II. LA LOI DE FINANCES RECTIFICATIVE DU 30 DÉCEMBRE 1998
Les
prévisions initiales de 1998 ont été modifiées par
la loi de finances rectificative n° 98-1267 du 30 décembre 1998.
Cette dernière prend également en compte les mouvements de
crédits intervenus au cours de l'exercice 1998.
Il convient de rappeler que votre commission, lors de l'examen de ce texte
législatif, avait estimé que
" initialement
dépourvu de première partie à l'exception de l'article
d'équilibre,
[ce texte]
porte témoignage de l'aisance avec
laquelle le gouvernement a pu exécuter la loi de finances pour
1998 "
2(
*
)
.
Par ailleurs, le gouvernement n'avait
" pas résisté
à la tentation de déverser, par voie d'amendement, le contenu de
nombreux dossiers en attente dans ses services "
, votre commission ne
pouvant alors que déplorer
" ce mode de législation
à la " hussarde " "
.
A. LES MOUVEMENTS DE CRÉDITS INTERVENUS EN 1998
1. Les ouvertures de crédits
Les mouvements en cours d'exercice se sont traduits par l'ouverture de 6.037 millions de francs de crédits dont 3.800 millions au titre des dépenses militaires.
a) Le décret d'avance du 16 janvier 1998
Le décret d'avance du 16 janvier 1998 a ouvert un milliard de francs de crédits au chapitre 47-21 " Programmes d'action sociale de l'Etat " du budget de l'emploi et de la Solidarité (II. Santé, solidarité et ville). Il s'agit des crédits destinés aux chômeurs de longue durée, mis en place à l'issue des manifestations du début du mois de janvier 1998.
b) Le décret d'avance du 21 août 1998
Le
montant de dépenses nouvelles ouvertes par le décret du
21 août 1998 s'élève à 5,04 milliards de
francs, dont 4,83 milliards de francs de dépenses ordinaires et
210,3 millions de francs de crédits de paiement.
Au sein de ces mouvements, on signalera tout particulièrement
l'importance de ceux affectant les crédits du ministère de la
défense qui représentent 75,5 % des sommes totales.
Les principales ouvertures de crédit concernent les postes
suivants :
-
3,8 milliards de francs sont ouverts au titre III du
ministère de la défense, sur les chapitres relatifs aux
rémunérations et aux charges sociales. L'insuffisance des
crédits est, en effet, pour la fin de l'année 1998, nettement
supérieure à celle des années 1996 et 1997, notamment en
raison d'importants reports de charges de 1997 sur 1998, et du recrutement
anticipé de militaires du rang. L'armée de terre
bénéficie ainsi, à elle seule, de 2,61 milliards de
francs, soit 68 % de ces nouveaux crédits, et la gendarmerie, de
593 millions de francs.
Il apparaît, en effet, que lors de la professionnalisation des
armées, on a mal mesuré la part des dépenses du
titre III par rapport à celles du titre V, notamment par
comparaison avec la situation d'autres pays où existent des
" armées de métier ", tels que le Royaume-Uni ou les
Etats-Unis. Il existe donc un très réel risque que se poursuive
ce mouvement d'accroissement des crédits du titre III, aux
dépens de ceux des titres V et VI. Ainsi, en l'espèce, le
décret d'annulation du 21 août 1998 a supprimé
3,85 milliards de francs de crédits sur les titres V et VI.
- 500 millions de francs de crédits ont été ouverts
au sein du titre IV du ministère de l'emploi et de la
solidarité, au profit de la formation professionnelle. Ce mouvement qui
avait été prévu par l'article 75 de la loi du
2 juillet 1998 portant diverses dispositions d'ordre économique et
financier, vise à compenser la baisse en loi de finances initiale de
5,27 milliards de francs pour 1997 à 4,77 milliards de francs pour
1998 des crédits du chapitre 43-05 destinés à la formation
professionnelle. Il a été financé par un
prélèvement " exceptionnel " de 500 millions de
francs sur la trésorerie des organismes collecteurs des fonds de la
formation professionnelle.
- Le décret d'avance du 21 août 1998 a ouvert des
crédits au bénéfice du budget de l'enseignement scolaire
à hauteur de 342,58 millions de francs, soit 7,10 % du total
des crédits ouverts.
Ces ouvertures de crédits, destinées à financer les
emplois-jeunes et à titrer les conséquences budgétaires de
l'accord salarial du 10 février 1998 portent, au sein du budget de
l'enseignement scolaire, sur 0,12 % du total des crédits.
- 51,1 millions de francs de crédits sont ouverts sur les budgets
du ministère des affaires étrangères pour la
commémoration du 50
ème
anniversaire de la
Déclaration universelle des droits de l'homme, et l'organisation de
l'année de la France au Japon.
- 34,3 millions de francs sur le budget de la santé sont
principalement affectés à l'organisation des états
généraux de la santé.
- De façon plus limitée, au titre du budget des anciens
combattants, 1,3 million de francs ont été ouverts au
chapitre 43-02, concernant les interventions en faveur de l'information
historique. Il s'agit en effet de préparer le 80
ème
anniversaire du 11 novembre 1918, les crédits ouverts en loi de
finances initiale n'étant que de 1,7 million de francs. De
même, 2 millions de francs de crédits de paiement ont
été ouverts au chapitre 57-51 du budget de la justice afin de
rénover la bibliothèque du Conseil d'Etat.
