Projet de loi relatif à la chasse
HEINIS (Anne)
RAPPORT 365 (1999-2000) - Commission mixte paritaire
Rapport
au
format Acrobat ( 38 Ko )
N° 2428
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N° 365
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Enregistré à la
Présidence de l'Assemblée nationale
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Annexe au
procès-verbal de la séance
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RAPPORT
FAIT
AU NOM DE LA COMMISSION MIXTE PARITAIRE (1) CHARGÉE DE PROPOSER UN TEXTE SUR LES DISPOSITIONS RESTANT EN DISCUSSION DU PROJET DE LOI relatif à la chasse,
PAR M. FRANÇOIS
PATRIAT,
|
PAR
MME ANNE HEINIS,
|
(1) Cette
commission est composée de : MM. Pierre Ducout,
député,
président
; Jean
François-Poncet,
sénateur, vice-président
; François Patriat,
député
,
Mme Anne Heinis,
sénateur
,
rapporteurs
.
Membres titulaires
: MM. Christian Bataille, Jean-Claude
Lemoine, Charles
de Courson, François Liberti et Jacques Desallangre,
députés
;
MM. Philippe François, Gérard Larcher, Michel Souplet, Jean-Marc Pastor et
Gérard
Le Cam,
sénateurs.
Membres suppléants
: M. André Vauchez, Mme Monique Denise,
MM. Jean-Paul Chanteguet, Christian Jacob, Didier Quentin, Antoine Carré
et Jean
Proriol,
députés
; MM. Georges Berchet, Jean-Louis Carrère, Gérard
César,
Hilaire Flandre, Pierre Hérisson, Pierre Lefebvre et Ladislas Poniatowski,
sénateurs
.
Voir les numéros :
Assemblée nationale :
1
ère
lecture
: 2182,
2273
et T.A.
481.
2427
Sénat :
1
ère
lecture
: 298, 335
et T.A
126
(1999-2000).
Chasse et pêche.
MESDAMES, MESSIEURS,
La commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions
restant
en discussion du projet de loi relatif à la chasse s'est réunie à l'Assemblée
nationale le lundi 29 mai 2000.
Elle a procédé à la désignation de son bureau qui a été ainsi constitué :
- M. Pierre Ducout, député, président,
- M. Jean François-Poncet, sénateur, vice-président.
La commission a ensuite désigné :
- M. François Patriat, député,
- Mme Anne Heinis, sénateur
comme rapporteurs, respectivement pour l'Assemblée nationale et le Sénat.
Mme Anne Heinis, rapporteur pour le Sénat, a souhaité affirmer d'emblée la
volonté de
la majorité sénatoriale de rechercher un accord sur les dispositions du projet
de loi
restant en discussion. Elle a souligné la convergence de points de vue qui
s'était
manifestée lors de l'examen du texte par la Haute Assemblée, rappelant que la
quasi-totalité des amendements avaient été adoptés, sans manifestation
d'opposition.
Elle a relevé comme principaux points de désaccord entre l'Assemblée nationale
et le
Sénat l'inscription ou non dans la loi des périodes de chasse des oiseaux
migrateurs, la
définition de ces périodes, les modalités de fixation d'un jour de non-chasse,
la liste
des départements dans lesquels la chasse de nuit devait être autorisée, le gel
du
nombre des installations autorisées pour cette pratique, la composition du
conseil
d'administration de l'Office national de la chasse et le problème de
l'assermentation des
agents de développement cynégétique.
M. François Patriat, rapporteur pour l'Assemblée nationale, a estimé que
le vote
maximaliste du Sénat sur le projet de loi ne plaidait pas en faveur d'une
solution de
compromis au sein de la commission mixte paritaire. Une chasse apaisée ne peut
en effet
se concilier avec une position extrême comme celle du Sénat dont les votes ont
été
au-delà de ce que demandait Chasse-pêche-nature et traditions (CPNT).
