EXAMEN EN COMMISSION
Au cours
de sa séance du mercredi 29 mars 2000, la commission a
procédé à l'examen du rapport de M. Paul Vergès sur
sa proposition de loi n° 159 (199-2000), tendant à
conférer à la lutte contre l'effet de serre et à la
prévention des risques liés au réchauffement climatique la
qualité de priorité nationale et portant création d'un
observatoire national sur les effets du réchauffement climatique en
France métropolitaine et dans les départements et territoires
d'outre-mer.
Evoquant tout d'abord le contexte dans lequel s'inscrivait cette proposition de
loi, M. Paul Vergès, rapporteur, a rappelé que la
nécessité de maîtriser les émissions de gaz à
effets de serre et les conséquences du réchauffement climatique
faisaient aujourd'hui l'objet d'un consensus international. Il a relevé
que les dernières études internationales, fruits de la
réflexion de plus de 2.000 chercheurs et experts, estimaient que la
température moyenne à la surface de la terre pourrait
s'accroître de 2 à 3,5 degrés d'ici le siècle
prochain, entraînant une élévation du niveau de la mer
d'environ 50 à 95 centimètres. Il a précisé
qu'en France, l'élévation du niveau de la mer provoquerait
l'inondation permanente des espaces côtiers aujourd'hui à peine
émergés et que dans les départements et territoires
d'outre mer, la hausse de la température des eaux marines pourrait
détruire une grande partie de la barrière corallienne et
accroître la fréquence et l'amplitude des cyclones. Au niveau
mondial les pays les moins développés et les
écosystèmes les plus vulnérables -a-t-il fait observer-
seront les premières victimes du changement climatique.
M. Paul Vergès, rapporteur, a ensuite estimé que l'ampleur de la
menace incitait, comme l'avait souligné l'excellent rapport du
sénateur Lepeltier, au nom du principe de précaution, à
mobiliser la communauté internationale pour engager une politique
volontariste de maîtrise des émissions de gaz à effets de
serre.
Soulignant le rôle très actif de la France lors des sommets de La
Haye, de Rio de Janeiro et de Kyoto, il a fait valoir que ce rôle de
pionnier, mais surtout un sentiment de responsabilité à
l'égard des générations futures imposaient à notre
pays de tenir ses engagements et de poursuivre dans ce domaine une politique
volontariste. Il a rappelé que pour la France, le protocole de Kyoto se
traduisait par l'obligation de ne pas dépasser, en moyenne, sur les
cinq années 2008-2012, le niveau d'émissions de gaz à
effets de serre qu'elle avait atteint en 1990. Il a souligné que
c'était un défi considérable, qui avait conduit le
Gouvernement à adopter le 24 janvier dernier un nouveau programme
d'action contre le risque de changement climatique pour la période
2000-2010.
Considérant que la poursuite d'une politique volontariste de lutte
contre l'effet de serre supposait de pouvoir se fonder sur une connaissance
approfondie des émissions de gaz à effets de serre et de leurs
conséquences sur le réchauffement climatique, M. Paul
Vergès, rapporteur, a indiqué que cette connaissance
supposait :
- un inventaire systématique des émissions de gaz à
effets de serre ;
- une analyse des déterminants ces émissions ;
- un suivi des mesures adoptées pour les limiter ;
- un suivi de l'évolution des changements climatiques ;
- une analyse de leurs conséquences.
Il a alors jugé que la capacité de recherche de la France devait,
pour le recueil de ces données, être aujourd'hui renforcée
et mieux coordonnée. Il a fait observer que l'information des citoyens,
préalable nécessaire à la mise en oeuvre de choix
collectifs et privés contraignants, supposait d'accroître la
diffusion de l'information, mais également de lever le maximum
d'incertitudes scientifiques.