2. Les annulations de crédits
Les annulations de crédits s'élèvent à 5.358 millions de francs dont 4.157 millions de francs au titre des dépenses militaires. La variation nette des crédits s'élève donc à 679 millions de francs, compte tenu de l'ouverture de 6.037 millions de francs de crédits.
a) L'arrêté d'annulation de crédits du 16 janvier 1998
Un
arrêté d'annulation a gagé strictement l'ouverture des
crédits en date du même jour, à hauteur de
700 millions de francs pour les crédits civils et de
300 millions de francs pour les crédits militaires.
Parallèlement, l'arrêté annule 2,19 milliards de
francs en autorisations de programme, afin de maintenir le taux de couverture
des autorisations de programme par les crédits de paiement.
Ont été d'emblée exclues de l'arrêté
d'annulation les dépenses obligatoires (tous engagements juridiques de
l'Etat), les crédits évaluatifs (dette, remboursements et
dégrèvements...), les services votés, les crédits
du titre III (personnel, matériel et fonctionnement) et les
crédits à vocation sociale, quel que soit leur budget de
rattachement.
De ce fait, les annulations se répartissent en :
- 309,270 millions de francs sur le titre IV (interventions
publiques), soit 3,3 % des mesures nouvelles ;
- 508,530 millions de francs sur le titre V (investissements
exécutés par l'Etat), soit 8 % des mesures nouvelles ;
- 182,200 millions de francs sur le titre VI, soit 0,6 % des
mesures nouvelles.
Il convient de relever que la méthode retenue par le gouvernement est
différente de celle préconisée par le Sénat sur le
projet de loi de finances pour 1998 ainsi que sur le projet de loi de finances
pour 1999. Les bases " taxables " retenues ne sont pas les
mêmes
et cela à au moins trois titres :
1) Les crédits du titre III (personnel, matériel et
fonctionnement) sont épargnés, alors que les crédits des
titres V et VI (investissement) sont touchés, ce qui est la logique
inverse de celle préconisée par le Sénat. Celui-ci avait
souhaité
préserver les dépenses en capital
, qui
engagent et préparent l'avenir.
Ainsi l'arrêté du 16 janvier annule 11,9 millions de
francs sur les dépenses d'équipement des écoles en
matériel informatique, au budget de l'éducation nationale,
16,6 millions de francs au budget de la coopération, sur les
crédits du Fonds d'aide et de coopération, 45 millions de
francs au budget des routes, sur les travaux de réparation et de
sécurité, ou 91 millions de francs au budget du transport
aérien sur les programmes d'études et de développement de
l'aéronautique. Enfin, il faut observer que 300 millions de francs
sont annulés à nouveau au budget de l'équipement de la
Défense, après plusieurs années de réduction
massive de ces crédits.
2) Les budgets régaliens (police et justice) sont touchés
par les annulations, alors que
le Sénat avait souhaité les
épargner
, du fait de leur importance primordiale pour le
fonctionnement de l'Etat. Ainsi, 27,3 millions de francs sont
annulés sur les dépenses d'équipement du budget de
l'intérieur, et 13 millions de francs sur les dépenses
d'équipement du budget de la Justice.
3) Plutôt que de concentrer l'effort d'économie sur des actions
importantes,
ce que permettait la démarche du Sénat en
contestant
, par exemple,
la politique de création ou de maintien
d'emplois publics
, l'arrêté du 16 janvier procède
à un " saupoudrage "
3(
*
)
d'annulations sur des crédits
d'intervention qui finalement pourrait freiner notablement la mise en oeuvre de
certaines actions. Ainsi, les actions en faveur de l'installation des jeunes
agriculteurs diminuent de 6,4 millions de francs, soit 3,6 %, de
même que les interventions en faveur de l'artisanat sont réduites
de 5,3 millions de francs, soit 3,4 %.
b) L'arrêté d'annulation de crédits du 21 août 1998
Les
crédits nouveaux ouverts par le décret d'avance du
21 août 1998 ont été financés le même
jour par un arrêté d'annulation portant sur 4,36 milliards de
francs de crédits de paiement, ainsi que par un
prélèvement de 500 millions de francs sur la
trésorerie de l'AGEFAL, prévu par l'article 75 de la loi
portant diverses dispositions d'ordre économique et financier et le
produit de la vente, par le ministère de l'intérieur du
" terrain Beaujon ", pour un montant de 179,2 millions de francs.
Il convient de souligner que, sur les 4,36 milliards de francs de
crédits annulés, 3,85 milliards de francs soit 88,4 %
du montant total, concernent les titres V et VI du budget du
ministère de la défense.
Au sein du budget de l'enseignement supérieur, 129 millions de
crédits de paiement ont été annulés, soit
0,27 % du total de ceux-ci. Par ailleurs, 245,31 millions de francs
de crédits de paiement ont été annulés sur le
budget de l'enseignement scolaire, soit 0,09 % du total de ceux-ci.
Au sein du budget de l'agriculture et de la pêche, 13,8 millions de
francs de crédits affectés au Fonds de gestion de l'espace rural
(FGER) ont été annulés. On relèvera depuis la
création du FGER en 1995 un recours massif aux annulations de
crédits, permis par la lenteur de la mise en oeuvre du fonds.
Concernant le budget du logement, 5 millions de francs de crédits
de paiement ont été supprimés au titre des dispositions du
chapitre 65-48 relatives à la construction et à
l'amélioration de l'habitat.
Au sein du budget de la jeunesse et des sports, les crédits concernant
la jeunesse et la vie associative (chapitre 43-90) sont diminués de
1,1 %, soit 6,5 millions de francs de crédits de paiement.