B. IL EST IMPÉRATIF DE PRÉCISER LE RÉGIME FISCAL DE LA PRESTATION
Le
régime fiscal actuel de la prestation compensatoire défavorise
les débiteurs de prestation sous forme de capital par rapport aux
débiteurs de prestation sous forme de rente et joue donc un rôle
essentiel dans la préférence marquée par les parties pour
la rente.
La rente
est en effet, comme les pensions alimentaires,
déductible du revenu de celui qui la paie (
art. 156 du code
général des impôts
) et imposable avec les revenus de
celui qui la reçoit (
art.
80 quater du code
général des impôts).
Le second, ayant en
général des revenus inférieurs à ceux du premier,
est soumis à un taux d'imposition moindre. Cette solution apparaît
donc avantageuse pour les deux époux, et tout particulièrement
pour le débiteur.
La prestation versée sous forme de
capital
est soumise, soit au
droit de partage de 1% prévu à
l'article 748 du code
général des impôts
, soit aux droits de mutation
à titre gratuit.
L'article 280 du code civil
dispose que "
les transferts et
abandons prévus au présent paragraphe sont
considérés comme participant au régime matrimonial. Ils ne
sont pas assimilés à des donations
".
Cette disposition s'applique sans restriction aux prestations payées par
un époux à l'aide de biens communs dans le cas de régimes
de communauté. S'applique dans ces cas le droit de partage de 1%.
L'article 757 A du code général des impôts
dispose cependant que les versements en capital entre ex-époux sont
soumis aux droits de mutation à titre gratuit lorsqu'ils proviennent des
biens propres de l'un deux.
En application de cet article, l'administration a ainsi exigé des droits
de mutation à titre gratuit en cas de versements en capital provenant de
biens propres des époux quel que soit le régime matrimonial.
Cette opération est conforme à la pratique en matière de
liquidation de régime matrimonial même si elle peut sembler
contrevenir à l'esprit de
l'article 280 du code civil.
En revanche, contrairement à la pratique adoptée en
matière de liquidation de régime matrimonial, l'administration
fiscale a soumis aux droits de mutation à titre gratuit la prestation
versée sous forme de biens indivis entre des époux
séparés de biens.
Lors de la première lecture de la proposition au Sénat, votre
commission des Lois avait souhaité adopter des dispositions fiscales
favorisant le paiement de la prestation en capital.
Elle avait ainsi prévu de doubler l'abattement applicable pour le calcul
de l'assiette des droits de mutation à titre gratuit exigibles en cas de
versement en capital provenant des biens propres du débiteur.
Cet abattement, prévu à
l'article 779 du code
général des impôts,
était à
l'époque de 330 000 F. Il a été relevé
à 500 000 F par la loi de finances pour 1999. Au delà
de ce seuil, les sommes versées sont imposables à un taux
progressif prévu à
l'article 777 du code
général des impôts
et variant de 5% jusqu'à
50 000 F jusqu'à 40% au delà de
11 200 000 F.
Mme le garde des Sceaux a considéré qu'il ne convenait pas de
favoriser les époux divorcés par rapport aux époux
survivants et a craint des demandes reconventionnelles concernant les
successions. Consciente de la nécessité d'adopter des
dispositions favorables au paiement de la prestation sous forme de capital,
elle s'est engagée à trouver une solution "
moins
pénalisante pour les finances publiques
" qui réponde au
souci de la commission des Lois.
Votre rapporteur avait en conséquence accepté de retirer la
disposition en cause (
article 3 de la proposition de loi
),
l'article 40 de la Constitution ayant été
évoqué.
La prestation versée en plusieurs
annuités
en application
de l'article 275-1 du code civil, ou des conventions entre époux dans le
cas de divorce sur requête conjointe,
n'est actuellement pas
assimilée à une rente
, donc non susceptible d'être
imposable à l'impôt sur le revenu. Ont été
néanmoins assimilées à des rentes des prestations dont les
versements étaient périodiques et réguliers, même
sur une durée ne dépassant pas trois ans.
La question se pose donc réellement de savoir
quel sera le
régime fiscal de la prestation versée sous forme de capital
telle que prévue dans le texte adopté par l'Assemblée
nationale.
Lors du débat à l'Assemblée nationale, l'ensemble des
intervenants a considéré qu'il était indispensable de
prévoir des dispositions fiscales. Mme le garde des Sceaux s'est
formellement engagée "
à ce qu'une solution soit
trouvée d'ici à la prochaine lecture en ce qui concerne le
régime fiscal à l'égard de l'impôt sur le revenu des
versements prévus par l'article 276 nouveau du code civil
".
Il est impératif que le dispositif adopté favorise un
versement rapide de la prestation
et donne à
la nouvelle forme
de versement de la prestation en capital un régime fiscal aussi
attractif que celui de la rente
.
Votre commission vous proposera donc
d'assimiler,
dans tous les cas,
le capital reçu sous forme d'argent à une rente,
quel que
soit le
nombre et la périodicité des versements
effectués
.
Les sommes versées pourraient ainsi être déduites des
revenus du débiteur. Si les revenus de ce dernier n'étaient pas
suffisants, l'excédent pourrait être déduit les
années suivantes, jusqu'à la huitième année suivant
le premier versement.
Les sommes reçues seraient déclarées avec les revenus du
créancier qui pourrait, même en cas de règlement de la
prestation sur une durée moindre,
étaler la déclaration
des sommes reçues
sur huit ans
afin qu'un paiement rapide de
la prestation ne le pénalise pas fiscalement.
Votre commission vous proposera donc d'adopter à cet effet deux articles
additionnels
après l'article 2 septies
modifiant
respectivement les
articles 156 et 80 quater du code
général des impôts
.
Les versements effectués sous forme d'abandons de biens en nature
continueraient à être taxés comme capital.
Compte tenu de l'augmentation à 500 000 F du seuil
d'application des droits de mutation à titre gratuit, votre commission
ne vous proposera pas à nouveau d'augmenter cet abattement.
Votre commission vous proposera en revanche de modifier
l'article 757 A du code général des impôts
pour faire en sorte que les
abandons en nature de biens indivis entre
époux séparés de biens
soient soumis au droit de
partage de 1% qui leur est appliqué au moment de la liquidation du
régime matrimonial et non aux droits de mutation à titre gratuit
(
après l'article 2 septies
).