Il a fait valoir que le Parlement devait adopter une loi pour tous les Français
compatible avec le droit communautaire. Le projet de loi voté par l'Assemblée
nationale
ne satisfaisait ni les partisans de l'extrême chasse, ni ceux de l'extrême
environnement ; pour cette raison, la position médiane de l'Assemblée
nationale est
acceptée par la majorité des Français.
Il a indiqué que la position adoptée par l'Assemblée nationale reposait sur la
conciliation de plusieurs points de vue opposés. Aux partisans de la chasse le
texte de
compromis voté par l'Assemblée nationale accordait la légitimation de l'acte de
chasse,
la fixation d'une durée du temps de chasse à six mois par an et à six jours par
semaine, la légalisation de la chasse de nuit et l'autorisation de la chasse à
la
passée jusqu'à deux heures avant le lever du soleil et deux heures après son
coucher.
Vis-à-vis des utilisateurs de la nature, dont les besoins doivent être pris en
compte,
le compromis imposait que la loi respecte complètement le droit communautaire et
l'interprétation qui en a été faite par la Cour de justice des Communautés
européennes. En outre, un geste en faveur de la société devait être fait par
l'instauration d'un jour complet sans chasse ; cette mesure traduit, en
fait, une
volonté citoyenne permettant à chacun d'aller dans la nature sans se sentir
entouré
d'une chasse dont la pratique provoque des craintes ou des réprobations.
De ce point de vue, il a rappelé que le Sénat avait complètement modifié la
rédaction
de l'article 10 en y inscrivant notamment des dates de clôture de la chasse
condamnées
par le Conseil d'Etat.
En revanche, il a indiqué que sur plusieurs points techniques le Sénat avait
adopté des
propositions tout à fait acceptables. Il a cité l'utilisation des armes dans le
cadre de
la formation, l'adoption du principe du guichet unique et des mesures destinées
à
simplifier les procédures de validation, l'interdiction du broyage des
jachères, le
rejet de nombreuses demandes abusives émanant d'éleveurs ou de propriétaires
d'enclos
et l'adoption d'une mesure de sagesse en faveur du transport du gibier en
période de
fermeture de la chasse. Il a en outre indiqué qu'à plusieurs endroits le Sénat
avait
amélioré la rédaction du projet de loi.
Cependant, il a fait valoir qu'une quinzaine de points durs rendaient difficile
un accord
avec les sénateurs. Il en a ainsi dressé la liste :
- le Sénat a modifié complètement l'article 10 sur les périodes de chasse
au
gibier d'eau en fixant des dates de clôture et d'ouverture de la chasse dans la
loi ;
- il a autorisé le tir de la tourterelle des bois, jusqu'alors interdit en
application de la directive européenne parce qu'elle est chassée sur son trajet
de
retour ;
- il a ajouté onze départements à la liste des départements où la chasse
de nuit
est autorisée et a supprimé le gel des installations de chasse de nuit ;
- il a refusé de reconnaître que la faune sauvage est un patrimoine
commun ;
- il a rejeté la fixation par la loi d'un jour sans chasse ;
- il a supprimé les règles de sécurité pour la battue votées par
l'Assemblée
nationale ;
- il a refusé de considérer que la chasse ne pouvait plus se dérouler dans
l'ignorance des autres pratiques et utilisations de l'espace rural ;
- il a maintenu le nom actuel de l'Office national de la chasse et refusé
d'étendre
ses compétences à la faune sauvage ;
- il a rétabli une garderie fédérale dotée d'attributions de police de la
chasse ;
- il a rejeté des procédures normales de contrôle en matière d'exercice de
missions de service public que l'Assemblée nationale avait décidé d'appliquer
aux
fédérations départementales des chasseurs ;
- il a renforcé les contraintes imposées aux opposants, par conviction
personnelle,
à la chasse ;
- il a rejeté une proposition de M. Gérard Larcher de transformer
l'Office
national de la chasse en établissement public industriel et commercial ;
- il a imposé la transmission d'une copie des procès-verbaux d'infraction
au droit
de la chasse aux présidents des fédérations départementales des
chasseurs ;
- il a supprimé le fichier unique des titulaires de permis de
chasser ;
- il a rejeté l'amendement autorisant la détention d'un fusil à
pompe ;
- il a relancé la question de la chasse au lévrier sans qu'elle n'ait
jamais été
soumise au Conseil national de la chasse et de la faune sauvage.