Il a souligné qu'une augmentation des moyens et une amélioration
de la coordination de la recherche scientifique française dans ce
domaine permettraient, de plus, à la France de mieux faire valoir ses
positions dans les négociations internationales et d'intensifier notre
politique de coopération en faveur des pays en voie de
développement. Les pays en voie de développement seront demain,
a-t-il relevé, les premières victimes et les premiers
responsables des émissions de gaz à effets de serre et des
changements climatiques, observant que ces pays étaient, plus que
jamais, demandeurs de notre aide dans ce domaine.
M. Paul Verges, rapporteur a ensuite abordé les dispositions de la
proposition de loi qui tendent à conférer à la lutte
contre l'effet de serre et à la prévention des risques
liés au réchauffement climatique la qualité de
priorité nationale. Relevant qu'il s'agissait là d'une
décision symbolique, il a fait observer que l'expérience montrait
que la définition d'une priorité pouvait, à terme, avoir
des conséquences pratiques.
Il a ensuite indiqué que la création d'un observatoire sur les
effets de réchauffement climatique répondait tout d'abord
à la nécessité de développer la capacité de
la France à prévenir les impacts des changements climatiques et
des phénomènes climatiques extrêmes afin de réduire
la vulnérabilité des territoires et de permettre la mise en place
de mesures de prévention et d'adaptation aux changements climatiques.
Il a souligné que cet observatoire répondait également aux
besoins de recueillir, de consolider et de diffuser des informations
actuellement disséminées dans les différents centres de
recherche, observant que cette nouvelle structure pourrait ainsi diffuser des
informations auprès de la communauté scientifique, sensibiliser
le public sur les enjeux liés aux changements climatiques et, enfin,
informer les collectivités territoriales sur les mesures de
prévention et d'adaptation susceptibles de réduire l'impact des
changements climatiques.
Il a estimé que cet observatoire pourrait ainsi constituer l'instrument
d'une meilleure coordination des scientifiques français qui participent
aux différentes instances internationales concernées par les
enjeux climatiques et, en outre, doter la France d'un outil de
coopération avec les pays du sud et, en particulier, avec les
états insulaires qui sont particulièrement vulnérables aux
conséquences du réchauffement climatique.
M. Paul Vergès, rapporteur, a ensuite indiqué que par rapport
à la proposition de loi initialement déposée, il proposait
de recentrer les missions de l'observatoire sur la collecte et la diffusion des
informations et de ne plus faire référence à une mission
de recommandation aux pouvoirs publics, qui relevait actuellement de la mission
interministérielle sur l'effet de serre.
Soulignant que cet observatoire ne devait pas être une structure de plus,
mais un centre où convergeaient les analyses de l'ensemble des
laboratoires de recherche qui travaillent dans ce domaine, il a indiqué
qu'il avait auditionné les scientifiques et les responsables
administratifs qui participaient à ces travaux pour connaître
leurs besoins. Il a, à ce propos, proposé d'indiquer dans la
rédaction de la proposition de loi que l'Observatoire exerce ses
missions en liaison avec les établissements et instituts de recherche
concernés et le groupe d'experts intergouvernemental sur
l'évolution du climat (GIEC).
Il a également souhaité que soit confié à
l'observatoire une mission de sensibilisation du public et d'information des
collectivités territoriales, observant que l'expérience
douloureuse de la tempête qui s'était abattue en France l'hiver
dernier avait montré que les élus locaux avaient besoin dans ce
domaine d'un interlocuteur informé.
M. Paul Verges, rapporteur, a enfin indiqué qu'il n'avait pas
souhaité déterminer dans la loi la composition et les
règles de fonctionnement de cet observatoire qui, non seulement
relevaient du domaine réglementaire, mais devraient, selon lui, faire
l'objet d'une négociation entre les différents centres de
recherche concernés. Il a toutefois estimé que la formule du
groupement d'intérêt public lui paraissait la plus adaptée.
En conclusion, il a relevé qu'il s'agissait d'une proposition de loi aux
ambitions modestes, face à un enjeu qui était par nature
planétaire, mais qu'elle pourrait contribuer à la
lisibilité, à la crédibilité et à
l'efficacité des politiques publiques liées aux changements
climatiques.
