants.

Il a considéré que le manque d'information sur les seuils de doses dangereuses, l'impact des temps d'exposition ou les synergies entre substances dangereuses, entraînait, dans l'opinion, un sentiment de défiance qui rendait plus difficile la gestion, par les pouvoirs publics, des crises environnementales.

Il a estimé que ce sentiment de défiance était aggravé par le foisonnement, le cloisonnement et la dispersion des organismes chargés de procéder à l'analyse, l'évaluation et à l'expertise des risques sanitaires environnementaux.

Après avoir évoqué quelques organismes impliqués dans le domaine des relations entre la santé et l'environnement, il a estimé que le dispositif français, qui ne manquait ni de moyens, ni de compétences, souffrait d'une insuffisance de lisibilité et de la faiblesse du rapport entre le coût et l'efficacité.

Il a souligné le contraste entre la situation française et la situation aux Pays-Bas, où le rôle dévolu, par exemple, à l'Institut national de la santé publique et de l'environnement (RIVM), dont il a pu s'entretenir avec les responsables, à Utrecht, est important.

Il a abordé ensuite la difficulté d'évaluer les risques sanitaires relatifs à l'environnement.

Après avoir rappelé que le champ de compétences était vaste et les facteurs de risques multiples, il a considéré que beaucoup restait à faire pour étudier les conséquences des expositions chroniques et multiples à des quantités de polluants faibles.

Il a estimé que l'intervention des agences de sécurité sanitaire s'effectuait sur des domaines de complexité croissante : le domaine de l'environnement semblant, à cet égard, plus complexe que celui de la sécurité des produits alimentaires, lui-même plus difficile à cerner que celui des produits de santé.

Il a considéré que l'AFSSE, sous sa forme issue de la proposition de loi, ne serait pas à la hauteur des enjeux, parce que la définition de sa mission était trop imprécise et parce que le nouvel organisme n'était conçu que comme une " tête de réseau " ayant seulement vocation à faire travailler de manière coordonnée l'ensemble des organismes spécialisés dotés d'experts en protection sanitaire des milieux.

Constatant que laisser en l'état le dispositif issu des travaux de l'Assemblée nationale ne répondrait pas aux attentes de l'opinion, M. Claude Huriet, rapporteur, a estimé que le renforcement de l'agence passait par les termes de l'alternative suivante :

- soit doter l'agence de moyens humains et budgétaires importants et pérennes,

- soit créer l'agence en la dotant d'un noyau dur à partir d'organismes existants qui pourraient tirer parti de leur autorité et de leur expérience pour lui donner une existence " réelle " et non " virtuelle ".

M. Claude Huriet, rapporteur, a proposé de mieux définir les attributions de l'AFSSE et de prévoir que celle-ci serait constituée par le transfert des droits et obligations de l'Institut national de l'environnement industriel et des risques (INERIS) et de l'Office de protection contre les rayonnements ionisants (OPRI).

Concernant le choix de l'OPRI, M. Claude Huriet, rapporteur, a précisé que le projet de réforme de la sécurité nucléaire annoncé en décembre 1998 à la suite du rapport de M. Jean-Yves Le Déaut n'était pas entré en vigueur à ce jour. Il s'est interrogé sur le risque qu'il y aurait de confier à une même institution, fut-elle une autorité indépendante, les fonctions d'évaluation des risques, de contrôle des installations et de gestion des crises.

M. Charles Descours a partagé le diagnostic du rapporteur sur la difficulté plus grande de créer une agence dans le domaine de l'environnement que dans celui des produits de santé et des aliments. Il a craint que le nouvel organisme ne soit une nouvelle " coquille vide " qui décevrait rapidement l'opinion. Il a considéré que le projet de réforme qui était contenu dans le rapport de M. Jean-Yves Le Déaut était difficilement compatible avec la création d'une agence de sécurité sanitaire environnementale. Il a considéré que les amendements de M. Claude Huriet permettaient de donner à l'agence le minimum de crédibilité nécessaire.

M. François Autain a admis les inconvénients soulevés par la prolifération des organismes compétents dans le domaine des relations entre la santé et l'environnement et la redondance de leurs activités. Il s'est demandé si la création d'une agence unique de sécurité sanitaire n'aurait pas été préférable à la coexistence de plusieurs agences sectorielles spécialisées. Il s'est inquiété des réactions irrationnelles de l'opinion en remarquant que si le risque relatif à la pollution atmosphérique était connu et accepté, le dossier des organismes génétiquement modifiés entraînait des réactions de crainte excessives. Se référant aux difficultés de communication sur le naufrage de l'Erika, il a souhaité que l'agence permette aux diverses structures concernées par la sécurité sanitaire environnementale de parler d'une seule voix et d'améliorer la communication publique en ce domaine. Il a souligné que la volonté du Sénat de constituer l'Agence française de sécurité sanitaire des aliments (AFSSA) à partir du Centre national d'études vétérinaires et alimentaires (CNEVA) n'était plus contestée aujourd'hui, malgré les diverses critiques ou craintes émises à l'origine. Il a estimé que l'AFSSE pouvait être créée à partir de l'INERIS, mais s'est déclaré réservé sur le fait d'intégrer l'OPRI à la nouvelle agence, dans la mesure où la sécurité nucléaire forme un tout difficile à dissocier. Il s'est demandé si la solution ne serait pas de constituer une agence de sécurité environnementale nucléaire. Il s'est interrogé sur le devenir du Conseil supérieur d'hygiène publique de France (CSHPF).