Il a pour conclure ajouté que toute compromission ne serait pas comprise par
l'opinion
publique et qu'il n'acceptera pas de renoncer aux positions de l'Assemblée
nationale sur
ces points durs. Dans ces conditions, un compromis lui paraît impossible.
M. Jean François-Poncet, vice-président, s'est déclaré choqué par les propos de
M.
François Patriat, comme il l'avait été par ceux tenus devant les médias
immédiatement
après le vote du Sénat. Il a fait valoir que si la position adoptée par la Haute
Assemblée avait été réellement marquée par l'extrémisme, il se serait trouvé des
sénateurs pour voter contre. Il a considéré que si certains des amendements
adoptés,
tel celui autorisant la chasse à la tourterelle, allaient au-delà des positions
adoptées par la commission des affaires économiques, cela était largement dû au
refus
du dialogue manifesté par la ministre de l'environnement durant l'examen du
projet de
loi. Il a relevé, à titre d'exemple, l'avis défavorable opposé par
Mme Dominique Voynet, à un amendement du groupe communiste proposant,
dans la
définition de l'acte de chasse, de substituer à l'expression " mise à
mort " celle de " mort " de l'animal,
modification qui
semblait pourtant parfaitement acceptable. Estimant que le ton ainsi donné aux
débats
avait favorisé certains excès, M. Jean François-Poncet, vice-président, a
déclaré, au nom de la majorité sénatoriale, être prêt à examiner dans l'optique
d'un compromis les dispositions encore en discussion. Relevant que
l'inscription des dates
de chasse dans la loi était au coeur du débat, il a considéré que cette
inscription
devait demeurer comme une garantie essentielle pour les chasseurs, le choix des
dates
elles-mêmes pouvant ensuite, en revanche, faire l'objet d'une discussion.
Après avoir confirmé que le groupe socialiste ne s'était opposé qu'à très peu
des
amendements adoptés au cours de l'examen du projet de loi par le Sénat,
M. Jean-Louis Carrère a considéré qu'il était possible de débattre des
articles
restant en discussion, si le rapporteur de l'Assemblée nationale en avait la
volonté,
qu'il s'agisse du jour de non-chasse, des dates de chasse, ou de la liste des
départements supplémentaires dans lesquels la chasse de nuit devait être
légalisée. A
propos de l'amendement sur la tourterelle, il a déclaré assumer la
responsabilité de
son vote favorable, tout en soulignant que le dispositif adopté à l'article 10
sur le
mécanisme des dérogations permettait de ne pas le conserver en l'état. Il s'est
interrogé, enfin, sur le devenir de l'article 1
er
bis du projet de
loi
traitant du problème de l'ours, qui a été adopté sans modification par le
Sénat.
M. Jean-Claude Lemoine a indiqué que les députés de l'opposition étaient venus,
comme
les sénateurs, à la réunion de la commission mixte paritaire dans un esprit de
conciliation et avec l'espoir de trouver un compromis acceptable. Il s'est
étonné à
cette occasion des propos exprimés par M. François Patriat, rapporteur pour
l'Assemblée
nationale, et a considéré au contraire qu'il conviendrait d'examiner un par un
les
points restant en discussion. Il a conclu en se demandant s'il était utile de
poursuivre
la réunion de la commission si le dialogue était impossible.
M. Gérard Le Cam, après avoir rappelé l'état d'esprit dans
lequel son
groupe avait abordé le débat à l'Assemblée nationale, puis au Sénat, a souligné
les
améliorations apportées au texte par la Haute Assemblée, tout en faisant part
de son
désaccord sur certains points. Il a donc souhaité que soit trouvée
une juste
" moyenne " entre les deux textes.
