III. LA CONVENTION D'EXTRADITION FRANCO-PARAGUAYENNE
L'absence de convention d'extradition entre la France et le
Paraguay
créait un vide dans la coopération judiciaire entre les deux pays
puisqu'elle imposait que les demandes soient traitées au cas par cas,
sans obligation d'aucune sorte pour l'une ou l'autre partie. La convention
signée le 16 mars 1997 s'inspire à la fois des principes du
droit français de l'extradition et de ceux de la convention
européenne d'extradition du 13 décembre 1957.
La convention entre la France et le Paraguay ne contient, toutefois, aucune des
dispositions relatives aux conventions d'extradition de l'Union
européenne, qu'il s'agisse de la convention relative à la
procédure d'extradition simplifiée du 10 mars 1995 ou de la
convention d'extradition du 27 septembre 1996.
A. LE CHAMP D'APPLICATION DE L'EXTRADITION
Comme l'ensemble des conventions d'extradition signées par la France, la convention d'extradition franco-paraguayenne limite les possibilités d'extradition à certains types d'infractions et réserve à l'Etat requis la possibilité de refuser une demande d'extradition.
1. Les conditions requises
La
France et le Paraguay, par
l'article premier
de la présente
convention, "
s'engagent à se livrer réciproquement (...)
toute personne qui, se trouvant sur le territoire de l'un des deux Etats est
poursuivie pour une infraction ou recherchée aux fins d'exécution
d'une peine privative de liberté, prononcée par les
autorités judiciaires de l'autre Etat comme conséquence d'une
infraction pénale
".
Deux conditions de base sont posées
par
l'article 2
pour
qu'une infraction pénale puisse donner lieu à extradition :
-
l'infraction doit
, en application des législations paraguayenne
et française,
être passible d'une peine privative de
liberté d'au moins deux ans
;
- si l'extradition est requise
en vue d'exécuter un jugement, la
partie de la peine restant à exécuter doit être d'au moins
six mois.
La convention franco-paraguayenne se distingue sur ce point de la convention
européenne d'extradition qui prend en considération le quantum de
la peine prononcée, et non la durée de la peine qui reste
à purger. Cette précision restreint donc le champ d'application
de la convention puisque l'extradition pourra être refusée en cas
de peine prononcée et supérieure à six mois partiellement
exécutée, dès lors que la durée restant à
purger est inférieure à six mois. Il s'agit ici, dans un souci
d'efficacité, d'éviter d'engager des procédures
d'extradition pour des faits sanctionnés par des peines
déjà pratiquement exécutées.
Si une extradition est demandée pour plusieurs faits distincts dont
certains ne rempliraient pas la condition relative aux taux de la peine, l'Etat
requis a néanmoins la faculté d'accorder l'extradition pour ces
faits (article 3).
2. Les motifs de refus d'extradition
La
convention distingue entre les motifs obligatoires et les motifs facultatifs de
refus d'extradition.
Les cas de refus obligatoire sont énumérés aux articles
5 et 6 :
-
lorsque
l'infraction
est considérée comme
politique
ou
comme un fait connexe à une telle
infraction ;
- lorsque la demande d'extradition est inspirée par des
considérations de race, de religion, de nationalité ou
d'opinions politiques
ou que la situation de cette personne risque
d'être aggravée pour l'une ou l'autre de ces raisons ;
- lorsque la personne réclamée serait jugée par un
tribunal n'assurant pas les garanties fondamentales
de procédure
ou de protection des droits de la défense ou pour l'exécution
d'une peine infligée par un tel tribunal ;
- lorsque la peine pour laquelle l'extradition est demandée est
considérée par l'Etat requis comme une
infraction
exclusivement militaire
;
- lorsque la personne réclamée a fait l'objet dans l'Etat requis
d'un
jugement définitif
pour l'infraction en raison de laquelle
l'extradition est demandée ;
- lorsque
l'action publique ou la peine sont prescrites
conformément à la législation de l'un ou l'autre des Etats.
Par ailleurs, aux termes de
l'article 6,
l'extradition ne sera pas
accordée
si la personne réclamée a la
nationalité de l'Etat requis
. Dans le cas où cette condition
de nationalité suffirait à elle seule à refuser
l'extradition, l'Etat requis devra néanmoins soumettre l'affaire
à ses autorités compétentes pour l'exercice de l'action
pénale.
Les
motifs facultatifs
sont, en outre, énumérés aux
articles 7, 8 et 9.
L'extradition
pourra
être
refusée :
- si
l'infraction a été commise hors du territoire de l'Etat
requérant
et que la législation de l'Etat requis n'autorise
pas la poursuite de la même infraction commise hors de son
territoire ;
- si la personne réclamée fait l'objet
dans l'Etat requis,
pour les mêmes faits, de poursuites ou d'un jugement définitif de
condamnation, d'acquittement ;
- si
l'infraction est punie de la peine capitale
par la
législation de l'Etat requérant , à moins que
" l'Etat requérant ne donne des assurances, jugées
suffisantes par l'Etat requis, que le peine capitale ne sera pas
exécutée ". On observera que cette clause est traditionnelle
dans les conventions signées par la France, bien que la peine capitale
ne soit prévue ni par la législation française, ni par la
législation paraguayenne ;
- enfin l'extradition peut être refusée
pour des
considérations humanitaires
, si la remise de la personne
réclamée est susceptible d'avoir pour elle des
conséquences d'une gravité exceptionnelle, notamment en raison de
son âge ou de son état de santé. Cette clause est
calquée sur la réserve formulée par la France au sujet de
l'article 1
er
de la convention européenne d'extradition.
