B. L'EADS, UNE ÉTAPE MAJEURE QUI MÉRITE EXAMEN
1. EADS, la troisième entreprise aéronautique mondiale
L'EADS
devrait résulter d'une mise en commun de tous les actifs des deux
entreprises française et allemande, à l'exception notable du
motoriste allemand MTU et d'un transfert de liquidités de
3,4 milliards d'euros
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*
)
de DASA vers Daimler-Chrysler, sa
maison-mère, et, peut-être, des actifs Dassault-Aviation de
l'entreprise française. Son chiffre d'affaires atteindrait
19,8 milliards d'euros.
La création de la société entraînerait donc
l'intégration européenne totale d'une large gamme
d'activités aéronautiques et spatiales, au terme de laquelle
l'entreprise gérerait le troisième groupe mondial, loin toutefois
derrière Boeing (53 ,5 milliards d'euros de chiffre
d'affaires) et Lockheed Martin (25 milliards d'euros de chiffre
d'affaires).
Le total des droits détenus dans Airbus par la nouvelle entreprise,
à qui pourrait se joindre d'abord l'espagnol CASA, atteindrait 75 % de
l'ensemble.
La structure capitalistique d'EADS serait la suivante : 40 % en
bourse ; 30 % à Aérospatiale-Matra ; 30 %
à DASA.
Cet agencement s'accompagnerait d'une participation de l'Etat français
dans EADS de 15 %, soit un peu plus que ses droits arithmétiques.
2. Une opération à examiner attentivement
Votre
commission des finances se réjouit qu'une étape majeure sur la
voie d'une industrie européenne unifiée ait ainsi
été franchie.
Elle ne peut que déplorer, en revanche, qu'un tel projet ait pu
être conduit sans qu'une quelconque information lui ait été
spécifiquement adressée.
Elle regrette aussi que cette fusion franco-allemande puisse déboucher
sur le choix d'une localisation du siège de la nouvelle entreprise aux
Pays-Bas, et elle y voit une nouvelle confirmation du bien-fondé de ses
analyses sur la concurrence fiscale en Europe.
Il appartiendra à votre commission d'examiner en détail les
aspects financiers de cette fusion lorsque davantage d'informations lui auront
été fournies.
Les parités retenues entre Aérospatiale-Matra et DASA peuvent
susciter quelques interrogations de ce point de vue, ne serait-ce que parce
que, sous bénéfice d'inventaire, nul accord ne semble être
intervenu permettant d'organiser la coexistence du Rafale et de l'Eurofighter.
Il faudra également s'interroger sur les conditions dans lesquelles
seront résolus les problèmes résultant des perspectives
d'une offre monopolistique.
La constitution d'une grande entreprise aéronautique en Europe offre en
effet une perspective qui n'est jamais réjouissante pour un client,
celle de se trouver face à un unique fournisseur.
Or, les Etats européens sont appelés à être clients
d'une entreprise, souhaitée par eux, qui se retrouverait dans une telle
situation.
On rappelle que cette éventualité considérée avec
défaveur par le Pentagone a suscité aux Etats-Unis des
initiatives des pouvoirs publics destinées à garantir la
coexistence d'au moins deux fournisseurs.
L'aversion au monopole s'appuie sur deux considérations
principales :
les difficultés à se procurer dans un tel cas des
équipements au meilleur prix :
le danger d'une " anesthésie " du progrès technique,
le monopole supprimant toute incitation à la recherche de produits de
meilleure qualité que ceux de la concurrence.
Ces objections ne sont évidemment pas infondées. Cependant, elles
ne doivent pas être exagérées et ne peuvent en Europe
déboucher sur les mêmes décisions qu'aux Etats-Unis.
La capacité des Etats européens à développer des
moyens tels qu'au moins deux entreprises puissent concourir pour un même
grand programme d'avion militaire n'existe pas plus que la capacité de
chaque entreprise européenne à assumer seule les coûts d'un
tel programme.
L'exemple de la coexistence des programmes Rafale et Eurofighter
démontre qu'une telle option est excessivement coûteuse pour les
finances publiques.
Elle prive en outre des moyens de poursuivre des programmes diversifiés
alors que l'Europe a précisément besoin de se doter d'une
capacité industrielle élargie.
Dans l'arbitrage entre une diversité d'entreprises ou une
diversité de programmes, le second terme l'emporte évidemment.
Il est alors nécessaire de mettre en place les moyens pour surmonter les
risques du monopole. Etant observé que celui-ci ne sera pas parfait -des
offres non-européennes demeureront- l'on doit alors souhaiter la mise en
oeuvre d'un strict contrôle des coûts des programmes ainsi que
d'une politique de soutien à la recherche vigilante sur le degré
d'incorporation du progrès technique aux produits commandés.
Les gains d'efficience attendus des consolidations industrielles seront
aussi d'autant mieux mobilisés que les Etats européens seront
capables de gérer les incitations nécessaires à la bonne
gestion de tout programme militaire.
Il faudra enfin résoudre divers problèmes d'accompagnement.
Les interdépendances entre l'industrie aéronautique et les
pouvoirs publics sont grandes.
L'européanisation de la base
industrielle suppose une européanisation de l'action des pouvoirs
publics. :
L'intégration des industries aéronautiques européennes
nécessite suppose des progrès décisifs sur plusieurs
fronts :
- dans le secteur militaire
, sur l'harmonisation des
spécifications, l'engagement de financements à long terme et la
direction des programmes par une agence intergouvernementale du type de
l'Occar ;
- dans le domaine du soutien à l'industrie aéronautique,
sur la constitution de fonds européens d'avances remboursables pour
le lancement des nouveaux programmes et l'élaboration d'une politique
commune de promotion des exportations et d'aide à la
restructuration ;
- dans le domaine de la police administrative
sur l'édiction de
règles harmonisées concernant la sécurité
nationale, la sécurité d'approvisionnement, et le contrôle
des exportations.
Dans le domaine fiscal
, il conviendra de mieux veiller qu'aujourd'hui
à ce que les Etats partenaires reçoivent un revenu sur une base
juste.