En ce qui concerne le problème des dates, il a estimé que l'essentiel était le
résultat quel que soit le support, loi ou décret, mais il a relevé que le
contenu de
l'avant-projet de décret sur les périodes de chasse aux oiseaux migrateurs était
inacceptable. Il s'est déclaré en faveur du gel des installations existantes au
1
er
janvier 2000 dans les vingt-huit départements où la chasse de nuit devait
être
légalisée. En revanche, M. Gérard Le Cam a regretté la suppression
par le
Sénat de l'article 9 bis relatif aux règles de sécurité et s'est
déclaré
opposé à la reconnaissance d'un pouvoir de police aux agents des fédérations
départementales des chasseurs. Enfin, il a désapprouvé la formule de la double
tutelle
des ministères de l'environnement et de l'agriculture sur l'organisation de la
chasse.
M. François Liberti a rappelé que, lors de la lecture devant l'Assemblée
nationale, les
députés du groupe communiste avaient cherché à amender le projet de loi et a
rappelé
à ce propos que l'abstention finale du groupe communiste sur l'ensemble du
projet de loi
lors du vote solennel de l'Assemblée nationale traduisait l'existence
d'avancées mais
que celles-ci étaient insuffisantes. Toutefois, plusieurs problèmes restent en
suspens.
Il a donc souhaité que la commission mixte paritaire se consacre à la recherche
d'un
accord et a considéré que ceux qui prenaient le parti de l'échec avant même que
le
dialogue ne s'engage ne choisissaient pas la bonne solution.
Il a estimé que les principaux points litigieux portaient sur les dates
d'ouverture et de
fermeture, sur le principe d'un jour hebdomadaire de non-chasse et sur la
mention dans la
loi de la liste des départements où la chasse est autorisée. Sur le premier de
ces
points, il a estimé que l'amendement qui avait été présenté à l'Assemblée
nationale
par M. Henri Sicre, proposant de définir dans la loi des dates butoir pour la
chasse des
oiseaux migrateurs, constituait une bonne base de discussion.
Il s'est en revanche opposé à une solution qui consisterait à adopter un texte
qui, en
matière de dates d'ouverture et de fermeture, renverrait entièrement au décret
et ne
serait que la simple transposition en droit interne de la directive européenne.
Soumettant de surcroît la responsabilité de la décision à l'avis d'un comité
scientifique sans qualification particulière, une telle solution favoriserait
d'éventuels recours devant la juridiction administrative, intentés par des
associations
prétendant défendre la nature.
Rappelant que la ministre chargée de défendre et soutenir le projet de loi
devant les
assemblées parlementaires s'était engagée à ce que la publication du décret
fixant
les dates de chasse et la promulgation de la loi soient simultanées, il a
insisté sur la
nécessité de définir au moins dans celle-ci le cadre dans lequel pourra
s'exercer le
pouvoir réglementaire. Considérant qu'une telle solution pourrait être la base
de la
recherche d'un compromis, il a estimé qu'une régulation reposant sur la
limitation des
prélèvements serait préférable à une régulation par les périodes de chasse.
M. Charles de Courson s'est déclaré, au nom de son groupe, favorable à un
accord
en commission mixte paritaire. Il convient de mettre dans la loi les dates de
chasse pour
éviter la multiplication des contentieux. Les propositions contenues dans
l'amendement de
M. Henri Sicre méritent d'être approfondies. Il a jugé inacceptable
de ne pas
permettre une modulation des dates par espèces et par zones géographiques. Il a
rappelé
que la directive ne fixait pas de dates mais exigeait de respecter des
principes.
L'article 10, tel que voté par le Sénat, est conforme à cet esprit. Il
existe par
ailleurs deux versions d'avant-projet de décret. La ministre a déclaré ne pas se
reconnaître dans ces deux textes, mais quel que soit le contenu du décret, il y
aura des
contentieux. Il a donc invité à rédiger la loi conformément à l'esprit de
l'amendement déposé par M. Henri Sicre, ce qui permettrait d'aboutir
à un
accord. Il a en conclusion estimé possible des concessions y compris pour
parvenir à une
version " intelligente " du jour de non-chasse.