En ce qui concerne les infractions en matière de taxes, d'impôts,
de douane ou de change, l'extradition sera accordée dans les conditions
prévues par la convention (art. 2-3). Il s'agit d'une disposition
désormais classique dans les conventions d'extradition
négociées par la France. Elle vise à l'assimilation de ces
infractions aux infractions dites de droit commun afin de faciliter
l'extradition.
Par ailleurs, le Paraguay n'infligeant pas de
peines
perpétuelles
, la France a fait ajouter
une disposition
spécifique
qui lui permettra de ne pas ce voir opposer des refus
systématiques d'extradition dans de telles hypothèses. Ainsi, le
paragraphe 1er de l'article 8
prévoit que lorsque le fait
à raison duquel l'extradition est demandée est passible ou a
été sanctionnée par une peine à caractère
perpétuel, l'extradition ne sera autorisée que si les garanties
suffisantes sont données par l'Etat requérant concernant les
mesures d'aménagement dont pourrait bénéficier la personne
réclamée. Ces dispositions sont donc comparables à ce qui
est prévu au sujet de la peine capitale.
B. LA PROCÉDURE D'EXTRADITION
La convention prévoit que la procédure d'extradition s'opère par la voie diplomatique (article 10). La demande d'extradition formulée par écrit doit être accompagnée d'un exposé des faits, de l'original ou de l'expression authentique d'une décision de condamnation ou d'un mandat d'arrêt, du texte des dispositions légales applicables à l'infraction en cause et du signalement de la personne (article 11).
1. L'application du principe de spécialité
Par
ailleurs, la convention applique le principe dit de
" spécialité des poursuites ", selon lequel
une
personne extradée ne peut être ni poursuivie, ni jugée, ni
détenue en vue de l'exécution d'une peine pour un fait
antérieur à la remise autre que celui ayant motivé
l'extradition
(article 14).
Toutefois,
deux tempéraments
sont prévus à
l'application de ce principe :
- si l'Etat requis donne son accord à une telle extension de
l'extradition, sous réserve d'ailleurs que la nouvelle infraction
invoquée entre dans le champ d'application de l'extradition ;
- si la personne extradée n'a pas quitté le territoire de l'Etat
requérant dans les 60 jours suivant son élargissement
définitif, ou si elle y est librement retournée après
l'avoir quitté.
Dans le même esprit, si postérieurement à l'extradition,
l'infraction a fait l'objet, dans l'Etat requérant, d'une nouvelle
qualification légale, la personne ne pourra être jugée ou
poursuivie sur la base de cette infraction requalifiée que :
- si elle peut donner lieu à extradition en application de la
présente convention ;
- si elle vise les mêmes faits que l'infraction pour laquelle
l'extradition a été accordée.
Enfin, aux termes de l'
article 15,
sauf lorsque la personne
extradée a poursuivi son séjour dans l'Etat requérant
au-delà du délai de 60 jours après son
élargissement,
sa réextradition vers un Etat tiers
ne peut
être accordée que si l'Etat qui a accordé l'extradition y
consent.
2. Les dispositions relatives à l'arrestation provisoire, à la remise et au transit
Lorsque
l'Etat qui sollicite une extradition demande également, en cas
d'urgence, l'arrestation provisoire de la personne recherchée, les
informations reprises sont voisines de celles demandées par la demande
d'extradition elle-même et doivent indiquer l'intention de l'Etat
requérant de demander ultérieurement l'extradition. Aucun cas de
refus d'arrestation provisoire n'est prévu dans la convention. En tout
état de cause, l'arrestation provisoire prend fin si, après un
délai de 45 jours, la demande d'extradition n'est pas parvenue
à l'Etat requis. Observons que ce délai maximal n'est que de 40
jours dans la convention européenne d'extradition (article 16).
L'article 18
concerne la décision prise par l'Etat requis et les
conditions de la remise. Tout refus complet ou partiel doit être
motivé, clause classique dans ce type de convention.
L'article 19
détermine les cas où la remise peut
être différée et prévoit la possibilité d'une
remise temporaire de la personne réclamée.
L'article 20
concerne la saisie des objets et leur remise. Lorsque ces
objets sont susceptibles de saisie et de confiscation sur le territoire de
l'Etat requis, ce dernier pourra, aux fins d'une procédure pénale
en cours, les garder temporairement ou les remettre sous condition de
restitution. Sont toutefois réservés les droits que l'Etat requis
ou des tiers auraient acquis sur ces objets.
L'article 21
règle les dispositions relatives au transit d'une
personne à travers le territoire de l'une des deux Parties lorsque
l'autre Partie a fourni une demande d'extradition auprès d'un Etat
tiers. Le transit suit les mêmes règles que l'extradition, sauf le
cas particulier d'un transit aérien.
L'article 22
règle la question des frais de l'extradition qui,
comme cela est d'usage, sont à la charge de la Partie requise lorsqu'ils
sont exposés sur son territoire et ce jusqu'à la remise de la
personne. Les frais occasionnés par le transit sont en revanche à
la charge de l'Etat requérant.