C. UN BUDGET TRONQUÉ

1. Le " hors-bilan "

Les crédits relatifs aux garanties de l'Etat sont inscrits au chapitre 14-01 du budget des charges communes, pour un montant de 1,24 milliard de francs.

Toutefois, ces crédits ne prennent pas en considération les " garanties implicites " à la charge de l'Etat, c'est-à-dire les engagements à plus ou moins long terme auxquels l'Etat et le secteur public devront faire face, et qui ne sont pas retracés en tant que tels dans le budget de l'Etat.

L'Etat sera en effet confronté, dans un avenir relativement proche, à un problème budgétaire majeur : celui du " hors-bilan ", ou " dette publique invisible ".

Si la structure et l'évolution du bilan de l'Etat peuvent être appréhendées et contrôlées de façon objective, le " hors-bilan " , quant à lui, fait l'objet d'une grande imprécision , le flou dont il est entouré empêchant la représentation nationale et les citoyens de connaître précisément la situation financière exacte de l'Etat.

Cette situation, dont votre rapporteur spécial ne peut que s'inquiéter, a également été dénoncée par l'Assemblée nationale. Le groupe de travail, qu'elle avait constitué à l'initiative, et sous la présidence, de M. Laurent Fabius, sur l'efficacité de la dépense publique et le contrôle parlementaire, estime, dans son rapport 35( * ) , que la dette est " sous-évaluée " , l'Etat pratiquant " une politique de provisionnement minimal , alors que le principe de sincérité budgétaire milite pour qu'apparaissent, à la lecture du bilan de l'Etat, les causes d'éventuels déséquilibres futurs ".

Par ailleurs, le rapporteur général de la commission des finances de l'Assemblée nationale, M. Didier Migaud, estime, dans on rapport sur le projet de loi de finances pour 2000, que " le Parlement n'a encore qu'une vision tronquée de la dette de l'Etat, sans même parler de celle des autres administrations publiques ".

En effet, le gouvernement apprécie actuellement le " hors-bilan " d'une manière extrêmement restrictive, ne s'en tenant qu'à une simple définition juridique.

D'après des informations fournies à votre rapporteur spécial, le gouvernement ne prend en compte que la notion de dette garantie par l'Etat inscrite aux sous-comptes 801 (emprunts intérieurs) et 802 (emprunts extérieurs) de la comptabilité de l'Etat, qui est publiée chaque année au compte de la dette publique.

Il s'agit des engagements de sociétés françaises, entreprises nationales, collectivités et établissements publics bénéficiant de la garantie explicite de l'Etat, ce dernier s'étant engagé, dans l'hypothèse d'une défaillance du débiteur, à effectuer lui-même le règlement.

Au 31 décembre 1998, cette dette inscrite " hors-bilan " s'élevait à 311,54 milliards de francs , soit 263,23 milliards de francs d'emprunts intérieurs, et 48,31 milliards de francs d'emprunts extérieurs. Le tableau ci-après présente la dette garantie par l'Etat.



Toutefois, les chiffres précédents ne recouvrent pas toute la dette garantie implicitement.

En effet, dans une réponse à une question écrite 36( * ) , le gouvernement estimait, pour 1997, à 439,19 milliards de francs la dette financière nette des entreprises nationales et des groupes publics.

Cette dette est particulièrement concentrée, les trois principaux débiteurs représentant à eux seuls 77,5 % de l'encours total. La dette financière de RFF 37( * ) s'élève à 148,96 milliards de francs, celle d'EDF à 130,72 milliards de francs, et celle de la SNCF à 60,85 milliards de francs. Suivent les Charbonnages de France pour 31,9 milliards de francs, et la RATP pour 27,7 milliards de francs.

Cependant, l'ensemble du " hors-bilan " n'est ni complètement connu ni totalement provisionné.

Les réalités qu'il recouvre, très disparates, sont souvent difficiles à quantifier précisément.

Au-delà de la question des retraites évoquée ci-dessus, quelques chiffres sont riches d'enseignements sur l'ampleur des besoins de financement.

Ainsi, le coût des structures de défaisance représente 2 points de PIB. Il convient de relever que l'accroissement, dans la nouvelle base INSEE 1995 du montant de la dette publique au sens de Maastricht, qui est de 60,3 % du PIB en 1998, est dû à l'intégration des structures de défaisance publiques, dont EPFR 38( * ) et CDR 39( * ) , dans le secteur des ODAC 40( * ) .

En outre, les garanties de l'Etat pour les prêts au logement représenteraient 2 à 4 % de PIB.

Enfin, selon la Cour des comptes, les provisions que nécessiterait le démantèlement des centrales nucléaires peuvent être chiffrées à 102 milliards de francs. A la fin de 1997, les provisions inscrites s'élevaient à 40,8 milliards de francs.

La prise en compte du " hors-bilan " a des conséquences budgétaires considérables, qu'il est difficile de chiffrer avec précision, mais qui peuvent être évaluées, en intégrant la dette implicite des régimes de retraite par répartition, à des centaines, voire des milliers, de milliards de francs.

Ainsi, l'OCDE a chiffré en 1993 le montant de la " dette publique invisible " de la France à 216 % du PIB de 1990, contre 157 % pour l'Allemagne, 242 % pour l'Italie, 156 % pour le Royaume-Uni, et 89 % pour les États-Unis.

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