M. Jacques Desallangre a souligné que négocier était un devoir. En effet,
les
différents acteurs de ce secteur attendent la poursuite du débat. Il convient
donc de
saisir cette chance.
M. Christian Bataille a rappelé que le texte voté par l'Assemblée nationale
constituait déjà un compromis avec le projet du Gouvernement. Ce texte traduit
un
équilibre satisfaisant qui permet de prendre en compte les préoccupations des
chasseurs
et des autres utilisateurs de la nature. Il correspond à une demande profonde
de la
population.
Concernant la directive européenne, la France se doit d'être exemplaire compte
tenu
notamment du fait qu'elle présidera l'Union européenne à compter de juillet
prochain.
Il s'est déclaré sensible à l'argument de M. François Liberti selon lequel
le
travail parlementaire devait se poursuivre. Il a rappelé les " points
durs " de la négociation relevés par le rapporteur pour le
Sénat : la
question des dates de chasse, celle du jour de non-chasse et celle du nombre de
départements où la chasse de nuit sera légalisée. En ce qui concerne les dates
de
chasse, il a jugé que la remise en cause par le Sénat du texte voté par
l'Assemblée
nationale n'était pas acceptable et que le problème du jour de non-chasse était
fondamental. Dès lors un accord paraît difficile si l'équilibre du texte est
ainsi
détruit.
M. Ladislas Poniatowski a d'abord souligné que pour faire aboutir une
commission mixte
paritaire, il fallait travailler dans un esprit de concessions mutuelles. A cet
égard, il
a fait observer qu'à retenir une liste de " points-clefs "
trop
importante - comme l'avait fait le rapporteur de l'Assemblée
nationale -, on
s'engageait sur la voie de l'échec alors même que les chasseurs avaient envie
que les
parlementaires trouvent ensemble une solution. Il a considéré qu'un
rapprochement entre
les deux assemblées était possible sur la quasi totalité des points de
divergence
existant entre elles, en particulier les dispositions relatives à la liste des
départements où se pratique la chasse de nuit, 8 départements supplémentaires
au lieu
de 11 aurait en effet été acceptable, le gel des installations où cette chasse
se
pratique, les modalités d'instauration d'un jour de non-chasse, les règles de
sécurité, les compétences des agents des fédérations ou encore l'instauration
d'un
fichier unique.
Il a fait valoir que les propositions du Sénat n'étaient pas déraisonnables
s'agissant
du partage de l'usage des espaces naturels, de la double tutelle et de
l'inscription des
périodes de chasse dans la loi, souhaitant que la commission se prononce sur ce
dernier
point
- fondamental - avant d'aborder les autres positions restant en
discussion.
M. Christian Jacob exprimant son accord avec les propos de M. Ladislas
Poniatowski, a indiqué que si l'on souhaitait que la commission mixte paritaire
échoue
il fallait, comme le faisait le rapporteur pour l'Assemblée nationale, dresser
une longue
liste de points non négociables, mais si l'on souhaitait qu'elle aboutisse, ce
qui est
son cas, il convenait de traiter les points les plus délicats en premier lieu
et ensuite
les points posant moins de difficultés.
M. Michel Souplet a regretté l'attitude de M. François Patriat,
consistant à
refuser le dialogue au sein de la commission mixte paritaire, alors que la
majorité des
sénateurs recherchait une position de consensus sur ce texte.
M. Pierre Ducout, président
,
a proposé aux membres de la commission
de
discuter en premier des " points durs ", et donc d'examiner
les
dispositions relatives aux dates de chasse et au jour de non-chasse avant de
discuter les
autres aspects du texte.
Evoquant les propos de M. Jean François-Poncet, vice-président, sur ses
interventions radiophoniques, M. François Patriat, rapporteur pour
l'Assemblée
nationale, a fait observer que les Français avaient d'abord été surpris par les
votes
intervenus au Sénat et que lui-même avait été modéré dans ses déclarations par
rapport aux propos que certaines personnes lui avaient tenus.