Il a souligné qu'avec l'effet de serre, la notion de
responsabilité à l'égard des générations
futures lui semble prendre tout son sens, observant que ces mesures
étaient destinées aux " petits-fils de nos enfants ",
mais que si nous attendions leur avènement pour agir, il serait sans
doute trop tard.
M. Bernard Piras a rappelé que l'office parlementaire
d'évaluation des choix scientifiques et technologiques avait
chargé le sénateur Marcel Deneux d'une mission d'études
sur l'effet de serre et le réchauffement climatique.
M. Michel Souplet s'est félicité de l'importance ainsi
accordée à la lutte contre l'intensification de l'effet de serre,
soulignant que les pouvoirs publics avaient trop longtemps laissé se
développer la consommation de carburants d'origine fossile, dont
l'impact est déterminant dans les émissions de gaz à effet
de serre. Il a souhaité que soient développées les
recherches sur les carburants non polluants et en particulier les carburants
à base d'huile de palme, estimant qu'il faudrait être en mesure de
proposer aux pays en voie de développement des carburants respectueux de
l'environnement, à des prix accessibles. Il a, enfin, souligné
que la création de cet observatoire ne devait pas être un
prétexte pour repousser l'adoption de mesures concrètes en faveur
de l'utilisation d'énergies non polluantes.
M. Hilaire Flandre a estimé que l'on ne pouvait établir un lien
entre la tempête qui s'est abattue cet hiver en France et le
réchauffement climatique.
M. Ladislas Poniatowski a relevé que la proposition de loi avait certes
pour objectif principal la création de l'observatoire national sur les
effets du réchauffement climatique -ce qui lui semblait une bonne
chose-, mais qu'elle débordait largement cet objectif en
conférant à la lutte contre l'effet de serre le caractère
de priorité nationale. Il a estimé qu'ainsi que la proposition de
loi présentait le risque d'inciter au dépôt d'amendements
relatifs à des mesures de limitation des émissions à effet
de serre ou d'incitation à l'utilisation de sources d'énergie non
polluantes qui dépasserait largement son objet.
En réponse, M. Paul Verges, rapporteur, a apporté les
précisions suivantes :
- la mission d'étude de l'Office parlementaire d'évaluation
des choix scientifiques et technologiques et l'examen de la proposition de loi
sont deux démarches complémentaires. Il serait à ce propos
souhaitable que l'Office puisse demander à l'observatoire de poursuivre
les études dans tel ou tel domaine ;
- cet observatoire ne devrait en aucun cas servir de prétexte
à repousser l'adoption de mesures concrètes tendant à
limiter les émissions de gaz à effet de serre ;
- le lien de causalité entre la tempête qu'a connu la France
cette année et le réchauffement climatique est, en effet, loin
d'être établi. Cette expérience a néanmoins
montré que les responsables locaux avaient besoin d'être mieux
informés sur les mesures de prévention susceptibles de
réduire l'impact des phénomènes climatiques
extrêmes. Les départements et territoires d'outre-mer ont, sur ce
point, en raison de la fréquence des cyclones, une expérience
importante, dont la métropole devrait pouvoir profiter.
A l'issue d'un débat, où sont intervenus, outre le rapporteur,
MM. Bernard Piras, Michel Souplet, Ladislas Poniatowski, Hilaire Flandre,
la commission a adopté les articles premier (reconnaissance d'une
priorité nationale), 2 (création d'un observatoire national sur
les effets du réchauffement climatique), 3 (mission de l'observatoire),
4 (rapport annuel de l'observatoire), 5 (composition et règles de
fonctionnement de l'observatoire) dans le texte proposé par le
rapporteur.
La commission a enfin adopté à l'unanimité l'ensemble de
la proposition de loi dans le texte résultant de ses conclusions.