II. LA CONVENTION D'ENTRAIDE JUDICIAIRE EN MATIÈRE PÉNALE
La convention d'entraide judiciaire en matière pénale entre la France et l'Uruguay, signée le 5 novembre 1996, reprend pour l'essentiel les dispositions des accords de même nature déjà signés par la France, avec le Mexique notamment le 27 janvier 1994, et s'inspire largement de la convention européenne d'entraide judiciaire en matière pénale du 20 avril 1959. Ce texte comprend 25 articles répartis en neuf titres.
A. LE CADRE GÉNÉRAL DE LA COOPÉRATION JUDICIAIRE FRANCO-URUGUAYENNE
En l'absence de convention bilatérale, la coopération judiciaire est jusqu'ici uniquement régie par la principe de réciprocité et l'analyse, au cas par cas, des possibilités de donner suite à la demande. Les conventions d'entraide ont pour objet de créer une obligation de coopération, laissant toutefois aux Etats une possibilité de refus dans certaines hypothèses.
La convention du 5 novembre 1996 reprend un certain nombre de règles traditionnelles des conventions d'entraide judiciaire.
1. Un champ d'application traditionnel
Aux termes de l'article premier , les deux Etats " s'engagent à s'accorder mutuellement (...) l'aide judiciaire la plus large possible dans toute procédure visant des infractions pénales dont la sanction est, au moment où l'entraide est demandée, de la compétence des autorités judiciaires de la partie requérante. L'entraide sera accordée sans qu'il soit exigé que les faits soient considérés comme une infraction dans le pays requis ".
Toutefois, demeure hors du champ d'application de la présente convention toute demande d'entraide concernant :
- l'exécution des décisions d'arrestation et des condamnations, sauf en cas de confiscation ;
- les infractions militaires qui ne constituent pas des infractions de droit commun.
2. Les motifs de refus d'entraide
L'article 4 réserve aux Etats parties la possibilité de refuser l'entraide judiciaire dans trois hypothèses :
- si la demande se rapporte à des infractions considérées par la Partie requise soit comme des infractions politiques , soit comme des infractions connexes à des infractions politiques ;
- si la demande a pour objet une perquisition, une saisie, une mise sous séquestre et que les faits à l'origine de la requête ne constituent pas une infraction au sens de la législation de la Partie requise ;
- si la Partie requise estime que l'exécution de la demande est de nature à porter atteinte à la souveraineté, à la sécurité, à l'ordre public ou à d'autres intérêts essentiels.
Par ailleurs, l'entraide est refusée si la demande a pour objet une mesure de confiscation et que les faits à l'origine de la requête ne constituent pas une infraction au regard de la législation de la Partie requise.
3. Les procédures d'entraide
Les procédures d'entraide sont définies aux articles 16 à 22 (Titre VI - Procédure) de la convention.
Les demandes d'entraides sont adressées " d'autorité centrale à autorité centrale ", c'est-à-dire le ministère de la justice pour la France et le ministère de l'éducation et de la culture pour l'Uruguay (art. 2 et 17), la transmission diplomatique restant toutefois possible.
L'article 16 précise les mentions devant figurer dans la demande, essentiellement son objet et son motif, un bref exposé des faits reprochés et, le cas échéant, les questions susceptibles d'être posées dans le cas d'une audition, d'un interrogatoire ou d'une confrontation.
Les questions de traduction sont réglées par l'article 18 : les demandes d'entraide et les pièces annexes sont accompagnées d'une traduction dan la langue de l'Etat requis effectuée selon les règles de l'Etat requérant.
En vertu de l'article 21, tout refus d'entraide doit être notifié et motivé à la Partie requérante.
Enfin, l'article 22 précise que l'exécution des demandes d'entraide ne donne lieu à aucun remboursement de frais , à l'exception de ceux occasionnés par l'intervention d'experts et par le transfèrement de personnes détenues.
B. LES FORMES DE L'ENTRAIDE JUDICIAIRE
L'entraide judiciaire en matière pénale portera essentiellement sur la recherche de preuves, l'audition de témoins ou d'experts, le transfèrement de personnes détenues et la communication d'extraits de casier judiciaire.
1. La recherche de preuves
La convention précise dans son article 5 que l'Etat requis fera exécuter les demandes d'entraide relatives à une affaire pénale qui lui sont adressées par les autorités judiciaires de l'Etat requérant et qui ont pour objet d'accomplir des actes d'enquête ou d'instruction ou de communiquer des pièces à conviction, des dossiers ou des documents.