Il a rappelé que si les relations entre les sénateurs et la ministre avaient été
tendues dès l'article 1
er
et les amendements sur la définition de
l'acte de
chasse, cela s'expliquait également par le fait que pendant les quatre heures de
discussion générale elle avait dû entendre continuellement qu'elle était
opposée à
la chasse et que les sénateurs n'avaient pas confiance en elle.
Il a ajouté que si les sénateurs avaient voulu un accord en commission mixte
paritaire,
ils auraient dû voter un texte plus modéré.
Il a conclu en se demandant si les sénateurs étaient bien en phase avec la
société
française et a maintenu ses exigences sur la quinzaine de points durs dont il a
dressé
la liste.
M. Gérard Larcher s'est demandé, s'agissant de la fixation par la loi des
périodes
de chasse aux oiseaux migrateurs, si l'on ne pouvait pas envisager une solution
de
compromis tendant à légaliser la période allant du 10 août au 10 février, en
laissant
à l'autorité administrative compétence pour autoriser la chasse de certaines
espèces
entre le 10 et le 28 février et en instaurant des plans de gestion pour des
espèces à
surveiller pendant toute la saison de chasse.
M. François Patriat, rapporteur pour l'Assemblée nationale, a indiqué que
sa
volonté était de mettre fin aux contentieux. Il a rappelé que les dates votées
par le
Parlement en 1998 avaient fait l'objet de décisions d'annulation devant les
juridictions
administratives. Comme l'a indiqué le Conseil d'Etat, la fixation des dates
d'ouverture
et de fermeture de la chasse relève du pouvoir réglementaire. L'inscription
dans la loi
de dates échelonnées et extrêmes provoquera systématiquement des contentieux.
Il a souligné le fait que les chasseurs s'appuyaient sur le politique et les
opposants à
la chasse sur le droit ; et ce sont ces derniers qui ont gagné les
contentieux. Il a
donc invité les parlementaires à respecter scrupuleusement la décision de la
Cour de
justice des Communautés européennes du 19 janvier 1994 qui impose
d'adopter des
dates de clôture de la chasse au gibier d'eau garantissant une protection
complète des
oiseaux pendant leur migration prénuptiale.
Il a regretté que le Sénat ait décidé de changer la tutelle ministérielle sur la
chasse afin de résoudre les problèmes. Il a rappelé que les chasseurs avaient
été
invités aujourd'hui même au ministère de l'environnement pour discuter, espèce
par
espèce, des dérogations relatives au temps de chasse ; or, ils ne s'y sont
pas
rendus.
Il a conclu que sa position consistant à ne pas inscrire de date de chasse dans
la loi
était intangible et a averti que les partisans de l'absence de vote d'une
nouvelle loi
s'exposaient à la pérennisation des litiges, au maintien des règles actuelles
de chasse
à la passée, à l'interdiction absolue de la chasse de nuit et à la fixation
d'une
période de chasse courant du 1
er
septembre au 31 janvier.
Mme Anne Heinis, rapporteur pour le Sénat, a rappelé, à propos des dates
de chasse
aux oiseaux migrateurs, que le contentieux en cours au niveau européen imposait
de
négocier avec la Commission européenne pour justifier les propositions avancées
sur le
plan scientifique. Elle a considéré comme très insuffisantes les démarches
effectuées
jusqu'à présent par le gouvernement français. Evoquant par ailleurs la
multiplication
des recours intentés contre les arrêtés préfectoraux d'ouverture ou de
fermeture de la
chasse, elle a considéré qu'au-delà du débat relatif à la compétence du pouvoir
réglementaire, les nouvelles dates proposées devaient avant tout être conformes
à la
directive 79/409 Oiseaux, telle qu'interprétée par l'arrêt de la Cour de
justice
des Communautés européennes du 19 janvier 1994, pour que cessent les
contentieux.