M. Philippe Nogrix a souhaité que l'agence puisse avoir une dimension européenne dans son activité. Il s'est demandé si une agence conçue comme une tête de réseau ne risquait pas de devenir un simple organisme d'expertise supplémentaire venant s'ajouter à tous ceux qui existent déjà.

M. Francis Giraud a estimé que la préoccupation de santé publique devait primer sur toutes les autres et que l'AFSSE devait être d'autant plus renforcée que les avis des experts en matière d'environnement sont souvent divergents. Il a estimé que le projet issu des travaux de l'Assemblée nationale était encore insuffisant.

M. Jean-Louis Lorrain a estimé que les préoccupations relatives à la santé publique risquaient de se " diluer " dès lors qu'elles étaient appréciées dans un domaine aussi vaste que celui de l'environnement. Il a regretté la part trop faible réservée aux questions de santé publique environnementale dans l'enseignement supérieur français. Il a souligné que les crises qui intervenaient dans le domaine de l'environnement donnaient lieu à des débats assez vifs qui rendaient d'autant plus nécessaire la création d'une agence dont les avis seraient incontestés.

M. Guy Fischer a considéré que la proposition de loi était en retrait par rapport aux intentions initiales de ses auteurs et s'est interrogé sur la perspective de la création d'une quatrième agence compétente en matière de sécurité sanitaire nucléaire. Il a estimé que l'AFSSE avait pour mission de concrétiser le concept de sécurité sanitaire environnementale et de définir le risque minimal acceptable. Il a souligné le risque d'intervention de divers groupes de pression à l'image de ce qui s'était produit lors de la discussion sur la création de l'AFSSA. Regrettant la redondance des diverses structures existant actuellement, il a souhaité que la nouvelle agence ne soit ni une " usine à gaz ", ni une " coquille vide ".

En réponse, M. Claude Huriet, rapporteur, a estimé que l'objectif devait être d'éviter de créer un organisme d'expertise qui viendrait se surajouter aux autres, mais plutôt de définir un cadre solide, dans lequel des structures dispersées pourraient s'inscrire sous la forme, le cas échéant, de relations contractuelles. Il a fait part de son souhait de moderniser le dispositif de sécurité sanitaire environnementale en le transformant, et pas seulement en le complétant, à l'instar de ce qui avait été réalisé en matière de sécurité sanitaire alimentaire.

Concernant le Conseil supérieur d'hygiène publique de France, il a partagé les interrogations de M. François Autain sur le devenir de cet organisme aux attributions effectivement très proches de celles de la nouvelle agence.

Il a estimé que le Sénat avait eu raison de ne pas souhaiter la création d'une agence unique de sécurité sanitaire, en soulignant que celle-ci se serait heurtée à la fois à trop d'obstacles et de corporatismes. Il a rappelé que le Comité national de sécurité sanitaire (CNSS) avait pour mission de s'assurer de la coordination de l'activité des différentes agences et qu'il pouvait ainsi garantir la cohérence de l'ensemble du dispositif.

Il s'est demandé si la création d'une quatrième agence ne serait pas perçue avec méfiance par l'opinion qui aurait l'impression d'une volonté des pouvoirs publics de réserver un traitement spécifique à l'évaluation du risque dans le domaine nucléaire.

Il a rappelé que l'AFSSE devait fournir un appui scientifique et technique au Gouvernement pour l'élaboration et la mise en oeuvre des règles communautaires et des accords internationaux.

Il a indiqué que le transfert de l'OPRI permettait d'ouvrir le débat sur l'intégration dans l'agence d'autres organismes compétents en matière nucléaire.

Puis la commission a procédé à l'examen des amendements proposés par le rapporteur.

Après un débat au cours duquel sont intervenus MM. Charles Descours, François Autain, Jean Delaneau, président, et Claude Huriet, rapporteur, la commission a adopté, sur proposition du rapporteur, 17 amendements à la proposition de loi.

Avant l'article premier , elle a adopté un amendement rédactionnel modifiant l'intitulé du titre premier du texte.

A l'article premier (extension du rôle et de la composition du Comité national de sécurité sanitaire), elle a adopté un amendement de coordination visant à remplacer des références législatives suite à l'entrée en vigueur du nouveau code de la santé publique par ordonnance du 15 juin 2000.

Après l'article premier , elle a adopté un amendement rédactionnel et de coordination reprenant, en le modifiant, le contenu de l'article 4 de la proposition de loi.

A l'article 2 (création de l'Agence française de sécurité sanitaire environnementale), la commission a tout d'abord adopté quatre amendements de coordination avec le nouveau code de la santé publique.

Puis elle a adopté un amendement précisant que la mission d'évaluation de l'agence porte sur les risques de nature physique, chimique ou biologique, liés à l'environnement naturel du travail et de la vie quotidienne.

Puis elle a adopté un amendement prévoyant qu'un décret en Conseil d'Etat préciserait les modalités selon lesquelles l'OPRI et l'INERIS seraient transférés à la nouvelle agence et garantiraient le maintien des droits statutaires aux personnels des établissements concernés.

Puis la commission a adopté trois amendements de coordination des références des articles codifiés.

Elle a adopté un amendement tendant à préciser que le directeur de l'agence prenait au nom de l'Etat les décisions qui relèvent de la mission d'expertise et de coordination de l'agence.

Puis elle a adopté trois amendements de coordination des références législatives.

A l'article 4 (extension des missions de l'Institut de veille sanitaire), elle a adopté un amendement de coordination supprimant cet article.

La commission a alors approuvé la proposition de loi ainsi modifiée.

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