Si l'Etat requérant désire que les témoins ou experts déposent sous serment, il en fera expressément la demande et l'Etat requis y donnera suite si sa législation ne s'y oppose pas. Il ne donnera suite aux demandes de perquisition ou de saisie que si l'infraction est punissable aux termes de sa législation.
L'Etat requis n'est pas tenu de communiquer des originaux, sauf si l'Etat requérant le demande expressément et dans la mesure où cela se révèle possible (article 5-3).
Par ailleurs, selon l'article 6 , si l'Etat requérant le demande expressément, l'Etat requis l'informe de la date et du lieu d'exécution de la demande d'entraide à laquelle pourront assister les autorités et les personnes en cause si l'Etat requis y consent.
Enfin, selon l'article 7 , l'Etat requis pourra surseoir à la remise des objets, dossiers ou documents s'ils lui sont nécessaires pour une procédure pénale en cours. Les objets ainsi que les originaux des dossiers et documents qui auront été communiqués seront renvoyés aussitôt que possible à moins que l'Etat requis n'y renonce. Les droits que les tiers auraient acquis sur ces objets sont cependant réservés.
2. La comparution de témoins ou d'experts et le transfèrement de personnes détenues
L'article 8-3 précise que les citations à comparaître devront être envoyées à l'Etat requis au moins 40 jours avant la date fixée pour la comparution.
Si la comparution personnelle d'un témoin ou d'un expert est particulièrement nécessaire, l'Etat requérant doit en faire mention dans la demande de remise de citation, avec indication du montant des indemnités. Une avance, dans ce cas, pourra lui être consentie (article 11).
L'article 10 règle le régime des indemnités à verser ainsi que les frais de voyage et de séjour à rembourser au témoin ou à l'expert.
Le défaut de comparution d'un témoin ou d'un expert n'entraînera, en tout état de cause, aucune sanction ou mesure de contrainte (article 9).
Lorsque les demandes de citation à comparaître en tant que témoin, présentes par l'Etat requérant, concernent une personne détenue , le transfèrement de cette dernière peut être refusé dans quatre hypothèses (article 12) :
- tout d'abord, si la personne détenue n'y consent pas, et ce afin d'éviter le transfèrement d'une personne manifestement peu disposée à coopérer avec l'autorité judiciaire requérante ;
- si la présence de la personne est nécessaire dans une procédure pénale en cours sur le territoire de l'Etat requis, ce dernier pouvant ainsi privilégier le souci de mener à leur terme les instances en cours ;
- si le transfèrement est susceptible de prolonger sa détention ;
- enfin, si d'autres considérations impérieuses s'opposent à ce transfèrement, ce motif de refus couvrant des situations telles que celles présentant un risque d'évasion ou un problème de sécurité.
Il faut, toutefois, souligner que ces différents motifs demeurent facultatifs et qu'ils peuvent donc ne pas être invoqués par l'autorité requise.
L'article 12-3 définit les conditions de ce transfèrement et précise notamment que la personne transférée devra rester en détention sur le territoire de l'Etat requérant, à moins que l'Etat requis ne demande sa mise en liberté.
Aux termes de l'article 13 , le témoin ou l'expert bénéficie, selon l'usage lorsqu'il comparaît devant l'autorité judiciaire requérante, d'une immunité de poursuite et d'arrestation pour des faits ou condamnations antérieures à son départ du territoire de l'Etat requis. Cette immunité est étendue aux personnes poursuivies à l'exclusion, bien entendu, des faits pour lesquels elles ont été citées à comparaître.
3. La communication d'extraits de casier judiciaire
L'article 15 précise que l'Etat requérant pourra obtenir des extraits de casier judiciaire en s'adressant directement au service compétent de l'Etat requis. Celui-ci communiquera les informations dans la mesure toutefois où il pourrait lui-même obtenir de tels renseignements auprès des autorités de l'Etat requérant.
4. Recherche et saisie des produits d'infraction
En vertu de l'article 14 , une partie peut demander de rechercher et de saisir les produits d'une infraction à sa législation susceptibles de se trouver sur le territoire de la Partie requise. Celle-ci prend toutes les dispositions nécessaires autorisées par sa législation pour empêcher que ces produits ne fassent l'objet d'une transaction ou ne soient transférés ou cédés avant que l'autorité compétente de la Partie requérante n'ait pris de décision définitive à leur égard.