M. Charles de Courson a d'abord tenu à préciser que si l'Union nationale
des
fédérations départementales des chasseurs et l'association nationale des
chasseurs de
gibier d'eau ne s'étaient pas rendues à l'invitation de la ministre de
l'aménagement du
territoire et de l'environnement, c'est parce qu'elles désavouaient une méthode
consistant à ouvrir la concertation avec les chasseurs le matin même de la
réunion de
la commission mixte paritaire alors que le débat est engagé depuis plusieurs
mois. Elles
ont d'ailleurs indiqué publiquement les raisons qui les avaient conduites à
décliner
cette invitation.
Que veulent les parlementaires sur le fond ? Personne ne souhaite adopter
un texte
contraire à la directive européenne. Or celle-ci fixe des principes et non des
dates de
chasse. Les termes de la condamnation que notre pays a subi, qui résulte entre
autres du
fait que la France ne s'est pas défendue, sont pris en compte dans le texte
adopté par
le Sénat.
On peut discuter des dates de chasse mais on ne peut nier que les dates de
migration ou de
nidification varient d'un département à l'autre, ce qui signifie que,
contrairement à
ce que pense la ministre, une modulation des dates de chasse est nécessaire.
Que les
dates figurent dans la loi ou dans un décret n'a pas de conséquences du point
de vue des
contentieux communautaires. En revanche, une loi, définissant des dates qui
prennent en
compte la jurisprudence européenne nous prémunirait contre des contentieux
nationaux. Il
faut donc s'accorder d'abord sur les dates puis décider dans quel texte
celles-ci doivent
être inscrites. C'est sur ces deux points qu'il convient de voter.
M. Jean-Claude Lemoine a déclaré rejoindre l'analyse de Mme Anne
Heinis,
rapporteur pour le Sénat, et a estimé que si les dates d'ouverture et de
fermeture de la
chasse étaient renvoyées à un décret, elles feraient systématiquement l'objet de
recours, ce qui ne ferait qu'accentuer le caractère conflictuel de la
situation. Il s'est
donc prononcé en faveur de la formule proposée par M. Charles de Courson
et a
proposé de procéder à un vote sur le principe d'une inscription des dates dans
la loi.
M. Jean-Louis Carrère, évoquant l'amendement déposé par le
groupe socialiste
à l'article 10, a rappelé les dispositions des articles 34 et 37 de la
Constitution, qui
ne permettaient de fixer dans la loi que les principes fondamentaux relatifs
aux dates de
chasse, pour laisser à l'autorité administrative le soin de déterminer ces
dernières
dans le cadre ainsi fixé.
M. Charles de Courson a signalé que la position de M. Jean-Louis
Carrère
nécessitait de la part de Mme Dominique Voynet, ministre de l'aménagement
du
territoire et de l'environnement, une déclaration sur les dates d'ouverture et
de
fermeture de la chasse. Il a indiqué qu'elle s'y était toujours refusée, quels
qu'aient
été les groupes politiques qui lui avaient demandé des éclaircissements sur ce
point.
Il a ajouté que l'article 10 du projet de loi, tel qu'adopté par
l'Assemblée
nationale en première lecture, pouvait tout aussi bien être supprimé puisqu'il
n'ajoutait rien par rapport aux dispositions de la directive européenne. Il a
enfin
rappelé que Mme Dominique Voynet avait déclaré qu'elle ne se sentait
nullement
engagée par l'avant-projet de décret communiqué à la presse.
M. François Patriat, rapporteur pour l'Assemblée nationale, a précisé que
le
Conseil d'Etat n'annulait pas la loi mais qu'il la déclarait inapplicable. Il
appartient
à la Cour de justice des Communautés européennes d'interpréter les directives.
Il a
ajouté que si le Conseil d'Etat avait contesté la loi votée en 1998, c'était à
cause
du choix des dates, et que si les dates étaient inscrites dans la loi, le
Gouvernement ne
serait plus en mesure de négocier à Bruxelles. Il a conclu qu'un compromis sur
l'inscription de dates de chasse dans la loi ne serait pas accepté par la
majorité de
l'Assemblée nationale.
Puis, M. Christian Bataille a demandé une suspension de séance.
M. Jean François-Poncet, vice-président, a souligné la nécessité d'une
compatibilité du dispositif adopté, qu'il soit législatif ou réglementaire,
avec la
directive européenne, tout en rappelant qu'il n'appartenait pas au Conseil
d'Etat,
lorsqu'il était saisi d'un recours, d'écarter l'application d'une loi au motif
qu'elle
interviendrait dans le domaine réglementaire. Il a considéré que l'inscription
des
dates de chasse dans la loi - même si l'on était, dans ce domaine,
" sur
le fil du rasoir " - était la meilleure formule pour aboutir à
une
solution satisfaisante.
M. Gérard Larcher a attiré l'attention de la commission mixte paritaire
sur le fait
qu'au niveau communautaire, les textes intervenant en matière d'environnement
relevaient
désormais de la procédure de codécision avec le Parlement. Il a considéré que
les
propositions contenues dans le rapport Van Putten étaient désormais dépassées.
Sur le
fond, il a souligné tout l'intérêt de l'instauration de plans de gestion, ou
d'une
clause de sauvegarde pour certaines espèces d'oiseaux migrateurs nécessitant une
surveillance particulière.
M. Pierre Ducout, président
,
a suspendu la séance.
A la reprise de la réunion,
M. Pierre Ducout, président, a noté qu'une
divergence majeure opposait les membres de la commission mixte paritaire sur le
point
d'inclure ou non les dates de chasse dans la loi. Il a relevé que l'esprit des
commissions mixtes paritaires était de parvenir à un texte qui puisse ensuite
être
adopté dans les mêmes termes par chacune des deux assemblées.
M. Jean François-Poncet, vice-président, a demandé que la commission se
prononce
par un vote sur la question de l'inscription des dates de chasse dans la loi,
considérant
que le refus du président de procéder à un tel vote sous prétexte que les deux
assemblées ne seraient pas d'accord constituerait un précédent d'une
particulière
gravité.
M. Pierre Ducout, président, a réitéré ses propos précédents.
M. Charles de Courson
a rappelé que la finalité d'une commission mixte
paritaire
était de proposer un texte commun aux deux assemblées mais qu'elle ne votait pas
elle-même la loi. Dès lors, rappelant que le problème central était d'inclure
ou non
dans la loi tout ou partie des dates d'ouverture et de fermeture de la chasse,
il a
demandé que le président fasse procéder au vote de la commission mixte
paritaire sur
cette question.
M. Pierre Ducout, président, a réaffirmé que le texte issu d'un accord au sein
d'une
commission mixte paritaire devait pouvoir être par la suite adopté dans les
mêmes
termes par les deux assemblées et nécessite donc, outre une majorité en son
sein, une
majorité dans chacune d'elle.
M. Jean-Claude Lemoine
a estimé que, s'il existe une commission mixte
paritaire,
c'est pour qu'elle s'exprime et se décide dans son ensemble.
M. Christian Jacob a considéré que la position du président sur l'appréciation
des
votes était arbitraire et constituait une interprétation fallacieuse des
textes. Il a
indiqué qu'à sa connaissance jamais une commission mixte paritaire n'avait été
conduite dans de telles conditions. Si, en effet, les voix au sein de la
commission mixte
paritaire devaient être décomptées par délégations, il ne voyait pas quelle
serait
alors l'utilité d'une telle institution.
M. Christian Bataille a souhaité qu'il soit fait droit à la demande de vote
exprimée
par M. Charles de Courson.
A l'issue du débat, M. Pierre Ducout, président, a soumis au vote la question
de savoir
si le texte de la commission mixte paritaire devait fixer tout ou partie des
dates
d'ouverture et de fermeture de la chasse.
La commission mixte paritaire a rejeté cette proposition, les voix ayant été
également
partagées (sept voix contre sept). En conséquence, le président a constaté
l'échec de
la commission mixte paritaire.